Le 8 août 2025, le parquet de Sousse 1 a ordonné l’ouverture d’une enquête après la diffusion d’une vidéo montrant un homme frappant violemment un chien, Rocky, à coups de pelle à la tête, dans la région de Zaouiet Sousse. Le suspect, un berger, a été placé en garde à vue à la suite d’une plainte déposée par l’Association Rahma. L’animal, gravement blessé et paralysé, souffrait de lésions neurologiques irréversibles. Sa mort a suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux et relancé la revendication d’une loi spécifique de protection animale, dotée de sanctions pénales plus dissuasives.
La maltraitance à l’encontre des animaux est un phénomène qui devient de plus en plus flagrant en Tunisie, alors que des actions sont sans cesse menées par des associations œuvrant par tous les moyens à la protection des animaux. Du point de vue légal, la maltraitance envers les animaux est pénalisée, mais de manière limitée et indirecte. L’article 315 du Code pénal prévoit une peine de 5 à 15 jours de prison ou d’une amende pour quiconque inflige des sévices graves ou tue un animal domestique appartenant à autrui, sans nécessité. Le Code rural encadre aussi le bien-être des animaux d’élevage, mais les sanctions restent faibles. En pratique, les animaux errants ou sans propriétaire ne bénéficient que d’une protection juridique minimale, et les poursuites sont rares.
Outre le fait qu’ils sont souvent négligés et livrés à eux-mêmes, certains parmi eux sont maltraités par des jeunes et même des moins jeunes qui s’amusent à les battre ou même à leur faire subir moult sévices tels que ceux qui s’amusent à les brûler ou même les égorger. Une vidéo avait circulé, il y a quelques mois, montrant un individu en train de capturer des chats errants pour les mettre dans des cages et les vendre en guise de nourriture ! Il en va de même pour les chiens errants, qui continuent à être persécutés et tués à la chevrotine. Dans certaines municipalités, les chiens errants ne sont plus abattus, mais vaccinés. Cependant, certains n’hésitent pas à les tuer. Des actes qui sont commis gratuitement mais surtout, impunément. Ce qui est dû d’une part à l’absence d’une culture pro-animale, mais surtout à une législation qui n’est pas assez rigoureuse, pour mieux protéger les animaux des maltraitances de toutes sortes dont ils font encore l’objet de nos jours.
L’agresseur placé en garde à vue
Jamila Ammar, présidente de l’association de protection des animaux «Rahma», a indiqué, lors de son intervention lundi dernier sur les ondes d’une radio de la place à propos de l’agresseur concerné, que «les voisins ont remarqué son comportement violent vis-à-vis des animaux. Étant propriétaire d’un poulailler, son comportement est motivé par le fait de vouloir protéger ses poules. Toutefois, il agit toujours agressivement envers les chiens». Jamila Ammar a ajouté qu’ «il est également agressif à l’encontre des autres animaux dont il est le propriétaire, dont des vaches qu’il traite d’une manière violente, comme l’ont constaté maintes fois ses voisins». Concernant les faits, elle a précisé que «le chien qui a été victime de violences mortelles de sa part, appartenait à sa voisine. Il a été frappé à coups de pelle par l’agresseur alors qu’il dormait. La propriétaire du chien a sursauté en raison du bruit et du cri lancé par le pauvre animal. Elle a appelé un vétérinaire qui lui a prodigué des soins en le plaçant chez lui. Mais il a succombé à ses blessures par la suite». L’association a donc déposé une plainte contre le coupable qui été convoqué par le ministère public pour être interrogé, puis placé en garde à vue. «Il s’agit de la cinquième personne poursuivie par l’association et placée en prison. Tous ont écopé de peines négligeables», a encore déclaré la présidente de l’association.
Un projet de loi toujours en instance
Un projet de loi a été déposé il y a déjà quelques mois à l’Assemblée des représentants du peuple. Elaboré par une équipe d’experts, de juristes et de vétérinaires, il a pour finalité de rompre avec les pratiques archaïques, notamment concernant l’abattage des chiens, encore observées dans la plupart des régions et la maltraitance des animaux d’une façon générale. Des sanctions sévères sont prévues pour les violations des nouvelles normes. De plus, il est conforme au principe de la «santé unique», qui reconnaît l’interdépendance entre la santé animale, humaine et environnementale. Toutefois, pour le moment, il n’a pas été discuté au sein de la commission législative de l’ARP. En fait, une loi spécifique permettrait de définir explicitement ce qui constitue un acte de cruauté, comme les sévices physiques, les privations de soins, l’abandon, la mise en danger volontaire, ou une exploitation abusive.
La protection animale, c’est aussi dans les mentalités
La loi doit s’appliquer à tous les animaux, qu’ils soient domestiques, d’élevage, de travail ou errants, mettant fin à la discrimination implicite qui prive les animaux sans propriétaire de protection réelle. Il faut aussi des sanctions plus dissuasives. Il faudrait également un mécanisme de plainte et de suivi, avec la création d’un numéro unique ou d’une plateforme nationale pour signaler les cas de maltraitance. Il faut par ailleurs une obligation pour la police et la garde nationale, afin d’intervenir en cas de danger immédiat pour l’animal. Un suivi judiciaire transparent est également nécessaire avec des délais stricts pour les enquêtes et des rapports publics sur les suites données aux plaintes. Au-delà de l’émotion suscitée par l’affaire Rocky, c’est toute une réforme de fond qui s’impose. Car protéger les animaux, c’est aussi protéger notre humanité et renforcer l’État de droit. L’émotion ne doit pas retomber.
Le cas de Rocky révèle non seulement une cruauté inacceptable, mais aussi un vide juridique et institutionnel qui laisse la porte ouverte à la récidive. Tant que la loi ne protègera pas clairement et efficacement tous les animaux, la justice restera incomplète. Transformer l’indignation populaire en réforme législative serait le meilleur hommage à rendre à Rocky, et à tous les animaux victimes de violences silencieuses. Espérons qu’à la prochaine session législative, ce projet de loi sera enfin adopté en vue de mettre un terme à toute forme d’agression contre les animaux. Toutefois, la protection animale ne passe pas seulement par la loi. C’est aussi dans les mentalités qu’un changement doit s’opérer. Avec des campagnes de sensibilisation, chacun devrait comprendre que l’animal est un être vivant doté de sensibilité, capable de souffrir et de ressentir, tout comme l’être humain, même si son langage diffère et mérite d’être compris.
Ahmed NEMLAGHI
