Par Slim BEN YOUSSEF
Certains communiquent, ces jours-ci, à grands renforts de vertus sur un événement baroque. Dans les chancelleries occidentales, on promet de « reconnaître » la Palestine comme on reconnaît un cadavre à la morgue : trop tard, trop propre. On dégaine des communiqués comme on colle des pansements sur des membres arrachés, ou des certificats de naissance sur des enfants déjà ensevelis. On reconnaît un État comme on absout un crime : sans justice, sans scrupule, avec un sang-froid confondant.
Gaza brûle. Gaza meurt. Gaza se dilue dans les décombres. Et pendant que les chancelleries polissent leurs phrases, les bombes creusent, les bulldozers nivellent, la faim laboure. On efface les corps, les écoles, la mémoire — puis l’on reconnaît un État en ruine. À titre posthume. Comme on scelle une tombe.
France, Grande-Bretagne, Canada… Aucun des États qui promettent de reconnaître la Palestine n’a osé nommer l’occupant, ni exiger de sanctions. La Russie, la Chine, l’Afrique du Sud – eux, au moins, ont nommé ce qui tue. Le génocide en cours est la matrice de leur propre impuissance. Et dans cette matrice, une certitude : ces reconnaissances ne reconnaissent que leur hypocrisie, leur besoin de se donner le beau rôle.
Reconnaître un État ? Oui, mais désarmé, affamé, docile. Pendant qu’on évite de nommer le génocide à Gaza, on légitime les conditions de l’occupant : pas de résistance, pas d’obstacle, pas de trouble dans l’image. On exige des Palestiniens qu’ils renoncent à leur combat pour mériter leur fiction d’État.
À bien y regarder, cette reconnaissance est une ruse – un artifice diplomatique pour sauver la face, non les vivants. Elle cherche à rendre le sang plus photogénique. Une grande supercherie qui offre à Israël un supplément d’oxygène, et aux complices de ses crimes un répit dans l’opprobre. Ceux qui, depuis octobre 2023, arment, financent, couvrent. Et livrent à Israël missiles, munitions, et légitimité.
L’État palestinien ainsi promis est l’ombre portée d’un génocide en temps réel, la postface diplomatique d’un charnier sans épitaphe. Il prolonge le massacre sur le papier, et donne au silence une forme de souveraineté.
Reconnaître la Palestine ? Commencez donc par reconnaître les morts. Les enfants déchiquetés, les hôpitaux rasés, les complicités muettes. Et puis, s’il vous reste un peu d’honneur, admettez ceci : les peuples ne naissent ni des traités, ni des tribunes. Ils naissent dans la terre, la résistance, l’Histoire.
