La violence sexuelle est restée un sujet tabou mais les maux qu’encourent les enfants et les vies gâchées à cause des effets destructifs de ces abus sexuels nous incitent à en parler haut et fort comme le précise le psychologue Tarek Saidi.
Le Temps.news : Comment se manifestent les violences sexuelles faites aux enfants ?
Tarek Saïdi : Est-ce que les tabous culturels sont un frein considérable aux révélations d’agression à caractère sexuel ?
Les tabous culturels représentent souvent un obstacle significatif aux révélations d’agressions à caractère sexuel, influençant profondément la manière dont les individus abordent ces situations au sein de leur société. La stigmatisation et la honte associées aux discussions sur la sexualité peuvent induire chez les victimes un sentiment de culpabilité, les dissuadant ainsi de partager leur expérience traumatisante. La crainte de l’exclusion sociale, du rejet familial ou de la marginalisation peut également décourager les survivants de révéler les agressions subies, créant ainsi un environnement où le silence prévaut. Les pressions familiales, particulièrement dans le cas où l’agresseur fait partie de la famille, peuvent être renforcées par des tabous culturels qui préconisent le secret au détriment de la vérité. De plus, la perception négative des victimes dans certains cas, où elles sont parfois blâmées plutôt que soutenues, contribue à la dissimulation des abus. La faible sensibilisation due aux tabous culturels peut conduire à une méconnaissance des droits des victimes et des ressources disponibles. Enfin, le poids de la tradition et la préservation de la réputation familiale peuvent inciter les victimes à garder le silence, perpétuant ainsi un cercle vicieux d’inaction.
Les violences sexuelles subies dans l’enfance ont –elles des impacts très larges et durables concernant le développement de l’enfant et sa santé future ?
Les conséquences de ces violences sur l’enfant sont toujours néfastes ayant des répercussions psychologiques négatives à court, à moyen et à long terme. Les violences sexuelles pourraient être à l’origine de tous troubles psychologiques. Les violences sexuelles subies dans l’enfance laissent des séquelles profondes et durables sur le développement de l’enfant ainsi que sur sa santé future. Ces expériences traumatisantes engendrent un impact psychologique significatif, souvent manifesté par des troubles tels que le stress post-traumatique, la dépression et l’anxiété. Les relations interpersonnelles sont également touchées, avec des difficultés à établir et à maintenir des liens sains en raison de la méfiance et de la peur de l’intimité.Sur le plan de la santé mentale, les conséquences peuvent inclure des troubles alimentaires, des tendances autodestructrices et des problèmes de régulation émotionnelle. Les impacts physiques comprennent des blessures immédiates, des infections sexuellement transmissibles et des problèmes de santé reproductive à long terme. Sur le plan académique, les enfants victimes peuvent rencontrer des difficultés en raison de la détresse émotionnelle.Les séquelles s’étendent également à la sphère sexuelle, pouvant être manifestés par des relations intimes compliquées et des dysfonctions sexuelles (plus tard). Ainsi, Le cycle de la violence constitue un risque, où les survivants peuvent reproduire ces schémas dans leurs relations ou tolérer des comportements violents. Socialement et économiquement, les traumatismes infantiles peuvent influencer le parcours éducatif et professionnel, entraînant des difficultés à long terme.La confiance en soi est souvent ébranlée, avec des sentiments de culpabilité et de honte liés aux violences sexuelles.
Comment protéger son enfant des abus sexuels ?
La protection des enfants contre les abus sexuels est une responsabilité cruciale pour les parents et les tuteurs. L’établissement d’une communication ouverte dès le plus jeune âge est fondamental, encourageant les enfants à partager leurs expériences et sentiments. Enseigner les limites personnelles, tant les leurs que celles des autres, est essentiel pour renforcer leur compréhension de l’intimité et du respect mutuel. De plus, l’éducation sexuelle adaptée à l’âge joue un rôle crucial, permettant aux enfants de comprendre ce qu’est une frontière saine et ce qui constitue un comportement inapproprié. La surveillance en ligne est également impérative, avec des règles claires sur l’utilisation d’Internet et des médias sociaux. En outre, sensibiliser les enfants aux abus sexuels et leur enseigner comment réagir face à des situations potentiellement dangereuses contribue à les armer contre les risques. De surcroît, l’identification des signes d’avertissement, tels que des changements soudains de comportement, est essentielle. Aussi, encourager la confiance en soi renforce la capacité de l’enfant à signaler des abus potentiels. En outre, la sensibilisation à la sécurité des adultes et la sélection d’adultes de confiance pour la garde de l’enfant sont des mesures de précaution importantes. De plus, élaborer un plan d’action en cas d’urgence ou d’abus, où l’enfant sait comment demander de l’aide, est une composante clé de la prévention. Enfin, l’éducation sur le signalement des abus, avec l’instauration d’une relation de confiance pour que les enfants se sentent à l’aise de partager leurs préoccupations, est cruciale pour une intervention rapide.En combinant ces mesures, les parents peuvent contribuer à créer un environnement sécurisé où les enfants sont informés, protégés et soutenus. La prévention des abus sexuels nécessite une vigilance constante et une communication ouverte, plaçant le bien-être et la sécurité des enfants au cœur des priorités éducatives et familiales.
Agir, prévenir, guérir, est-ce le rôle du psychologue ou de toute la société ?
La responsabilité d’agir, prévenir et guérir face aux violences sexuelles ne repose pas uniquement sur les épaules des psychologues, mais engage l’ensemble de la société dans un rôle crucial. Les psychologues ont une responsabilité essentielle dans la prise en charge thérapeutique des enfants survivants, offrant un soutien émotionnel, des traitements spécifiques aux séquelles psychologiques et participant à la sensibilisation professionnelle. Cependant, pour lutter contre ces violences, une approche holistique impliquant tous les segments de la société est impérative.La société dans son ensemble doit assumer une responsabilité collective dans la prévention des violences sexuelles. Cela nécessite la sensibilisation du public par le biais de campagnes éducatives, la création de politiques et de lois strictes, ainsi que le soutien aux initiatives éducatives dans les écoles et les communautés. Promouvoir une culture de tolérance zéro envers les violences sexuelles est un aspect fondamental de la responsabilité sociale. Les systèmes de soutien, comprenant les gouvernements, les ONG et les services sociaux, ont un rôle crucial à jouer en mettant en place des structures complètes. Cela inclut l’accès à des services médicaux d’urgence, des centres d’accueil pour les victimes, des programmes de réinsertion sociale et des ressources juridiques. Ces systèmes doivent être bien coordonnés pour offrir une assistance complète aux survivants. L’éducation joue également un rôle prépondérant dans la prévention. Les institutions éducatives doivent intégrer des programmes qui abordent les notions de consentement, de respect mutuel et de prévention des abus dès le plus jeune âge. La création d’un environnement éducatif sûr et ouvert encourageant le signalement de tout comportement inapproprié est crucial. La législation, enfin, est un levier important. Les gouvernements ont la responsabilité de mettre en place des lois strictes contre les violences sexuelles, garantissant une justice équitable pour les victimes, dissuadant les agresseurs potentiels et protégeant les droits des enfants survivants. En somme, la lutte contre les violences sexuelles est une responsabilité collective, où chaque secteur de la société doit contribuer de manière synergique pour créer un environnement sûr, prévenir les abus et soutenir la guérison des enfants survivants.
Propos recueillis par Kamel BOUAOUINA