L’éducation est souvent présentée comme la clé de l’ascension sociale, une arme puissante pour changer le monde, comme l’avait si justement dit Nelson Mandela. Pourtant, que se passe-t-il lorsque nos efforts pour transformer notre quotidien se heurtent à des réalités indomptables ? Que se passe-t-il quand la volonté de changer notre propre vie, aussi forte soit-elle, semble insuffisante pour influencer l’ensemble du monde qui nous entoure ? Depuis notre plus tendre enfance, nos parents nous inculquent la valeur de l’éducation comme étant l’ascenseur social ultime, la voie vers le prestige, l’argent et la reconnaissance sociale. Ils consentent d’énormes sacrifices, du coût des transports aux fournitures scolaires, des cours particuliers parfois imposés par des enseignants dévoués, aspirant uniquement à nous voir atteindre les plus hauts postes. Les enfants travaillent ardemment, animés par le désir de rendre à leurs parents une fraction de ce qu’ils ont donné, reconnaissants de ces sacrifices consentis pendant des années. Cependant, parfois, la réalité ne correspond pas à nos aspirations. Parfois, un gouffre immense sépare le rêve de la réalité. Des promesses sont faites pour améliorer leur situation, des initiatives sont lancées, mais malheureusement, de nombreux doctorants continuent de lutter pour s’en sortir.
Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Moncef Boukthir, a annoncé lundi au Palais de Bardo que dans les semaines à venir, les plans de recrutement de 920 titulaires de doctorat seront ouverts, conformément aux plans de recrutement programmés dans le cadre du projet de budget de l’État pour l’année 2024.
Boukthir a indiqué, en répondant aux interventions des députés lors de la discussion du budget du ministère pour l’année 2024, que le ministère de l’Enseignement supérieur recruterait à lui seul plus de 800 titulaires d’un doctorat, tandis que le reste sera réparti entre les autres ministères. Il a rappelé que le budget de l’année dernière prévoyait le recrutement de 1130 titulaires de doctorat, lit-on sur le site de l’agence TAP.
« Cela me peine de voir mes étudiants sans emploi »
En répondant aux interrogations des députés sur l’emploi des docteurs au chômage, il a déclaré : « Cela me peine de voir mes étudiants sans emploi », ajoutant que le ministère accorde un financement sur une période allant d’un à deux ans aux chercheurs titulaires de doctorat dans les établissements, avec un taux de financement atteignant jusqu’à 80 %. Il a souligné que les établissements sont tenus de fournir 20 % des subventions allouées pour soutenir la recherche scientifique.
Il a noté que les structures de recherche qui concluent des contrats avec les docteurs ne fournissent que des plans dans le cadre de contrats à durée limitée, mettant en évidence que les contrats d’enseignement dans les établissements d’enseignement supérieur publics sont également limités dans le temps et ne durent que pour un nombre d’années spécifique.
Il a insisté sur le fait que « le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique soutient les efforts des chercheurs en finançant environ 600 structures de recherche, et il veille à soutenir l’opérationnalité des étudiants et des diplômés de l’enseignement supérieur ».
Les doctorants expriment leur ras-le-bol
Rappelons que la porte parole du mouvement des doctorants sans emploi Meriem Dziri avait indiqué, le 27 novembre 2023, que la marche « pieds nus » des doctorants- chercheurs au chômage est considérée comme un message symbolique adressé au président de la république Kais Saied pour réhabiliter les doctorants et leur rendre justice, lit-on sur le site de l’agence TAP. Elle avait souligné, au cours d’un mouvement de protestation observé lundi matin par les doctorants au chômage devant le palais du gouvernement à la Kasbah, qu’un nombre de doctorants dans divers spécialités sont marginalisés, privés de couverture sociale et vivent dans des conditions sociales difficiles, selon la même source. Et d’ajouter: « A travers sa politique d’exclusion, l’État nous pousse à quitter le pays, ce qui est inacceptable ».
Les doctorants sans emploi revendiquent la régularisation de leur dossiers à travers une législation exceptionnelle sur le recrutement et le lancement d’une plateforme électronique y afférent, la promulgation d’un statut dans le secteur de l’enseignement supérieur et l’interdiction de toutes formes d’enseignement parallèle dans les universités tunisiennes en fixant les spécialités rares au niveau du supérieur, selon un communiqué publié lundi par le mouvement des doctorants sans emploi.
Au deuxième trimestre de l’année 2023, le nombre de chômeurs est estimé à 638,1 mille, contre 655,8 mille au premier trimestre de l’année. Le taux de chômage ressort à 15,6 % (contre 16,1 % au premier trimestre et 15,3% au deuxième trimestre de 2022). Selon le sexe, le taux de chômage reste nettement plus élevé pour les femmes (21,1 %) que pour les hommes (13,2%), selon l’Institut national de la statistique.
Le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur atteint 23,7 % au deuxième trimestre de l’année 2023 (contre 23,1 % au premier trimestre de l’année et 22,8 % au deuxième trimestre de 2022). Ce taux est de 14,9 % chez les hommes et de 31 % chez les femmes, d’après la même source.
Ghada DHAOUADI