La commission de conciliation pénale est-elle en train de tourner en rond ? depuis le 11 mai dernier où la période supplémentaire de 6 mois lui a été accordée par décret présidentiel, elle ne semble pas avoir avancé d’un pouce. Certes il y a eu des demandes présentées par des intéressés et des propositions qui ont été mises à l’étude par des experts, mais selon les avocats de certains hommes d’affaires concernés, elles ont été contestées. Ce qui veut dire en d’autres termes qu’il n’y a pas de solutions concrètes dans l’immédiat et cela peut mettre encore du temps pour arriver à un dénouement favorable.
En fait, il s’agit de récupérer les biens spoliés et les fonds détournés pour les utiliser dans des projets de mise en valeur des régions dans toute la République. Il y a selon certains experts 13 milliards de dinars à récupérer et ce n’est donc pas négligeable.
Des sommes à avancer pour entamer les projets
Selon le décret-loi n° 2022-13 du 20 mars 2022 portant sur la conciliation pénale, il y a un comité de suivi d’exécution et des comités régionaux, en plus de la consultation des populations locales pour le choix des projets. Cela intervient après la mise en forme d’un accord final avec les intéressés. Or, la situation ne peut pas attendre alors que les concernés, ou ceux parmi eux, qui ont présenté des demandes dans ce sens, semblent vouloir perdre du temps à maxima, en lésinant sur le quantum de la somme à récupérer. Toutefois, si la commission négocie avec les intéressés la somme à payer, elle n’est pas liée pour autant par les conclusions des experts. Quoi qu’il en soit, s’il est opté pour la réalisation des projets dans les limites de montants à payer, l’intéressé sera tenu d’avancer 50% de la valeur de la somme convenue avec la commission. Ce qui est considéré comme une conciliation provisoire jusqu’à acquittement de la somme totale dont 80% seront allouées aux collectivités locales selon l’ordre des régions, des plus défavorisées aux moins défavorisées et 20% pour les collectivités locales à titre de contribution aux entreprises se trouvant dans les régions concernées sous la forme d’entreprises citoyennes. Il s’agit donc d’un travail de longue haleine avec des procédures édictées par le décret en la matière.
Les montants à récupérer amenuisés comme une peau de chagrin
Il aurait fallu donc davantage de célérité, afin de commencer déjà à concrétiser les accords avec les concernés qui semblent plutôt chercher à gagner du temps. C’est la raison pour laquelle Kais Saied semble s’en prendre à chaque fois à la commission de conciliation. En mai dernier il avait limogé un membre de la commission qui avait annoncé un chiffre astronomique à récupérer mais qui n’était pas le bon. Ce qui est considéré comme un manque de rigueur. De même que vendredi dernier, au cours de sa rencontre avec la ministre de la justice, il avait fait part également de son mécontentement du rendement de la commission en déclarant : « Celui qui souhaite recourir à la conciliation de manière sincère aura des portes ouvertes, mais celui qui veut échapper à sa responsabilité aura affaire à la justice ». Selon un communiqué de la présidence, il y a un certain manque de sérieux de la part des mis-en-cause : « alors qu’en 2011 le montant offert était de plusieurs milliards, aujourd’hui, certains proposent quelques dizaines de millions. Un individu a même proposé une somme de trente mille dinars, alors que le montant fixé par la commission dépasse quatre millions de dinars. Ni l’offre présentée, ni le montant défini ne sont jugés adéquats ».
Davantage de célérité à récupérer l’argent du peuple
C’est la raison pour laquelle le président de la République estime nécessaire et urgent de présenter un projet de loi en révision du décret relatif à la commission de conciliation pénale, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) afin d’éviter la perte de l’argent du peuple. L’ARP aurait dû elle-même contribuer à l’accélération du processus de récupération de l’argent du peuple, par une proposition de loi, afin d’apporter des réformes allégeant la procédure, pour une meilleure célérité et plus de souplesse dans son application. Surtout que le décret relatif à la conciliation pénale prévoit des procédures qui peuvent s’étaler dans le temps, alors que la commission de réconciliation est désignée pour une période de 6 mois, tacitement renouvelable certes, mais limitée quand même par les textes. Il est important que cette période ne soit pas définie à l’avance, par le projet de loi à intervenir et que les membres de la commission soient inamovibles jusqu’à la fin de leur mission.
A moins d’une négligence certaine ou d’une faute grave commise par l’un d’eux. Par ailleurs il importe qu’il y ait une meilleure diligence sur le plan judiciaire, le juge devant, dans chaque affaire, imposer un délai à ne pas dépasser afin de trancher. Ce qui inciterait les intéressés à moins tergiverser, et les experts à être plus expéditifs dans leur travail. Y compris qu’un seuil doit être établi a priori en fixant au départ une somme minimale sur laquelle les experts doivent établir leurs rapports. L’enveloppe à récupérer selon certains experts est de plus de 13 milliards de dinars.
Cela concernerait uniquement la période antérieure à 2011 et il faut compter autant par rapport à la dernière décennie où il y a eu pas mal de malversations et de détournements de fonds publics. Il importe également que les administrations publiques et semi publiques facilitent la tâche à la commission de la conciliation. Le décret sur la conciliation pénale doit être révisé par une loi, qui tienne compte de tous ces facteurs afin de mieux faciliter le travail à la commission qui semble être dépassée à cause d’une procédure complexe dont la lenteur de la justice en est en partie la cause. Cela s’avère indispensable afin de récupérer les biens spoliés d’une manière plus efficace et rapide et éviter que certains continuent de s’enrichir sur le dos du peuple.
Ahmed NEMLAGHI