Chaque 5 décembre l’ONU et les citoyens du monde entier célèbrent la Journée mondiale du bénévolat et du volontariat. L’occasion de mettre en lumière cette forme d’engagement et d’appeler chacun et chacune à devenir bénévole Néanmoins, deux ans après le début de la crise sanitaire, la Tunisie observe une baisse de 15 à 20% des bénévoles. Le Covid-19 a déstabilisé de nombreux domaines, et parmi eux, les milieux associatifs.
L’engagement bénévole a diminué mais a aussi évolué. Il y a de moins en moins de bénévoles qui s’engagent. Ils privilégient des actions plus ponctuelles. L’’engagement bénévole rassemble une multitude de domaines : le social, le sport, la culture, l’environnement, la santé. Il s’appuie toujours sur des motivations, pour ou avec les autres, et aussi sur des motivations pour soi. Les premières l’emportant sur les secondes, avec notamment 86% des bénévoles portés par la volonté d’être utile et d’agir pour les autres.
Mais on constate un abandon manifeste du bénévolat : le manque de temps et un changement de situation sont cités parmi les causes. La pandémie a eu un impact non négligeable. Tout de même, certains bénévoles se disent déçus par rapport à l’association dans laquelle ils étaient engagés. Le pourcentage de Tunisiens qui donnent un peu de leur temps à une ou des associations ne cesse de baisser. Certes, certains continuent à faire du bénévolat, donner du temps pour aider des familles nécessiteuses, distribuer quelques repas aux Restos du cœur, participer à des campagnes de propreté… Mais l’engagement associatif sur la longueur, celui qui nécessite du temps pour aller en réunion, pour se former, pour donner des heures, ça les gens en veulent moins. Les bénévoles sont moins disponibles, plus jeunes, malgré une envie d’agir. Héla, membre dans un lions club a constaté : « Au moment du confinement, une armée de volontaires est apparue. Les personnes ont senti un besoin de solidarité. Mais l’élan est retombé une fois le covid a disparu. Résultat : nous sommes arrivés à des niveaux très inférieurs de volontaires. » dit-elle. Samir veut travailler… dans l’humanitaire, assure se ménager des moments pour souffler : « Je veille à mon équilibre. Je ne veux pas que le bénévolat devient une contrainte » dit-il. Parfois, malgré le désir de s’engager, on constate une certaine difficulté à passer à l’action, car l’engagement prend du temps. « Les personnes qui s’engagent ont un peu l’impression d’être toujours au boulot, « explique Mohamed Ali, rotarien.
« J’ai un peu l’impression que la question se pose depuis des années. Cela fait au moins deux décennies que je travaille aux côtés d’associations et, souvent, les responsables et même les bénévoles se plaignent de manquer de bras. Mais aussi que le public s’intéresse de moins en moins à la vie associative, préférant un mode de vie individualiste, quasi replié sur lui-même. J’ai du mal à renouveler l’effectif de mon association. Les bénévoles ont cessé leur engagement. Une tendance qui inquiète, même si ces départs ont été en partie compensés par l’arrivée de nouveaux volontaires. C’est un vrai problème qui guette l’avenir de nos associations » explique Habib Bellamine, président de l’Association de l’amitié et de l’action sociale
Les raisons d’un désengagement
Le bénévolat est bien plus qu’une simple activité de loisir pour les seniors : il a des effets bénéfiques sur leur santé. Il a un impact positif sur la santé mentale des seniors. L’engagement bénévole favorise la stimulation cognitive, en obligeant les bénévoles à réfléchir, à apprendre et à s’adapter aux situations nouvelles. Il contribue à réduire le stress et l’anxiété chez les seniors, en leur offrant une échappatoire à leurs problèmes personnels et une source de satisfaction personnelle. Leurs rencontres permettent de partager leurs expériences, leurs savoirs et leurs compétences, mais aussi de s’enrichir des connaissances et des perspectives des autres générations. Leur bénévolat favorise ainsi une véritable transmission intergénérationnelle, qui profite à l’ensemble de la société. Mais leur nombre diminue, en partie, en raison du vieillissement des effectifs. Les seniors se détournent du bénévolat. Les bénévoles sont donc de plus en plus jeunes. Les plus de 65 ans sont de moins en moins présents contrairement aux moins de 30 ans. Hédi, avance trois raisons à ce « désengagement relatif » des seniors : rôle accru de pivot entre leurs parents, leurs enfants ou leurs petits-enfants ; nécessité de repenser leur vie au moment du passage en retraite, disponibilité et motivation. Les seniors constituent toujours le squelette du bénévolat associatif. Or, depuis trois années, beaucoup ont déserté ces postes et de nombreuses associations déplorent des difficultés à renouveler leur gouvernance. Être présent au quotidien, assister aux réunions, tenir les comptes de l’association, répondre aux sollicitations externes, tout cela demande du temps. « Dans beaucoup d’associations, les bénévoles vieillissent. Maintenant, la question c’est : « Qui va prendre le relais dans les prochaines années ? » », questionne Noureddine, président dans une association culturelle.
Rapidité et efficacité des juniors
Par ailleurs, certains bénévoles vont plus spontanément se mobiliser pour des actions précises, pour des engagements forts et visibles dans lesquels ils pourront percevoir rapidement les résultats. « Je participe à deux ou trois actions utiles qui pourront apporter du positif aux citoyens. C’est l’essentiel car je ne peux m’impliquer toute l’année. J’ai d’autres préoccupations et notamment l’éducation de mes enfants » précise Rafik
Ce sont les motivations qui reflètent donc l’évolution de l’engagement bénévole. Se sentir utile mais aussi se sentir reconnu, rencontrer d’autres personnes, apporter sa pierre à la société, participer comme citoyen, acquérir des compétences, se former. Certains jeunes qui prennent le relais se montrent moins disponibles au fur et à mesure qu’ils bâtissent leur vie de famille ou professionnelle. Leila a quitté son association tout simplement parce qu’elle s’est mariée « J’ai changé de lieu de résidence. Pourtant ce que je fais est très passionnant. Peut-être qu’un jour je m’intégrerai dans une autre association » dit-elle. Pour s’engager pleinement, encore faut-il que le bénévole soit bien accompagné. Pour toutes les raisons évoquées, les associations doivent s’interroger sur la manière dont elles les accueillent et les fidélisent. L’enjeu est bien leur intégration dans les équipes, leur accompagnement et leur formation. Il est nécessaire pour chaque association de définir des modes de relation et d’organisation adaptés. La richesse des profils et des parcours a aussi son exigence pour les associations, celle d’apporter à tous ses engagés bénévoles le cadre d’action qui leur permettra de participer à l’édification d’une société plus harmonieuse.
Les nouvelles formes d’engagement portent notamment sur le sens qu’on donne à son engagement ou la durée de celui-ci. Même si dans les faits, les engagements dans la durée restent conséquents. Aujourd’hui ce qui importe, c’est de s’engager pour des causes, pour des projets qui ont du sens. On remarque un vrai besoin des tunisiens de trouver du sens dans leur engagement et de pouvoir en mesurer l’apport. Le numérique a en effet permis de maintenir le lien entre les acteurs associatifs et de proposer des activités de substitution. Aujourd’hui, le télébénévolat est adopté par 60% des bénévoles. On retrouve cette pratique notamment en matière de soutien scolaire, d’accueil téléphonique, de comptabilité ou encore de communication. Et cette nouvelle forme peut correspondre à une nouvelle cible de bénévoles.
Kamel Bouaouina