Nul n’ignore le rôle joué par les clubs (pédagogiques, culturels, artistiques, scientifiques, sportifs…) dans la dynamisation de la vie scolaire et l’instauration des nouvelles bases de l’école de demain telles qu’elles sont définies dans la réforme du système éducatif. D’ailleurs, toutes les réformes faites dans notre système éducatif ont insisté sur la nécessité d’améliorer la qualité de l’enseignement et d’assurer les meilleures conditions pour la bonne marche du secteur éducatif en appelant à une révision de l’horaire scolaire, actuellement trop contraignant, de manière à accorder le temps nécessaire à l’élève de pratiquer ses loisirs afin de lui assurer le bien-être en milieu scolaire.
Généralement, on incombe à l’école une tâche essentiellement éducative, en tant que pourvoyeuse de connaissances et de savoir. Or, l’école joue d’autres rôles non moins importants dans l’épanouissement de l’enfant et le développement de ses talents et de ses capacités créatives qui peuvent se réaliser au sein même de l’établissement scolaire, sachant qu’un élève passe une bonne part de son temps à l’école. Malheureusement, depuis quelques années, même avant la crise sanitaire provoquée par la Covid-19, on assiste à une absence quasi totale des clubs scolaires. D’ailleurs, on constate que ces clubs culturels, scientifiques ou sportifs n’attirent plus les élèves comme c’était le cas avant la Révolution. A quoi est donc due cette «désertion» massive des clubs scolaires et comment faire pour les sortir de leur léthargie ?
Les élèves boudent les clubs scolaires
Le problème est que la majorité des élèves ne fréquente plus ces clubs scolaires, censés être des espaces de divertissement, de contacts, d’affinement du goût et d’adoucissement des mœurs et ce, à travers les différentes activités assurées par ces clubs qui leur permettent également de pratiquer leurs loisirs, de suivre leur vocation et d’affiner leurs talents. Tous les directeurs des collèges et des lycées interrogés sur ce sujet assurent que de tels clubs existent dans leurs établissements respectifs tout en reconnaissant qu’ils ne sont pas fréquentés par les élèves, et ce, pour plusieurs raisons selon eux.
D’abord, les emplois du temps, devenus trop chargés depuis l’introduction de nouvelles matières au niveau de l’enseignement de base, d’autant plus que plusieurs matières sont enseignées par groupes, ce qui a rendu les emplois du temps plus chargés. Ensuite, ce manque de motivation chez pas mal d’élèves s’explique par leur engouement pour les téléphones portables et les smartphones avec lesquels ils préfèrent passer leur temps à surfer, jouer ou chater, chose que les enfants trouvent de plus en plus attrayante et plus pratique que d’aller passer des heures dans un club scolaire. Enfin, il faut dire que les cours particuliers suivis en dehors des établissements empêchent beaucoup d’élèves de participer aux différents clubs scolaires, étant donné que l’horaire imparti à ces clubs coïncide souvent avec le temps consacré aux différents cours particuliers, à savoir les après-midi de vendredi et samedi.
Manque d’équipements
Le manque d’équipements nécessaires au bon fonctionnement de ces clubs est souvent à l’origine de la rupture avec ces clubs scolaires qui s’appuient encore sur des méthodes traditionnelles et des moyens archaïques, lesquels ne sont plus motivants pour des adolescents férus des nouvelles technologies. Peut-on encore imaginer un club de langues ou d’informatique sans bandothèque ni ordinateurs ? (A noter que la salle d’informatique est strictement réservée au cours). Peut-on concevoir un club de cinéma ou de théâtre sans matériel de projection de films ou de représentations de pièces théâtrales ? A quoi servent des clubs de santé, d’environnement, de lecture ou d’excursions si le nombre d’adhérents ne dépasse pas 3 ou 4 élèves ? Voilà pourquoi les élèves ne sont plus chauds à s’inscrire aux différents clubs scolaires, attirés plutôt par d’autres moyens de loisirs qu’ils trouvent plus captivants et peut-être plus passionnants. Sonia, une élève de 9e année, nous a affirmé à ce propos : « Je n’ai jamais entendu parler de ces clubs depuis que je suis au collège !
D’ailleurs, même s’ils existent, je n’y ai jamais participé. Pour moi, c’est une perte de temps. Tous ces clubs fonctionnent l’après-midi du vendredi ou du samedi, pendant ce temps, j’ai des études de maths, d’arabe et de physique. C’est à peine si l’élève arrive à se concentrer sur ses devoirs ! On n’a pas vraiment assez de temps pour le consacrer aux clubs». Cette aversion pour les clubs scolaires s’explique peut-être par le fait que les élèves ne sont pas suffisamment sensibilisés dès le début de l’année à l’importance et au rôle de ces clubs scolaires dans l’épanouissement de l’élève et de sa culture générale. Un autre élève, Tarek, semble disposé à participer à un club d’informatique, mais ce genre de club n’existe pas dans son collège : « Je voudrais bien adhérer à un club d’informatique, c’est ma seule passion. Dommage que la salle d’informatique ne soit pas exploitée en dehors des cours dans le cadre d’un club d’informatique, elle est pourtant bien équipée».
Enseignants-animateurs démotivés
L’inexistence des clubs scolaires est due également à l’indisponibilité du cadre enseignant à animer les différents clubs scolaires. En effet, les clubs sont généralement animés par des enseignants, chacun selon sa spécialité (langues, sciences, musique, théâtre, informatique, sport…). Or, certains profs ne sont pas assez coopératifs dans ce sens, pour des raisons diverses. La raison principale est que les heures d’animation (2 ou 3 heures par semaine) ne sont pas rémunérées. Ce qui a été confirmé par ce prof de français au collège : « Le travail dans les clubs relève d’un esprit bénévole et suppose un engagement moral envers le travail collectif et la vie associative. Il est rare de trouver des collègues prêts à consacrer leur temps libre aux activités des clubs scolaires, surtout en dehors des heures de travail. A peine finit-il son travail, le professeur quitte l’école pour vaquer à ses occupations personnelles ou familiales ou pour aller donner des cours particuliers».
Pour motiver les enseignants à s’occuper de ces activités extrascolaires au sein des clubs, un rabattement de deux heures de leur horaire officiel est envisageable. D’ailleurs, il fut un temps où les heures d’animation étaient payées en tant qu’heures supplémentaires. Compter sur le bénévolat des gens pour faire marcher ces clubs est insuffisant. De nos jours, les volontaires deviennent de plus en plus rares.
Les clubs sont importants dans la vie scolaire. Dans le cadre du projet de la réforme du système éducatif et de la révision de la vie scolaire, le ministère de tutelle devrait se pencher sur les moyens susceptibles de sortir ces clubs de leur stagnation et de procéder à leur consolidation, d’autant plus qu’ils ont un grand rôle à jouer dans les établissements scolaires et auprès des élèves. Encore faut-il doter ces différents clubs d’équipements modernes pour drainer le maximum d’élèves et trouver les moyens nécessaires pour motiver les enseignants à mieux collaborer.
Hechmi KHALLADI
