La Tunisie, pays réputé pour la beauté de ses paysages et la richesse de son patrimoine, fait face à une menace environnementale sérieuse qui risque de compromettre son attractivité et son développement durable. La récente visite du ministre de l’Environnement, Habib Abid, au centre de déchets contrôlé de Rahma, dans la région de Menzel Bouzelfa, a mis en lumière une situation alarmante qui illustre les défaillances persistantes dans la gestion des déchets et leurs répercussions sur l’environnement local.
Au cœur de cette crise se trouve un problème critique : la fuite de lixiviat, un liquide dangereux produit par la dégradation des déchets, qui s’infiltre dans les sols et risque de contaminer les nappes phréatiques et les terres agricoles avoisinantes.
Cette situation est aggravée par l’arrêt total de la station de traitement des eaux usées sur le site, ce qui laisse s’échapper des substances polluantes non traitées dans l’environnement.
Ce phénomène n’est pas anodin. Les lixiviats contiennent une multitude de composés chimiques toxiques, susceptibles de s’accumuler dans le sol, d’affecter la qualité de l’eau potable, mais aussi de pénétrer la chaîne alimentaire via les cultures locales. Les habitants de la région, ainsi que les agriculteurs qui dépendent de ces terres pour leur subsistance, se trouvent aujourd’hui exposés à des risques sanitaires importants, qui pourraient à terme avoir des conséquences irréversibles.
Un impact majeur sur une économie fortement dépendante du tourisme
La Tunisie est une destination touristique prisée. Ce secteur constitue une source essentielle de revenus pour le pays, générant des milliers d’emplois et contribuant à l’économie nationale. Or, la pollution environnementale et les atteintes à la qualité de vie locale portent gravement atteinte à l’image du pays à l’étranger. Un site de traitement des déchets mal géré, avec ses conséquences visibles sur les terres agricoles et l’eau, envoie un signal négatif aux visiteurs potentiels. En effet, la propreté des espaces publics, la qualité de l’air et la préservation des écosystèmes sont devenues des critères importants pour les touristes, de plus en plus sensibles aux questions environnementales.
Le risque est donc double : non seulement la pollution détériore directement l’environnement naturel et la santé des populations locales, mais elle compromet également la réputation internationale de la Tunisie en tant que destination de choix. Dans un secteur touristique très concurrentiel, où les pays voisins rivalisent d’efforts pour améliorer leur offre, laisser perdurer de telles défaillances peut entraîner une perte de parts de marché et un recul des recettes.
Une gestion des déchets insuffisante et des politiques à renforcer
Le cas du centre de déchets de Rahma n’est pas isolé. La Tunisie, malgré ses avancées en matière de gestion des déchets, continue de faire face à des problèmes récurrents liés à l’insuffisance des infrastructures, au manque d’entretien, à la mauvaise gestion des sites, et parfois à des dysfonctionnements administratifs. Le pays doit relever un véritable défi pour assurer un traitement adéquat des déchets, éviter la pollution des sols et des nappes et promouvoir des pratiques durables. Cela implique notamment d’investir dans la modernisation des stations de traitement, de renforcer le contrôle environnemental et d’assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs publics et privés impliqués. La sensibilisation des populations et l’implication des collectivités locales sont également des éléments clés pour changer les comportements et améliorer la collecte sélective, le recyclage et la réduction des déchets à la source.
Une urgence environnementale et économique
Le temps presse. Chaque jour où la pollution continue de s’étendre, les risques s’amplifient pour les habitants, les agriculteurs et l’environnement naturel. Les sols contaminés perdent leur fertilité, les eaux polluées deviennent impropres à la consommation et la biodiversité locale se dégrade.
Par ailleurs, la dégradation environnementale pourrait avoir des effets en cascade sur l’économie régionale, notamment via la baisse de la production agricole et la diminution du flux touristique. Dans un contexte où la Tunisie cherche à renforcer son développement économique et social, il est crucial d’intégrer la protection de l’environnement comme une priorité nationale.
Vers des solutions durables et concertées
Face à ces enjeux, il est indispensable que les autorités tunisiennes, en collaboration avec les acteurs du secteur privé, les organisations de la société civile et la communauté internationale, élaborent et mettent en œuvre des stratégies globales de gestion durable des déchets. Cela passe notamment par la réhabilitation immédiate des sites pollués, la remise en service des stations de traitement des eaux usées, la mise en place de systèmes de contrôle rigoureux et la promotion de techniques innovantes pour la valorisation des déchets. Parallèlement, il convient d’accompagner ces mesures par des campagnes d’information et de sensibilisation afin d’encourager les citoyens à adopter des comportements responsables, de la collecte à l’élimination des déchets.
La pollution environnementale, notamment dans des zones sensibles comme le centre de déchets de Rahma, n’est pas seulement une question technique ou locale. Elle touche à la santé publique, à la préservation des ressources naturelles, mais aussi à la réputation internationale de la Tunisie. À l’heure où le tourisme représente un pilier économique majeur, il est inadmissible que de telles défaillances viennent ternir l’image du pays et menacer son attractivité. La Tunisie a tout à gagner à faire de la protection de son environnement une priorité stratégique, en investissant dans des solutions durables et en assurant une gestion rigoureuse de ses déchets. L’avenir du pays et le bien-être de ses citoyens en dépendent. Ignorer cette réalité, c’est prendre le risque de compromettre non seulement la qualité de vie des générations présentes, mais aussi les perspectives de développement à long terme.
Leila SELMI
