La nouvelle loi relative aux contrats de travail du 21 mai 2025 trouve-t-elle des réticences à être appliquée par certaines entreprises privées ? C’est ce qu’a affirmé récemment, le président du bloc parlementaire «La ligne nationale souveraine», Youssef Tarchoun, au cours de son intervention sur les ondes d’une radio de la place. Il a précisé qu’«il y a plusieurs entreprises privées et publiques qui, depuis le mois de juillet, n’ont pas respecté la loi, telles que certaines sociétés pétrolières».
Certes, il y a des employeurs qui se complaisent dans des situations qui mettaient les salariés en position de précarité telle qu’ils ne peuvent revendiquer aucun droit. C’est le cas concernant la relation contractuelle à durée déterminée, dont le renouvellement est tributaire du bon vouloir de l’employeur. Ce qui constitue un esclavage déguisé, voire légalisé. Par ailleurs, il y a également les contrats de sous-traitance qui comportent plusieurs aspects négatifs, étant des contrats temporaires et peu protégés.
Or la nouvelle loi a aboli la sous-traitance ainsi que le contrat à durée déterminée, tout en autorisant certaines exceptions définies par la loi. Ce qui est conforme à la vision de l’Etat prônée par le Président de la République et fondée sur le rôle social de l’Etat. Or selon le député Youssef Tarchoun, il y a des sociétés qui se sont rebellées contre l’État, en ajoutant que l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (ETAP), ainsi que le ministère de l’Énergie n’ont pas assuré leurs rôles. «Les sociétés de sous-traitance sont des gangs criminels et des lobbies», a-t-il lancé.
Violation de la loi et intention de nuire aux travailleurs
En effet, la loi sur l’organisation des contrats de travail et l’interdiction de la sous-traitance ont pour objectif de trouver un équilibre entre la protection du salarié et celle de l’entreprise. Cependant, certaines entreprises ont procédé au licenciement des employés qui sont sous CDD au lieu de procéder à leur régularisation, craignant un coût financier supplémentaire, avec une augmentation brutale de la masse salariale. C’est ce qui a incité le député à lancer un cri d’alarme en estimant que les travailleurs qui ont été licenciés au lieu d’être régularisés «ont été humiliés et opprimés». Raison pour laquelle il appelle le Président Kaïs Saïed à «intervenir personnellement». A ce propos, le député de la circonscription de Tataouine, Mokhtar Abdelmoula, avait adressé un message à la ministre de l’Énergie et des Mines, concernant l’attitude de certaines compagnies pétrolières opérant dans le désert de la région, qui ont procédé au licenciement de plusieurs travailleurs après l’entrée en vigueur de la loi interdisant la sous-traitance. Ce qui constitue une violation flagrante de la loi. Le député a appelé le ministère de l’Energie à prendre des sanctions contre ces entreprises.
Sévères sanctions prévues par la nouvelle loi
En fait, quelles sanctions encourent les employeurs qui enfreignent la loi, concernant les recrutements sous CDD ou par le biais de la sous-traitance ? La nouvelle loi en la matière est pourtant bien explicite. En principe, les recrutements se font sur la base d’un contrat à durée indéterminée (CDI). C’est-à-dire qu’en d’autres termes, le contrat de travail est désormais par défaut à durée indéterminée (CDI) (article 2-6 nouveau). Une période d’essai est prévue, et dont le maximum est de 6 mois, renouvelable une seule fois. Concernant les cas précédents de recrutement sous CDD et en cas de rupture, tout contrat ultérieur sera un CDI sans période d’essai (article 3-6). Ce qui fait que désormais, tout CDD est interdit sauf quelques exceptions telles qu’un surcroît temporaire d’activité, le remplacement provisoire d’un employé ou les travaux saisonniers ou de nature exceptionnelle. Si l’employé continue à travailler après expiration du CDD, celui-ci est transformé automatiquement en CDI.
Quant à la sous-traitance, elle est désormais prohibée. Ce qui implique que le prêt de main-d’œuvre désigné par le terme arabe «Mounaouala» est expressément interdit. Pour les contrevenants, les sanctions varient entre amende et peine de prison. L’amende est de 10 mille dinars concernant une personne physique et elle est doublée s’il s’agit d’une personne morale. En outre, le représentant légal de l’entreprise est impliqué lorsque c’est lui qui est responsable du recrutement contraire à la loi et il peut être condamné à une amende de 10 mille dinars et en cas de récidive, il encourt 3 à 6 mois de prison avec, en outre, une amende administrative (imposée par le ministère du Travail et non par le tribunal), allant de 100 à 1 000 dinars par travailleur avec un plafond de 10 000 dinars (article 234 ter).
Intensifier les contrôles par les pouvoirs publics compétents
De ce fait, le député de la circonscription de Tataouine, Mokhtar Abdelmoula, a appelé à préciser les actions envisagées contre les entreprises ayant adopté des pratiques illégales en licenciant des employés au lieu de les régulariser. Il est nécessaire, estime-t-il, d’ouvrir une enquête immédiate et de prendre les dispositions nécessaires pour protéger les droits socioéconomiques des travailleurs.
Cet appel réitéré aujourd’hui par le député Youssef Tarchoun constitue, dit-il, un cri d’alarme afin de préserver l’Etat de droit et la souveraineté nationale. Il importe donc que les services de contrôle soient dotés de plus de moyens humains et suffisants pour identifier rapidement les infractions. Des inspections inopinées et ciblées dans les secteurs à risque doivent être organisées, en mettant en place un mécanisme de dénonciation sécurisé et anonyme. Les travailleurs doivent pouvoir signaler les abus sans crainte de représailles, grâce à une plateforme confidentielle gérée par le ministère de l’Emploi. Il est nécessaire également d’informer et d’accompagner les entreprises dans la transition vers des formes d’emploi conformes à la nouvelle législation. Par ailleurs, il est utile de renforcer le dialogue social et la sensibilisation des entreprises, afin d’instaurer une culture de conformité, où les droits des travailleurs sont pleinement garantis et où les entreprises comprennent que la stabilité de l’emploi est un levier de productivité et non un frein.
Mettre fin à l’action des lobbies
Cela est nécessaire afin de mettre fin à l’action des lobbies qui profitent sur le dos des travailleurs qui sont exploités à l’envi, comme une orange pressée dont on jette l’écorce après avoir bu le jus. Car dans le cas d’un CDD ou d’une sous-traitance, ces travailleurs se trouvent dans la précarité et risquent de sombrer dans l’indigence, surtout qu’ils ne disposent d’aucune autre ressource que leur force physique ou intellectuelle. Il devient donc urgent de renforcer la vigilance de la part de l’inspection du travail afin de mettre un terme à toutes ces pratiques abusives et qui se font au détriment de tous ceux qui, par leur labeur, contribuent au développement économique du pays. La nouvelle loi a été adoptée précisément pour les protéger et au-delà, dans un souci de justice sociale.
Ahmed NEMLAGHI
