A l’occasion de la Journée mondiale des villes, qui a eu lieu le 31 octobre, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié un nouveau guide à l’intention des décideurs. Dans ce guide, intitulé «Taking a strategic approach to urban health» («Adopter une approche stratégique en matière de santé urbaine»), Tunis, à travers la cité Helal, est donnée en exemple.
Selon un communiqué de l’OMS, plus de 4,4 milliards de personnes, soit plus de la moitié de l’humanité, vivent aujourd’hui dans des zones urbaines, et cette proportion devrait atteindre près de 70% d’ici à 2050.
En ville, il existe des liens forts et évidents entre la santé, les inégalités, l’environnement et l’économie, ce qui entraîne des risques complexes mais crée aussi des possibilités uniques de progresser.
Partout dans le monde, les citadines et les citadins sont, donc, confrontés à des risques multiples et qui se chevauchent : pollution de l’air, transports dangereux, logements insalubres, bruit ou risques climatiques.
La pollution de l’air tue environ sept millions de personnes par an, et la quasi-totalité des citadines et des citadins respirent un air dont la qualité ne correspond pas aux lignes directrices de l’OMS.
La densité de la population augmente les risques d’épidémies de maladies infectieuses telles que la Covid-19 et la dengue, et l’accès limité aux espaces verts accroît le risque de maladies non transmissibles.
Les environnements urbains ont aujourd’hui une influence dominante sur la santé humaine au quotidien et sont à l’origine de problèmes mondiaux, tels que les changements climatiques, la rareté des ressources et le creusement des inégalités. C’est pour cela que les environnements urbains sont à la fois le creuset des problèmes sanitaires actuels et le principal espoir de changement.
Toujours selon le communiqué, alors que des problèmes de santé se posent dans tous les environnements urbains, c’est souvent dans les bidonvilles et les établissements informels que les résultats en matière de santé sont les plus mauvais, car les personnes qui y vivent occupent des logements insalubres, disposent d’installations sanitaires insuffisantes, sont confrontées à l’insécurité alimentaire et sont de plus en plus exposées aux inondations et à la chaleur. Aujourd’hui, 1,1 milliard de personnes vivent dans ces conditions et leur nombre devrait tripler d’ici à 2050.
Un guide pour les décideurs
Avec la publication du nouveau guide à l’intention des décideurs, intitulé «Taking a strategic approach to urban health» («Adopter une approche stratégique en matière de santé urbaine»), l’OMS se veut proposer des idées concrètes pour inaugurer une nouvelle ère d’action en faveur de la santé urbaine.
Ce document a été élaboré avec la contribution d’un large éventail d’expertes et d’experts mondiaux et s’appuie sur des décennies de travaux de l’OMS dans le domaine de la santé urbaine, montrant que lorsque la santé est envisagée de manière stratégique, elle peut conduire à des sociétés plus saines et plus résilientes.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, ce guide répond à la demande croissante de solutions globales qui favorisent plus largement la santé en milieu urbain. Il s’agit du premier cadre complet pour aider les gouvernements à planifier la santé urbaine de manière stratégique, en tenant compte de données probantes dans les politiques et les pratiques.
Le guide souligne que la santé ne relève ni de la responsabilité d’un seul secteur ni uniquement des décisions des responsables municipaux. Qu’il s’agisse de la qualité de l’air, de la sécurité des logements, de la mobilité active, de l’accès numérique, ou encore d’un financement plus large ou d’une action réglementaire, les décisions prises chaque jour par les autorités municipales dans de multiples secteurs et à plusieurs échelles, ont une incidence sur la santé de milliards de personnes. La publication décrit les mesures pratiques que les gouvernements doivent prendre pour comprendre la complexité des systèmes urbains et leur influence sur la santé et l’équité, repérer les domaines dans lesquels les mesures doivent être prises, en tenant compte des possibilités de la santé urbaine dans les politiques et les pratiques appliquées dans d’autres secteurs et suivies pour régler d’autres problèmes, augmenter les moyens de mise en œuvre pour la santé urbaine, y compris la gouvernance, le financement, les données, l’analyse, l’innovation, le renforcement des capacités, les partenariats et la participation, et élaborer des stratégies globales de santé urbaine aux niveaux national et municipal.
Pour une gouvernance urbaine participative
Le guide fait mention de l’initiative de l’OMS «Gouvernance urbaine pour la santé et le bien-être», entamée en 2020, avec le soutien de la Direction du développement et de la coopération (DDC), agence de coopération internationale de la Confédération suisse, et doit se clore en 2028.
Axée principalement sur la transformation de la gouvernance, cette initiative vise à accélérer les actions qui font progresser plusieurs Objectifs de développement durable (ODD), notamment le 3 (Bonne santé et bien-être) et le 11 (Villes et communautés durables).
Il est rappelé que cette initiative, s’appuyant sur l’approche «Villes-santé» de l’OMS, vise à développer et à renforcer une gouvernance urbaine participative, multisectorielle, et à plusieurs niveaux, en plaçant la santé et le bien-être au centre des processus décisionnels urbains, en responsabilisant et en impliquant les individus et les communautés dans la prise de décision, en mobilisant les acteurs sectoriels afin qu’ils influencent positivement les déterminants de la santé, et en promouvant une gouvernance efficace à plusieurs niveaux.
Cette initiative travaille directement avec les villes, les maires, les gouvernements locaux et nationaux, les représentants des communautés urbaines, les organisations de la société civile et les partenaires universitaires internationaux.
Mise en œuvre dans six villes, dont Tunis, elle se veut, également, renforcer les réseaux régionaux de villes-santé et les efforts de sensibilisation afin de placer la santé en tête des priorités politiques des maires engagés.
Sur le site de l’OMS, il est indiqué que la population tunisoise représente 8,7% de la population urbaine totale du pays. Afin de créer un environnement sain et de promouvoir des modes de vie sains, Tunis améliore et étend les espaces verts dans les quartiers défavorisés. S’appuyant sur un mécanisme national de dialogue social mis en place en 2018, plusieurs réunions ont été organisées entre les membres de la communauté et la municipalité afin de stimuler et de soutenir un développement urbain sain dans les quartiers défavorisés.
Sous la direction du maire, deux comités ad hoc ont été créés, l’un pour la coordination multisectorielle et l’autre local, composé de représentants d’organisations non gouvernementales locales travaillant à la cité Helal (Séjoumi). Rappelons que ce quartier a été choisi comme site prioritaire puisqu’il est densément peuplé et marqué par des inégalités en matière de santé.
Plusieurs consultations ont été organisées avec les représentants de la communauté afin de discuter des mécanismes de participation communautaire à la définition des priorités en matière d’urbanisme.
Une phase 2 concentrée sur l’institutionnalisation
Dans le guide, l’on peut lire que notre capitale est confrontée à de profondes inégalités socio-économiques, malgré les progrès réalisés en matière d’accès aux soins et aux services de santé. La Constitution de janvier 2014 a ouvert de nouveaux horizons en promouvant un modèle de gouvernance qui s’attaque à la marginalisation de longue date et soutient la décentralisation, la participation et l’équité.
Pour concrétiser cette vision et dans le cadre de l’initiative, Tunis a visé à promouvoir la collaboration intersectorielle et l’engagement citoyen. Une équipe multidisciplinaire, formée dans le cadre du programme Urbanlead de l’OMS, a identifié, à la cité Helal, le bien-être des jeunes et l’accès aux espaces verts comme des points d’entrée clés pour l’intervention.
Il faut savoir que le programme Urbanlead est une plateforme permettant aux dirigeants municipaux de partager leurs innovations, d’appliquer les principes d’amélioration de la qualité aux initiatives en cours, d’utiliser une perspective Covid-19 pour analyser les problèmes, et de souligner le rôle important de la gouvernance dans la réalisation des objectifs.
Le guide rappelle qu’en décembre 2023, cinq ateliers participatifs ont été organisés au centre local pour la jeunesse, réunissant de jeunes résidents, le ministère de la Jeunesse et des Sports et l’OMS. Les ateliers ont permis d’identifier la toxicomanie, la santé mentale, la violence et la pollution comme des préoccupations majeures, et ont abouti à l’élaboration d’un plan stratégique mené par les jeunes. Les participants ont également plaidé en faveur de la construction d’un terrain de football et de la revitalisation du centre pour la jeunesse.
Selon le guide, cette approche ascendante et multisectorielle a démontré comment des jeunes autonomes peuvent façonner des environnements urbains plus sains et plus inclusifs.
Il est indiqué que dans le cadre de la phase 2 (janvier 2025/décembre 2028), l’initiative se concentre sur l’institutionnalisation de la collaboration multisectorielle, le renforcement des capacités grâce à une deuxième cohorte Urbanlead et l’approfondissement de la participation communautaire, en particulier parmi les femmes, les jeunes et les groupes marginalisés, afin de renforcer davantage la gouvernance urbaine pour la santé et le bien-être dans toute la ville.
Zouhour HARBAOUI
