Il s’agit d’une branche médicale récente qui a pris plus d’ampleur ces dernières années en Europe et qui a finalement vu le jour dans le menu de nos hôpitaux avec une belle armada de médecins et de personnel paramédical spécialement formé pour ce nouveau cursus.
La décision tombe à pic, d’autant que la Tunisie compte aujourd’hui, parmi sa population, un plus grand nombre de personnes âgées avec près de 17% d’habitants âgés de plus de 60 ans, soit, à peu près, sept cent mille âmes. Ce nombre va sûrement augmenter lors des prochaines années en raison de la progression de la moyenne de l’espérance de vie, en relation avec les progrès de la médecine et des meilleures conditions de vie.
La Tunisie franchit une étape décisive dans le domaine médical avec la création d’un nouveau cursus spécialisé en gériatrie, qui sera désormais enseigné dans les facultés de médecine. Cette décision du ministère de la Santé a été accueillie avec enthousiasme par les professionnels, en particulier par les médecins concernés par la prise en charge des personnes âgées.
C’est quoi la gériatrie ? Il s’agit d’une branche de la médecine qui se spécialise dans la prise en charge des personnes âgées, en se concentrant sur les maladies liées au vieillissement et sur la globalité de leurs besoins (somatiques, fonctionnels, psychologiques et sociaux). Elle ne se limite pas à l’âge, mais prend en compte des profils spécifiques comme ceux qui ont plusieurs maladies, une fragilité, un risque de dénutrition ou une poly-pathologie. Le but est de maintenir ou d’améliorer l’autonomie et la qualité de vie des patients, y compris dans les soins palliatifs.
Une prise en charge particulière
Conscient de l’importance de cette spécialité médicale, le ministère de la Santé vient d’annoncer la couleur. Ainsi, Dr Moustapha Ferjani, le ministre de la Santé, a annoncé, il y a trois jours, la création d’une nouvelle spécialité en médecine gériatrique, à l’issue d’une séance de travail tenue au siège du ministère, en présence de l’Ordre des médecins, de l’Association tunisienne de gériatrie et de plusieurs experts.
La réunion a abouti aux décisions suivantes :
*Intégrer la gériatrie parmi les spécialités médicales dans les facultés de médecine.
*Réviser l’article 341 relatif à la liste des spécialités.
*Mettre en place un programme de formation de 5 ans pour les jeunes médecins.
*Créer une instance nationale chargée de superviser cette spécialité.
Cette initiative vise à garantir une prise en charge sanitaire complète adaptée aux besoins spécifiques des personnes âgées.
Cette bonne nouvelle ne peut que satisfaire tout le monde, particulièrement les personnes âgées, puisqu’elles sont les plus concernées, mais également le corps médical qui va pouvoir traiter cette catégorie de patients avec plus de moyens, de précision, d’attention et d’efficacité, comme l’a rappelé Dr Mariem Hakim, spécialiste en gériatrie, dans une déclaration aux médias : «Il s’agit d’une décision qui satisfait énormément la communauté médicale. C’est l’aboutissement d’un long travail mené avec toutes les parties prenantes et les autorités de tutelle. La mise en place de services hospitaliers spécifiquement dédiés aux seniors était un moyen réclamé depuis plusieurs années, au regard de l’augmentation constante de la population âgée en Tunisie comme ailleurs dans le monde.»
Dr Hakim insiste sur la spécificité des pathologies liées à l’âge avancé, qui nécessitent une approche multidisciplinaire : médecins, infirmiers, nutritionnistes, kinésithérapeutes et psychologues doivent travailler main dans la main. «La gériatrie permettra de détecter plus tôt les maladies, limiter les complications comme les chutes, la perte d’équilibre ou les fractures et ainsi, réduire les coûts de santé pour l’État», a-t-elle ajouté.
Autre point important, l’accès à cette nouvelle branche va permettre de regrouper les différentes spécialités médicales dans un même service afin de faciliter l’accès aux soins pour les personnes âgées, souvent confrontées à plusieurs maladies chroniques simultanément (diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, insuffisance rénale, etc.).
Plus de dépenses mais surtout, plus d’attention envers les séniors
Et il n’y a pas que les soins généraux qui vont en bénéficier, mais également le suivi sur le plan mental, comme le rappelle cette spécialiste : «La gériatrie contribuera aussi à un accompagnement psychologique et social. Il s’agit non seulement de soigner le patient âgé, mais aussi de soutenir sa famille, de l’informer et de l’impliquer dans le processus de soins».
Ce qui est certain, c’est que ce nouveau cursus marque une avancée majeure pour la santé publique en Tunisie, en offrant une prise en charge plus adaptée, plus humaine et plus complète aux personnes âgées. En parallèle, la formation et le recrutement de médecins engagés dans cette spécialité, permettront d’étendre leurs connaissances et d’en faire usage dans des services spécialisés.
Certes, l’initiative exigera un plus fort budget et l’acquisition de nouveaux équipements modernes, en plus de la mise en place de nouvelles équipes médicales, mais en contrepartie, le pays y gagnera beaucoup grâce à l’attention accordée à une importante frange de la population qui est, à l’heure actuelle, traitée médicalement dans des proportions très limitées et dans un environnement qui ne prend pas en considération les exigences et les conditions de cette catégorie d’âge.
Il reste à présent à accélérer les pas pour mettre en exécution tout ce qui a été décidé par le ministère car chaque instant gagné contribuera au bien-être de plus d’une personne âgée.
Kamel ZAIEM
