Le programme African Futures & Innovation, avec le soutien de l’AUDA-NEPAD, vient de publier un rapport intitulé «Tunisia Geographic Futures» («Tunisie Avenirs géographiques»), analysant la trajectoire de développement actuelle et les perspectives d’avenir de notre pays, en examinant comment diverses interventions sectorielles pourraient façonner le paysage économique et social jusqu’en 2043, date de la fin du troisième plan décennal de mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Il souligne l’importance de réformes coordonnées et multisectorielles pour libérer le potentiel économique et social à long terme.
Les travaux du programme African Futures & Innovation (AFI) de l’Institut d’études de sécurité visent à comprendre et à combler l’écart grandissant entre les indices de bien-être en Afrique et ailleurs dans le monde. Il se veut aider les parties prenantes à comprendre les développements futurs probables -puisque l’avenir de notre continent dépend des choix et des mesures prises aujourd’hui par les gouvernements et leurs partenaires non gouvernementaux et internationaux, et ce, en fournissant des données empiriques.
Plusieurs scénarios sectoriels
Ce rapport se veut analyser la trajectoire de développement actuelle et les perspectives d’avenir de notre pays, en examinant comment diverses interventions sectorielles pourraient façonner le paysage économique et social jusqu’en 2043, date de la fin du troisième plan décennal de mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
L’analyse s’appuie sur la modélisation de scénarios et explore huit secteurs clés : la démographie et la santé, l’agriculture, l’éducation, l’industrie manufacturière, les grandes infrastructures et le «leapfrogging» (en gros : saut vers le développement sans passer par les étapes intermédiaires), la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), les flux financiers et la gouvernance. En plus d’évaluer les effets de chaque scénario sectoriel individuellement, le rapport évalue l’impact combiné de ces interventions sur la trajectoire de croissance et de développement à long terme de notre pays.
Il décrit la trajectoire de développement attendue en l’absence de changements politiques majeurs, soit le scénario de la trajectoire actuelle. Ce scénario couvre la période de 2023 à 2043 et est basé sur des données provenant de sources internationales et nationales réputées, en donnant la priorité aux statistiques nationales lorsqu’elles sont disponibles.
La section couvre une série d’indicateurs clés, notamment la démographie, le PIB aux taux de change du marché, la dynamique du secteur informel, le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat, les taux de pauvreté et l’alignement sur le Plan national de développement de la Tunisie.
Vers un PIB par habitant à 12.870 dollars
Le rapport analyse l’impact des scénarios individuels et combinés sur le PIB par habitant et la réduction de la pauvreté et explore les implications socio-économiques plus larges du scénario combiné, en examinant les changements dans la croissance économique, la transformation économique structurelle, la taille de l’économie informelle, l’espérance de vie, l’inégalité des revenus (mesurée par le coefficient ou indice de Gini), les émissions de carbone et la production et la demande d’énergie.
Voici quelques données que l’on peut lire dans ce rapport. L’espérance de vie passera à 82,2 ans en 2043, soit 1,7 an de plus que la trajectoire actuelle. La structure de notre population se caractérise par un vieillissement démographique, la part de la population en âge de travailler diminuant légèrement, passant de 66% en 2023 à 65,7% en 2043. Le dividende démographique s’amenuise, ce qui nécessite des politiques visant à améliorer la participation de la main-d’œuvre et la productivité.
En termes de PIB aux taux de change du marché, notre économie devrait passer à 75,1 milliards de dollars US en 2043 (43,05 milliards de dollars en 2023), reflétant un taux de croissance annuel moyen modeste de 2,8%.
Le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat devrait augmenter progressivement pour arriver à 12.870 dollars en 2043 (9.900 dollars en 2023), mais il semblerait que cette croissance est insuffisante pour entraîner une convergence avec les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.
Les parts du secteur informel devraient contribuer à hauteur de 20,3% au PIB et employer 32,9%, ce qui représente une baisse par rapport aux années précédentes et devrait, ainsi, témoigner d’une lente formalisation de l’économie.
Les niveaux de pauvreté devraient diminuer pour atteindre 1,7% en 2043. Cependant, il est indiqué que les disparités régionales et la pauvreté multidimensionnelle restent des préoccupations majeures.
D’un déficit alimentaire à un excédent
D’autre part, le scénario Agriculture renforce la sécurité alimentaire en améliorant les rendements des cultures, en développant l’irrigation et en adoptant des techniques intelligentes face au climat. D’ici 2043, notre pays devrait passer d’un déficit alimentaire à un excédent, atteignant ainsi l’autosuffisance alimentaire totale.
Du côté de l’éducation, le scénario porte le nombre moyen d’années de scolarisation à 11,9 ans et améliore les scores de qualité à tous les niveaux. Il réduit l’écart entre les sexes et permet à notre pays de mieux aligner le capital humain sur les demandes du marché du travail.
Le scénario Industrie manufacturière élargit la base industrielle et porte la part de la valeur ajoutée manufacturière dans le PIB à 19,2% d’ici à 2043. Il favorise la création d’emplois, la réduction de la pauvreté et l’augmentation des recettes fiscales.
Le scénario de la ZLECAf accroît l’ouverture commerciale et la diversification des exportations. Le déficit commercial de la Tunisie se réduit à mesure que les exportations de produits manufacturés et de technologies de l’information et de la communication augmentent.
Le scénario des grandes infrastructures et du «leapfrogging» stimule la connectivité à large bande et la production d’énergie renouvelable. Il soutient également la croissance des services numériques et accélère la transition écologique.
Le scénario « Flux financiers » accroît les IDE, ralentit la baisse des envois de fonds et réduit la dépendance à l’égard de l’aide. En 2043, le PIB par habitant atteint 13 440 USD et les recettes publiques augmentent de 1,35 milliard USD par rapport à la trajectoire actuelle.
Le scénario Gouvernance renforce l’efficacité des institutions, la prestation des services publics et l’équité sociale.
Les scores de gouvernance augmentent, la pauvreté recule à 1,4% et le PIB augmente pour atteindre 77,33 milliards de dollars en 2043.
Zouhour HARBAOUI
