Depuis plus de 15 ans, le 5 mai est dédié à l’un des plus beaux métiers du monde : il s’agit de la Journée mondiale de la sage-femme. Cette profession comporte de multiples facettes et est encore trop méconnue du grand public. A l’occasion de cette journée internationale, la Confédération tunisienne des sages-femmes, l’association « Avenir » des sages femmes CSB de Sousse, l’Association des sages-femmes de Sousse « Sahel », du Grand Tunis, du Sud et de Médenine, se sont mobilisées tout en demandent une reconnaissance de leur statut et de meilleures conditions de travail lors d’un colloque organisé dimanche 5 mai à Sousse et intitulé « Ensemble pour un avenir lumineux du métier de la sage-femme ». L’objectif était de revaloriser ce métier mais aussi de lutter contre la marginalisation dont souffre la sage-femme tunisienne et d’appeler à défendre son identité professionnelle en lui accordant un statut, comme le souligne auprès du Temps News Dr. Sihem Chahed, présidente de l’Association des sages-femmes de Sousse « Sahel ».
Le Temps.news : Pourquoi un statut spécifique aux sages-femmes tunisiennes ?
Dr. Sihem Chahed : Les sages-femmes ont appelé à la promulgation de lois garantissant leur protection pendant l’accomplissement de leur travail. Elles exigent un statut particulier et un cadre juridique pour les protéger dans l’exercice de leur fonction et les défendre en cas de complication ou d’anomalie survenu au cours ou après l’accouchement. En effet, le métier de sage-femme est difficile. Elle se charge de l’accompagnement de la femme avant ; pendant et après l’accouchement. Elle assure le suivi d’une grossesse dite normale qui ne présente pas de pathologies. Il s’agit d’un métier qui relève de l’humanité et de l’empathie, un métier toujours en action.
La sage-femme doit avoir des compétences particulières pour garantir sa bonne pratique. Une résistance physique : Les horaires de la pratique de la sage-femme sont irréguliers ; en effet, ils se présentent sous forme de gardes, travail de nuits, travail pendant le week-end… La sage-femme doit donc avoir un minimum d’endurance pour qu’elle puisse diriger plusieurs accouchements successivement. Cette résistance physique est également demandée dans le cas de recours à des manœuvres obstétricales. La sage-femme donne la vie mais peut également faire face à la mort, le handicap, la malformation etc. Elle doit dans des complications pareilles, elle doit être capable de gérer ses émotions.
La nature de la profession de sage-femme implique de lourdes responsabilités. En effet, chaque accouchement est différent d’un autre, il faut toujours se préparer pour une éventuelle complication. Cette notion de risque qui lui fait vivre un stress permanent dont elle doit s’en libérer ainsi de toutes ces tensions et garder une bonne humeur et surtout une concentration efficace. Aujourd’hui, pour que la sage-femme travail dans des conditions sereines, il faut qu’elle jouisse d’un statut qui lui assure protection et sécurité.
Les sages-femmes ont une responsabilité médicale et pénale puisqu’elles assurent le suivi des femmes avant, au cours et après l’accouchement dans toutes les régions du pays notamment dans le milieu rural où il y’a un manque de médecins spécialistes alors qu’elles ne bénéficient pas d’une protection juridique puisqu’elle est amenée par son dévouement et son sens de responsabilité à réagir et à anticiper, malgré le risque encouru et les conditions difficiles. Elles sont, chaque jour, sous la pression de l’accident fatal et du risque juridique qui en découle. L’Algérie est le premier pays arabe à doter la corporation des sages-femmes d’un statut médical qui ouvrent de nouveaux horizons pour se spécialiser dans cette discipline
Vous plaidez également pour la réforme du système de formation pour l’adapter aux normes internationales, en passant de 3 à 5 ans de formation au sein d’un département de sages-femmes ?
Les sages-femmes tunisiennes sont compétentes, qualifiées, très expérimentées, et accompagnent chaque année la naissance de centaines de milliers de tunisiennes et de Tunisiens, contribuent à réduire la mortalité materno-fœtale et réalisent un travail hors norme. La sage-femme participe à la surveillance de la grossesse, sa grande compétence lui permet de détecter ou de suspecter des anomalies, et donc d’établir des diagnostics concrets et de solliciter une intervention médicale.
La durée de la formation est fixée à trois ans, pour obtenir le grade de technicien paramédical spécialiste en obstétrique dans les Ecoles supérieures des sciences et techniques de santé de Tunis, Sfax et Monastir. Les problèmes et difficultés rencontrés par les sages-femmes dans leur travail, exigent la réforme du système de formation et son adaptation aux standards internationaux en passant de 3 ans de formation à 5 ans afin de promouvoir la profession et de permettre à ce corps d’acquérir un savoir-faire plus développé car elle a la responsabilité du déroulement de l’accouchement normal, depuis le diagnostic de début de travail jusqu’à la délivrance. Ce prolongement des études permet de mieux répondre aux besoins de la profession et aux situations rencontrées sur le terrain.
Le métier de sage-femme n’est pas donc à couper le cordon ombilical du nouveau-né, mais s’assurer surtout que toutes les conditions sont réunies pour que le bébé et la maman sortent indemnes de cette épreuve, c’est tout à la fois une tâche gratifiante et exigeante. Désormais reconnu comme profession médicale et adossé au système universitaire, le métier de sage-femme compte 5 années d’études à partir de 2024 avec sa reconnaissance comme profession médicale et non plus paramédicale au sein de la nomenclature des activités françaises, au même titre que les médecins et les chirurgiens-dentistes ! Il est donc nécessaire de les protéger par l’instauration d’une loi spécifique à ce métier noble afin de revaloriser la sage-femme, clarifier son rôle et définir ses responsabilités et garantir sa protection dans l’exercice de sa fonction afin de l’écarter de tout risque juridique pouvant la mener jusqu’à l’emprisonnement.
Kamel BOUAOUINA