Le gouvernement explore de nouvelles pistes pour résorber le déficit des régimes de sécurité sociale. Le relèvement de l’âge du départ à la retraite dans le secteur public, la révision à la hausse des cotisations et l’instauration d’une contribution sociale de solidarité (CSS) ont certes insufflé une bouffée d’oxygène à la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) et à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNRPS), mais le déficit de ces deux caisses demeure abyssal. Les mesures appliquées dans le secteur public (fonction publique et entreprises publiques) ont amélioré la situation de la CNRPS sans parvenir à équilibrer ses comptes puis que cette caisse souffre toujours d’un déficit qui a atteint 197 millions de dinars, selon les données du département de la couverture sociale rattachée à l’Union générale tunisienne du travail.
La situation de la CNSS est beaucoup plus inquiétante. Son déficit est estimé à 1200 millions de dinars en 2020 (une moyenne de 100 millions de dinars par mois), et il est susceptible de grimper pour atteindre 1400 ou 1500 millions de dinars en 2021. Raison pour laquelle l’UGTT presse le gouvernement de publier le décret relatif à l’augmentation de l’âge du départ à la retraite dans le secteur privé. Mais outre cette recette classique, l’exécutif envisage de recourir davantage à la fiscalisation du financement de la protection sociale. Plusieurs taxes parafiscales sur les comportements à risque comme le tabagisme, la consommation de l’alcool ainsi que sur paris sportifs et les activités économiques polluantes sont à l’étude, apprend-on de sources proches du ministère des Affaires sociales.
L’idée de l’instauration de taxes parafiscales pour diversifier les sources de financement des régimes de sécurité sociale s’inspire notamment de l’expérience française, où plus de 50 taxes sur des produits non essentiels ou superflus sont reversées aux caisses sociales.
A titre d’exemple, seuls 20% des recettes de la vente des cigarettes en France vont dans les poches des buralistes et des fabricants de tabac. Le reste, soit 80%, va à l’Etat. Il est reversé à des organismes de protection sociale, dont les caisses de sécurité sociale et la Caisse d’assurance-maladie.
Déficit structurel
Une autre piste envisagée prévoit l’adaptation aux formes atypiques de l’emploi comme le télétravail, le travail à temps partiel, la sous-traitance et les contrats de prestation de services.
L’intérêt se porte d’autre part sur l’amélioration du recouvrement des créances sociales auprès des entreprises publiques et privées et la lutte contre la sous-déclaration des salaires et le travail au noir.
La piste de la réduction de la « générosité » des régimes de sécurité sociale à travers la révision à la baisse du salaire de référence pris en compte dans le calcul des montants des pensions, qui impliquera, une réduction des pensions de retraite futures, la di munition des prestations sociales et la révision rendement des annuités a été définitivement abandonné après avoir provoqué une levée de boucliers auprès de l’UGTT.
Le déficit des régimes de sécurité sociale est d’ordre structurel. Le trou béant de la « Sécu » trouve essentiellement son origine dans les mutations démographiques et socio-économiques qu’a connues la Tunisie au cours des dernières décennies. Il d’agit notamment du vieillissement de la population qui passera du simple au double d’ici 2029, de la hausse de l’espérance de vie (75 ans), la propagation des emplois précaires et de l’essor de l’économie informelle. A cela s’ajoutent l’augmentation du taux de chômage (18,4% au troisième trimestre 2021), l’accès tardif des jeunes à la vie professionnelle et la multiplication des plans sociaux et des départs à la retraite anticipée dans contexte de morosité économique.
Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui paient grâce à leurs cotisations les pensions de salariés partis à la retraite, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, ce ratio est passé de sept actifs pour un retraité en 1991 à 2,4 actifs pour un retraité actuellement. Et la moyenne actuelle pour les deux caisses est de 3,8 actifs pour un retraité.
Walid KHEFIFI