L’obésité chez l’adulte est devenue un fléau silencieux en pleine expansion. Elle touche 19,92% des adultes tunisiens, selon une étude effectuée le 4 septembre par le cabinet de recherche et d’étude de marché The African Exponent. Ce chiffre alarmant, qui reflète une tendance en constante augmentation ces dernières années, place notre pays quatrième dans le classement des pays les plus touchés par l’obésité de l’adulte en Afrique, juste derrière l’Egypte (32,48 des adultes), la Libye (28,08%) et les Seychelles (20,58%).
L’étude pointe du doigt des habitudes alimentaires de plus en plus nocives : consommation excessive de malbouffe, plats frits, boissons sucrées et restauration rapide. Le rythme de vie moderne, souvent stressant et pressé, favorise le recours à des solutions alimentaires rapides, mais déséquilibrées notamment dans les grands centres urbains comme le Grand Tunis, Sfax, Sousse et Nabeul.
La nourriture traditionnelle tunisienne, pourtant riche et variée, est peu à peu délaissée au profit du fast-food, notamment chez les jeunes adultes. Les Tunisiens se distinguent également par une consommation excessive de pain et de pâtes alimentaires. Ils figurent en tête des gros consommateurs de pâtes au monde, selon l’Union des associations de fabricants de pâtes alimentaires. Ce changement des habitudes contraste avec les générations plus âgées qui ont grandi avec un régime méditerranéen riche en légumes.
En parallèle, la sédentarité gagne du terrain. Le développement des technologies, la généralisation du travail de bureau et la baisse des activités physiques quotidiennes contribuent à cette tendance. De nombreuses études révèlent que les Tunisiens passent de plus en plus de temps assis, que ce soit au travail ou à la maison, devant des écrans.
Des conséquences lourdes sur la santé publique
Les répercussions de la hausse de l’obésité sont graves. Définie comme étant «une accumulation anormale ou excessive de graisses», la surcharge pondérale (surpoids et obésité) est considérée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme étant une véritable «pandémie» menaçant la santé globale, alourdissant les dépenses de soins et perturbant l’équilibre financier aussi bien des pays à revenu élevé ou moyen que ceux à faible revenu. L’obésité est un facteur de risque majeur pour de nombreuses maladies chroniques. En Tunisie, on observe une hausse préoccupante du diabète de type 2 qui touche environ 20% des Tunisiens, de l’hypertension artérielle (plus de 30% de la population), ainsi que des maladies cardiovasculaires. Ces pathologies, souvent évitables, pèsent lourdement sur le système de santé national.
Selon des professionnels de santé, la prévention doit devenir une priorité et mobiliser l’ensemble des acteurs : pouvoirs publics, professionnels de santé, éducateurs, familles. Il est urgent de lancer des campagnes de sensibilisation à grande échelle, d’encourager l’activité physique et de promouvoir une alimentation plus saine, notamment dans les écoles, les entreprises et les médias.
Changer les mentalités, un processus de longue haleine
Les pouvoirs publics ont déjà multiplié les initiatives pour remédier à cette situation. Des campagnes de sensibilisation mettant en avant la valeur des produits locaux et des repas traditionnels ont été lancées. Les écoles jouent un rôle central dans cet effort, avec l’intégration de l’éducation nutritionnelle dans les programmes scolaires et des projets visant à initier les enfants au jardinage et à la cuisine à base d’ingrédients frais. Des groupes de la société civile organisent également des marches communautaires, des initiatives cyclistes et des événements axés sur le bien-être qui encouragent les modes de vie actifs dans les villes où les habitudes sédentaires sont plus courantes. Des projets d’aménagement urbain ont introduit des espaces dédiés aux activités sportives et aux loisirs (parcs urbains et parcours de santé) dans plusieurs villes.
Les politiques sont également renforcées. Le gouvernement accorde une plus grande importance à la réglementation de la publicité pour les snacks sucrés, en particulier ceux qui ciblent les enfants, et étudie des mesures incitatives pour que les marchés fermiers fournissent des produits frais et abordables. Ces mesures montrent que la Tunisie reconnaît que les solutions doivent combiner la fierté culturelle des traditions alimentaires et les mesures modernes de santé publique. Changer les mentalités et les comportements alimentaires est un processus long mais indispensable pour préserver la santé des générations futures.
Walid KHEFIFI
