Le président Kaïs Saïed a appelé, mercredi, le gouvernement à trouver des « solutions urgentes » au dossier des docteurs chômeurs qui ont, de nouveau, revendiqué le jour même la régularisation de leur situation.
« Le président de la République a évoqué la nécessité de trouver des solutions urgentes au dossier des docteurs au chômage, expliquant que ces derniers sont les victimes de certains choix erronés dont ils paient cher le prix. Outre de nouveaux choix stratégiques pour l’avenir, des solutions sont nécessaires pour ceux dont a déjà bloqué les horizons », a souligné la présidence dans un communiqué publié à l’issue d’une rencontre tenue au Palais de Carthage entre le Chef de l’Etat et le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Moncef Boukthir, et la ministre de l’Education Salwa Abbassi.
L’exécutif a ainsi réagi positivement à un nouveau rassemblement de protestation dans la matinée par les docteurs chômeurs devant le siège du ministère de de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
« Nous réclamons notre droit à l’emploi », « Halte à la marginalisation des élites », « la Tunisie contraint ses compétences à l’exil » ont notamment scandé les protestataires dont la grogne ne faiblit pas depuis plusieurs mois. Des rassemblements de protestation avaient été, en effet, organisés ces derniers mois aussi bien devant le siège du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique qu’à la Place du gouvernement à la Kasbah ou encore devant le siège de l’Assemblé des représentants du peuple (ARP) au Bardo.
« Des mesures d’escalade comme les grèves de la faim et un sit-in devant le Palais du gouvernement sont prévues dans les prochaines semaines. Les diverses solutions que nous avons présentées aux autorités pour mettre fin à la galère des docteurs chômeurs et permettre à l’économie de tirer profit de leurs travaux de recherche sont restées lettre morte », a déclaré le coordinateur général de l’Union des docteurs chômeurs, Hatem Ben Jemiaâ, lors du rassemblement organisé mercredi.
Selon lui, l’Union est en train de préparer une initiative législative qui a déjà fait l’objet de discussions avec les membres de la commission de l’Education, de la formation professionnelle et de la recherche scientifique relevant de l’ARP.
Cette initiative prévoit notamment le recrutement des docteurs dans les structures de recherche au dans les administrations et ministères, le recours aux concours pour le recrutement des enseignants dans les établissements d’enseignement supérieur et le lancement d’un mécanisme de financement spécifiques aux titulaires du diplôme de doctorants porteurs de projets dans le domaine de la recherche et de la formation.
Réformer le système d’enseignement supérieur
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique avait annoncé récemment le lancement d’un concours pour le recrutement de quelque 920 titulaires d’un diplôme de doctorat d’Etat conformément aux postes prévus dans le cadre du Budget de l’Etat pour l’exercice 2024, mais l’Union des docteurs et doctorants au chômage fait remarquer que la Tunisie compte aujourd’hui plus de 5000 docteurs chômeurs, et note que de milliers d’autres docteurs viennent grossir les rangs des détenteurs du plus haut diplôme universitaire chaque année alors que le nombre de postes à pourvoir dans la fonction publique ne cesse de baisser d’une année à l’autre dans un contexte marqué par de fortes pressions sur les finances publiques.
Bien qu’elle considère que les concours de recrutement de quelques centaines de docteurs chaque année ne constituent pas une solution radicale au problème, l’Union insiste d’autre part sur la nécessité de « réunir toutes les conditions afin que ces concours soient basés uniquement sur la compétence, le mérite et l’égalité des chances entre les candidats », notant que « des pratiques clientélistes ont entaché plusieurs concours de recrutement organisé ces dernières années ».
Elle a fait savoir par ailleurs que les mécanismes de recrutement demeurent globalement confus, tout en suggérant d’intégrer le diplôme du doctorat dans la grille salariale de la fonction publique et d’amender le décret n° 2013-4259 du 7 octobre 2013, fixant le statut particulier au corps des chercheurs relevant des établissements publics de recherche scientifique.
Les docteurs chômeurs bénéficient du soutien de la fédération de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (FGESRS), un syndicat rattaché à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), et de l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET). Cette dernière a d’ailleurs a estimé, dans un communiqué publié récemment que les docteurs sans emploi sont avant tout « des victimes de l’inadéquation entre la formation universitaire et les besoins effectifs du marché du travail, qui a produit des milliers de diplômés hautement qualifiés contraints soit au chômage, soit à exercer des emplois mal rémunérés et dévalorisants ».
La majorité des docteurs chômeurs sont, en effet, des diplômés des filières dites « difficiles » ou « bloquées » à l’instar des langues et les lettres arabes, de la psychologie, de la sociologie et de la philosophie.
L’UGET a par ailleurs appelé les autorités à régulariser la situation des titulaires de doctorat au chômage en le recrutant dans les centres de recherche et les Universités, tout en plaidant pour le lancement d’un dialogue approfondi sur la réforme de l’enseignement supérieur afin de mettre fin à ce drame qui perdure depuis plusieurs décennies.
Walid KHEFIFI