À l’approche de la rentrée scolaire, la question des fournitures devient chaque année un sujet sensible pour des milliers de familles. Entre la hausse des prix, les risques de spéculation et la disponibilité parfois limitée des cahiers subventionnés, les parents se retrouvent pris dans une équation difficile : comment garantir à leurs enfants l’accès à des fournitures essentielles sans alourdir un budget familial déjà fragilisé par l’inflation ?
Dans ce contexte, les services de l’État se voient contraints de renforcer leur rôle de régulation et de contrôle. Les opérations menées récemment dans plusieurs régions, dont Sousse, rappellent à quel point le suivi rigoureux du marché des fournitures scolaires est vital. Car derrière un simple cahier, c’est tout un enjeu d’équité sociale, de transparence commerciale et de justice économique qui se joue.
Le cahier scolaire subventionné occupe une place centrale dans la liste des fournitures de base. Il s’agit d’un produit stratégique destiné à alléger le fardeau financier des familles, en particulier celles des classes moyennes et populaires. Mais son importance en fait aussi une cible privilégiée pour les dérives commerciales. Certains acteurs du marché cherchent à détourner ces produits de leur vocation initiale, en les stockant illégalement, en les revendant à des prix gonflés ou en les utilisant dans des circuits parallèles. Ce type de pratiques, loin d’être marginal, fragilise la confiance des citoyens et menace l’efficacité des politiques publiques de soutien aux familles.
Face à ces risques, l’intervention des pouvoirs publics s’impose comme une nécessité. Les services de commerce, épaulés par les forces de sécurité, sont mobilisés pour inspecter les unités de production, les grossistes et les détaillants. Leur mission ne se limite pas à vérifier la conformité administrative des entreprises, mais s’étend aussi au suivi des stocks, à la traçabilité des cahiers subventionnés et au contrôle des conditions de distribution.
Ces actions ne visent pas seulement à sanctionner les contrevenants. Elles cherchent également à rétablir une certaine équité dans l’accès aux fournitures scolaires, afin que le produit subventionné profite réellement à la population ciblée, et non à quelques opérateurs qui cherchent à en tirer un bénéfice indu.
Les chiffres qui interpellent
Les dernières opérations de terrain ont permis de mettre en lumière des irrégularités préoccupantes. Des milliers de cahiers destinés aux élèves ont été retrouvés dans des conditions suspectes, parfois non conformes aux règles de production et de distribution. Ces saisies illustrent l’ampleur des pratiques frauduleuses et la nécessité d’un contrôle constant. Mais au-delà des chiffres, c’est le symbole qui compte : chaque cahier détourné, chaque lot stocké illégalement, représente une entrave au droit fondamental des enfants à l’éducation. À travers ces opérations, l’État envoie donc un message fort : l’école et ses outils de base ne peuvent être réduits à de simples marchandises spéculatives.
La rentrée, un moment de tension économique
Le mois de septembre est traditionnellement une période de forte pression sur le pouvoir d’achat. Les ménages doivent assumer à la fois les dépenses de fournitures, d’uniformes et de frais de scolarité, alors même que l’inflation continue de rogner leurs revenus. Dans ce contexte, la moindre hausse des prix ou la moindre pénurie est vécue comme une injustice. Le contrôle économique prend donc une dimension sociale et politique. Il s’agit non seulement de préserver la régularité de l’approvisionnement, mais aussi de protéger la cohésion nationale. Une rentrée scolaire apaisée, où chaque élève dispose des fournitures nécessaires, est un facteur de stabilité que les autorités ne peuvent négliger.
Pour que ces efforts portent leurs fruits, la transparence est essentielle. Les citoyens doivent être informés des quantités disponibles, des prix fixés et des mécanismes de distribution. Les grossistes et détaillants, de leur côté, doivent assumer leur responsabilité en respectant scrupuleusement les règles et en évitant toute pratique abusive. L’ouverture d’enquêtes économiques approfondies permet non seulement d’identifier les failles, mais aussi d’améliorer les mécanismes de suivi. Chaque infraction détectée doit servir d’enseignement pour renforcer le dispositif global et éviter que les mêmes pratiques ne se répètent d’année en année.
Un enjeu de confiance citoyenne
Dans une période où la relation entre l’État et les citoyens est souvent marquée par la méfiance, la réussite de ces contrôles peut contribuer à restaurer la confiance. Lorsque les familles constatent que les autorités veillent concrètement à protéger leurs droits et à assurer une répartition équitable des biens subventionnés, elles sont plus enclines à adhérer aux politiques publiques. À l’inverse, si les irrégularités persistent sans sanction, le sentiment d’injustice risque de s’accentuer et de nourrir un climat de colère sociale. L’école, espace sacré dans l’imaginaire collectif tunisien, ne doit en aucun cas être perçue comme un terrain d’inégalités. La régulation du marché des fournitures scolaires, particulièrement celle des cahiers subventionnés, dépasse largement la simple logique économique. C’est une question de justice sociale, d’égalité des chances et de respect du droit à l’éducation.
Les contrôles menés à Sousse montrent que des efforts sont entrepris, mais ils rappellent aussi que la vigilance doit être constante. À chaque rentrée, l’État doit redoubler d’attention pour éviter que la spéculation et les pratiques illégales ne compromettent l’accès équitable aux fournitures de base.
En définitive, le contrôle économique dans le secteur scolaire n’est pas un choix, c’est un impératif national. Garantir que chaque élève, qu’il vive dans une grande ville ou dans une région intérieure, puisse commencer l’année avec les outils nécessaires est une responsabilité collective. Car protéger le cahier de l’élève, c’est protéger l’avenir du pays.
Leila SELMI
