Par Mondher AFi
La célébration, le 31 octobre 2025, du 25ᵉ anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, à l’Académie diplomatique internationale de Tunis, en présence du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti, a revêtu une portée symbolique considérable. Cet événement ne s’est pas limité à une commémoration institutionnelle, il a offert un cadre d’interprétation privilégié pour comprendre la vision diplomatique et politique du Président Kaïs Saïed.
À travers les discours, les références protocolaires et les orientations exprimées, se dessine une philosophie d’État articulant souveraineté nationale, justice sociale et diplomatie inclusive. L’analyse de ce moment diplomatique permet de saisir les grands axes de la politique étrangère tunisienne contemporaine, dans un contexte international marqué par les tensions régionales, la montée du multilatéralisme et la redéfinition des équilibres géopolitiques.
Adoptée en 2000, la résolution 1325 engage les États membres des Nations unies à garantir la participation des femmes dans les processus de paix, la prévention des conflits et la protection des victimes. En réaffirmant le rôle de la Tunisie dans la mise en œuvre de cette résolution, le ministre Nafti a souligné la continuité d’une tradition diplomatique tunisienne fondée sur le respect du droit international et la promotion de la dignité humaine.
Mais au-delà du rappel historique, la cérémonie de 2025 illustre un choix stratégique : inscrire la question du genre au cœur de la diplomatie tunisienne comme instrument de souveraineté. Le deuxième plan national d’application de la résolution, soutenu par la présidence de la République, vise à transformer une norme internationale en capacité institutionnelle nationale. Ce passage du texte à l’action — par la formation, la participation et l’autonomisation — traduit une diplomatie pragmatique, orientée vers la performance institutionnelle plutôt que vers la rhétorique.
Diplomatie et souveraineté : la cohérence d’une stratégie présidentielle
La politique étrangère du Président Kaïs Saïed repose sur une articulation constante entre souveraineté nationale et responsabilité internationale. Dans un environnement mondial où les espaces de décision sont dominés par les logiques multilatérales, la cohérence interne de l’État devient un préalable à toute légitimité extérieure.
En intégrant la dimension de genre dans les priorités diplomatiques, le Président adopte une posture d’appropriation souveraine d’un cadre global. Il ne s’agit pas d’une simple conformité aux standards internationaux, mais d’une réinterprétation nationale de ces normes pour consolider la légitimité de la Tunisie.
Cette stratégie vise à renforcer la représentativité féminine dans le corps diplomatique et à accroître la crédibilité morale et politique du pays. L’inclusion des femmes dans la médiation, la gestion des crises et les processus de paix offre à la diplomatie tunisienne un avantage opérationnel, tant sur le plan symbolique que sur celui de l’efficacité concrète.
Ainsi, la féminisation de la diplomatie devient un outil de rayonnement international, contribuant à repositionner la Tunisie comme acteur moral et stratégique dans la région.
Diplomatie sociale et cohésion nationale : vers une souveraineté intégrale
La diplomatie tunisienne actuelle s’enracine dans une conception renouvelée de la souveraineté, que le Président place au croisement du social et du politique. Elle ne se limite plus à la défense des intérêts nationaux dans l’arène internationale, mais devient un prolongement cohérent du projet de justice et de cohésion interne. En affirmant que la dignité humaine et la participation des femmes constituent des fondements de la nation, le Président inscrit l’action diplomatique dans une perspective éthique et inclusive, où la représentation extérieure reflète les valeurs de solidarité et d’équité qui structurent l’État.
Dans cette vision, la diplomatie dite «sensible au genre» ne relève pas d’une conformité institutionnelle, mais d’un choix civilisationnel, celui d’une République qui reconnaît en chaque citoyen — et en chaque citoyenne — une part active de la souveraineté nationale. C’est pourquoi la diplomatie tunisienne devient aujourd’hui une diplomatie sociale, fondée sur l’idée que la justice à l’intérieur du pays et la crédibilité à l’extérieur sont les deux faces d’un même engagement. Elle traduit la volonté du Président de faire de la Tunisie un acteur éthique, lucide et solidaire dans un monde en mutation.
Une méthode politique fondée sur le réalisme et la responsabilité
L’approche du Président Kaïs Saïed se distingue par un pragmatisme réfléchi, à la fois ancré dans la réalité institutionnelle et guidé par une vision normative fondée sur la justice et la dignité. Il ne s’agit pas, pour lui, d’opposer l’idéalisme à la gestion concrète du pouvoir, mais de les articuler dans une cohérence éthique et politique. Dans la lignée de la pensée weberienne, gouverner consiste à conjuguer la conviction — l’aspiration à un idéal moral et collectif — et la responsabilité, c’est-à-dire la maîtrise des moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Le Président Saïed incarne précisément cette dialectique : un réalisme lucide au service d’une finalité supérieure, celle de refonder l’État tunisien sur des bases de probité, de compétence et de justice sociale.
Les réformes diplomatiques engagées sous son impulsion s’inscrivent dans cette logique. Elles traduisent une volonté d’institutionnaliser le changement, en consolidant les pratiques et les valeurs qui fondent la crédibilité internationale de la Tunisie. Les programmes de formation continue, la promotion d’un accès équitable aux postes de responsabilité et la reconnaissance accrue du rôle des femmes dans la diplomatie constituent autant d’étapes d’un processus structurel et non conjoncturel. Cette démarche vise à inscrire la Tunisie dans une modernité diplomatique responsable, où l’excellence technique se double d’une profondeur morale.
Sur le plan géostratégique, cette vision prend tout son sens dans un monde marqué par la recomposition des équilibres et la multiplication des crises. Le Président Saïed perçoit la diplomatie non comme un instrument de puissance, mais comme une éthique de la relation internationale, fondée sur la solidarité, la cohérence et la fidélité aux valeurs universelles. La Tunisie, dans cette perspective, se positionne comme un acteur de stabilité, capable de conjuguer humanisme et efficacité, principe et pragmatisme.
Cette posture s’exprime pleinement dans la défense constante des droits humains, notamment à travers la question palestinienne, que la diplomatie tunisienne continue de porter avec constance et dignité. La mention explicite de cette cause dans les récents discours officiels n’est pas un simple acte de solidarité politique, mais un rappel de la continuité historique d’une diplomatie fondée sur la justice internationale. La Tunisie y défend non seulement un peuple, mais une idée, celle que la paix ne peut naître que d’une reconnaissance équitable des droits et de la dignité des nations.
Dans cette configuration mondiale instable, où les rapports de force tendent à se substituer aux valeurs, la vision présidentielle tunisienne propose une alternative : une diplomatie à visage humain, où la souveraineté s’exprime par la constance morale autant que par la compétence stratégique. En inscrivant la réforme diplomatique dans une démarche de long terme, le Président ne cherche pas à multiplier les alliances opportunistes, mais à consolider l’autonomie décisionnelle de la Tunisie et sa crédibilité sur la scène internationale.
Ainsi, la diplomatie tunisienne sous sa conduite se déploie selon une logique de refondation rationnelle, où la moralité politique devient un facteur de puissance symbolique. Dans un monde où les grandes puissances redéfinissent leurs sphères d’influence et où les crises humanitaires deviennent des enjeux de sécurité globale, la Tunisie choisit une voie singulière, celle du multilatéralisme éthique, fondé sur la responsabilité partagée et la coopération solidaire.
Cette approche, à la fois introspective et tournée vers l’avenir, révèle la profondeur intellectuelle du projet du Président Saïed : refonder la diplomatie tunisienne non pas sur la dépendance, mais sur la dignité souveraine. Dans un contexte international fragmenté, cette vision confère à la Tunisie un rôle de médiateur crédible, capable d’articuler l’universalité des principes et la singularité des trajectoires nationales. Par cette orientation, la politique extérieure tunisienne devient non seulement un instrument d’influence, mais surtout un outil de cohérence républicaine, où la responsabilité, la justice et la raison s’unissent pour construire un avenir commun fondé sur la paix, la lucidité et la souveraineté morale.
Transformation institutionnelle et fondement éthique de la diplomatie
La vision présidentielle s’incarne enfin dans un processus de transformation institutionnelle profonde. L’ouverture du corps diplomatique aux femmes, la révision des critères de sélection, la transparence dans les nominations et la création d’espaces de formation spécialisée constituent autant de réformes structurelles.
Cette orientation s’inscrit dans une éthique républicaine et kantienne : construire des institutions justes capables de garantir la dignité et l’égalité.
Comme le souligne Paul Ricoeur, «une politique juste vise à instaurer des institutions justes». La Tunisie, sous l’impulsion de sa présidence, tend précisément vers cet idéal en faisant de la diplomatie non plus un privilège, mais un outil de justice et de participation.
Limites, défis et critères d’évaluation
La réussite de cette transformation dépendra avant tout de sa mise en œuvre effective, qui exige la mobilisation des ressources nécessaires, la consolidation des dispositifs de formation, la transparence des procédures administratives et la capacité à surmonter les résistances conservatrices. L’évaluation de cette stratégie devra reposer sur des critères objectifs, tels que la part des femmes au sein du corps diplomatique, leur accès progressif aux postes de direction, l’intégration systématique de la dimension de genre dans les analyses de risque, ainsi que l’impact concret de la diplomatie tunisienne dans les processus de médiation internationale. Le véritable enjeu réside désormais dans la traduction de cette vision ambitieuse en pratiques tangibles, condition essentielle pour transformer le discours en une dynamique durable de modernisation et de justice institutionnelle.
L’analyse de la cérémonie du 31 octobre 2025 et de la doctrine diplomatique qu’elle révèle met en lumière une refondation intellectuelle et éthique de la politique étrangère tunisienne.
La vision du Président Kaïs Saïed repose sur un triptyque cohérent : souveraineté nationale, éthique de la responsabilité et inclusion sociale.
En plaçant la dignité et la justice au cœur de la diplomatie, le Chef de l’État cherche à faire de la Tunisie un acteur capable d’articuler valeurs républicaines et efficacité internationale.
Cette stratégie ne se limite pas à un discours symbolique, elle ambitionne de faire de la diplomatie tunisienne un instrument de cohésion nationale et un levier de crédibilité mondiale.
Dans cette optique, la diplomatie tunisienne se définit comme une véritable «diplomatie de la dignité», articulant souveraineté politique, justice sociale et responsabilité morale. Elle aspire à réhabiliter la portée éthique et la cohérence républicaine de l’action extérieure de l’État, lui restituant ainsi sens, crédibilité et profondeur historique.
