Nul ne peut l’ignorer ou en douter. Le gaspillage alimentaire en Tunisie est un problème majeur, avec le pain en tête des produits jetés (environ 900.000 baguettes par jour), suivi des céréales et légumes, entraînant des pertes économiques significatives (estimées à 5% des dépenses alimentaires, soit environ 910 millions de dinars par an) et des impacts environnementaux.
Certes, une stratégie nationale a été mise en place, mais elle ne semble pas aboutir à des résultats encourageants. Et c’est pour cette raison qu’on compte beaucoup sur le hackathon qui sera organisé à Tunis à partir du 8 décembre pour parvenir à de nouvelles solutions et orientations capables de réduire l’ampleur de ce phénomène.
Il s’agit d’un événement très important pour mieux affronter une réalité alarmante en matière de gaspillage alimentaire. Cet hackathon «Zéro Gachi Challenge» sera co-organisé, le 8 décembre 2025, à Tunis, par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans l’objectif de promouvoir des solutions innovantes pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
Le hackathon réunira de jeunes talents qui présenteront leurs projets dédiés à la prévention et à la réduction du gaspillage alimentaire. Au programme, un Pitch (résumé) des équipes finalistes, des échanges autour de l’économie circulaire et des solutions innovantes de lutte contre le gaspillage alimentaire. A la clôture du hackathon, des prix seront attribués aux lauréats.
Ce rendez-vous sera d’une extrême importance pour notre pays qui ne peut guère constituer un exemple pour les autres nations. Certes, le gaspillage alimentaire constitue un défi majeur à l’échelle mondiale, mais il l’est également à l’échelle nationale, notamment en Tunisie où des quantités importantes de nourriture sont perdues ou gaspillées à chaque étape de la chaîne de valeur alimentaire.
Des chiffres inquiétants
D’ailleurs, en 2011, la FAO estimait qu’environ un tiers des aliments produits dans le monde sont perdus ou gaspillés. En Tunisie, ce phénomène est exacerbé par plusieurs facteurs, tels que des pratiques de consommation non durables, le manque de sensibilisation à l’importance de la gestion des ressources alimentaires, ainsi que les insuffisances dans la chaîne de distribution et de consommation et dans la gestion des ressources alimentaires.
A ce propos, les chiffres sont très alarmants. Le gaspillage alimentaire chez les ménages tunisiens s’élève à 5% des dépenses alimentaires s’établissant à 910 millions de dinars en 2021, selon l’Institut national de la consommation (INC). Les principaux aliments gaspillés sont le pain (16% des quantités consommées), les produits céréaliers (10%) et les légumes (7%).
C’est dire que chez nous, le gaspillage alimentaire, notamment le gaspillage du pain, est un problème préoccupant, particulièrement pendant le mois de Ramadan. Selon Chokri Ben Rejeb, directeur de l’Institut national de la consommation, environ 113 000 tonnes de pain sont jetées chaque année, soit l’équivalent de 42 kg par foyer.
En période de Ramadan, ce chiffre augmente de manière alarmante, avec 46% du pain acheté finissant à la poubelle. Ce gaspillage alimentaire coûte à la Tunisie environ 105 millions de dinars (environ 35 millions de dollars) chaque année, alors que le pays traverse une crise économique et une pénurie de produits céréaliers.
Et pas que. Sur le plan environnemental, Ridha Abbes, expert en économie circulaire, souligne que ce gaspillage aggrave l’empreinte écologique de la Tunisie en augmentant la consommation de ressources naturelles et en contribuant aux émissions de gaz à effet de serre. En outre, les déchets alimentaires finissent principalement dans les décharges. Ce qui accentue la pollution des sols, de l’air et des nappes phréatiques.
Une peu enviable première place dans le monde arabe
Selon des experts de l’Institut, la Tunisie devance les pays maghrébins et occupe le premier rang, au niveau arabe, dans le gaspillage de la nourriture. Chaque année, le Tunisien gaspille 172 kg d’aliments, alors que les quantités dilapidées par la collectivité s’élèvent à 12 mille tonnes.
Selon le ministre du Commerce et du Développement des Exportations, le gaspillage alimentaire représente un défi social, économique et environnemental majeur, provoquant d’importantes pertes pour l’économie nationale, l’épuisement des ressources naturelles et contribuant à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Ce qui incite à développer de nouvelles approches et mécanismes, à travers une stratégie accompagnée d’un plan d’action concret et d’un plan de communication inclusif, destiné à sensibiliser l’ensemble des catégories sociales, tout en exploitant les outils modernes de communication. Une stratégie pratique qui permettra, espérons-le, de changer les comportements liés au gaspillage alimentaire, depuis le cadre familial jusqu’à l’échelle sociétale, afin d’en faire un enjeu économique, social et environnemental intégré dans les pratiques quotidiennes.
De même, on peut compter sur d’autres solutions pour que les consommateurs réduisent le gaspillage alimentaire comme le fait de se contenter des quantités nécessaires et de bien les conserver afin d’éviter leur détérioration. Pour réduire les pertes alimentaires, les entreprises peuvent, de leur côté, fournir des dons aux associations caritatives et aux organismes sociaux, tout en insistant sur les techniques de réfrigération et de stockage appropriées pour préserver la qualité des aliments plus longtemps.
Tout ceci, sans oublier les campagnes de sensibilisation qui demeurent insuffisantes et très espacées, car le citoyen a toujours besoin d’être «rappelé à l’ordre» pour éviter ce comportement irresponsable en matière de consommation des produits alimentaires, particulièrement le pain.
Kamel ZAIEM
