«Le nouveau plan de développement 2026-2030 proposera une vision stratégique claire en matière d’enfance, définissant les priorités ainsi que des modalités d’intervention concrètes et efficaces, à la lumière des transformations économiques, sociales et démographiques, ainsi que des défis croissants liés à la protection des enfants et à la garantie d’une éducation inclusive, équitable et sécurisée pour chaque enfant», a révélé la ministre de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées, Asma Jabri, lors d’une réunion de travail consacrée aux orientations de la politique publique de l’enfance, tenue dans le cadre des préparatifs du plan de développement 2026-2030.
Dans cette perspective, la ministre a souligné que cette vision s’inscrit pleinement dans la volonté affirmée de la Tunisie de renforcer le rôle social de l’État, de rapprocher les services des citoyens et d’en améliorer la qualité, tout en stimulant l’initiative privée. «Il s’agit également de promouvoir davantage la justice sociale et de garantir l’égalité des chances entre tous les enfants du pays», a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées a confirmé que les cinq prochaines années seront marquées par un engagement accru en faveur de l’enfance. Le ministère entend ainsi actualiser la stratégie nationale multisectorielle de développement de la petite enfance et élaborer une stratégie nationale de prévention des comportements à risque.
Ces initiatives s’inscrivent dans une politique publique intégrée de prévention et de protection de l’enfant, visant à inscrire pleinement la question de l’enfance au cœur de la dynamique de développement humain. Elles ambitionnent également de proposer de nouveaux mécanismes de gouvernance et de financement, tout en consolidant le travail en réseau entre les différents acteurs œuvrant dans le secteur de l’enfance.
Ainsi, le futur plan ne se limite pas à répondre aux défis actuels, il aspire à poser les bases d’un environnement plus sûr, plus inclusif et plus équitable pour les générations futures, dans un esprit de continuité et d’innovation sociale.
Pour une intégration économique et sociale globale et équitable
Ces ambitions s’inscrivent dans une dynamique nationale de refonte globale de la planification du développement, amorcée par le gouvernement à travers le plan de développement 2026-2030.
Lors d’un conseil ministériel tenu en avril 2025, la Cheffe du gouvernement, Sarra Zaâfrani Zenzri, avait rappelé que ce plan repose sur une méthodologie inédite en Tunisie, fondée sur une planification progressive et décentralisée, tout en préservant l’unité de l’État.
Concrètement, cette approche privilégie une élaboration du plan à plusieurs niveaux, local, régional puis national. Elle vise à favoriser une intégration économique et sociale globale et équitable, à assurer un suivi rigoureux à chaque échelle territoriale et à concevoir des politiques publiques adaptées aux priorités locales.
Afin d’accompagner cette dynamique, le gouvernement prévoit également un programme de formation destiné aux structures locales et régionales pour les guider tout au long du processus. Il est aussi question de développer un système intégré pour l’élaboration, le suivi et l’évaluation des projets, garantissant ainsi la cohérence et l’efficience des investissements à venir.
Enfance en chiffres
Selon les résultats du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) 2024, la Tunisie comptait environ 11 972 169 habitants au 1er janvier 2024. Parmi cette population, 5,9% étaient âgés de 0 à 4 ans, de plus, 17% étaient âgés de 5 à 14 ans.
Pour mieux comprendre les enjeux liés à l’enfance, le rapport «Profil et déterminants de la pauvreté en Tunisie», réalisé en 2022 par le Centre de Recherches et d’Études Sociales (CRES), en collaboration avec le ministère des Affaires sociales et l’UNICEF, dresse un état des lieux de la situation de l’enfance en Tunisie.
Ce document souligne que la pauvreté infantile est particulièrement préoccupante, 26% des enfants vivant dans la pauvreté, dont 5,1% en situation d’extrême pauvreté.
La région du Centre-Ouest présente les taux les plus élevés, avec 37% de pauvreté générale et 50,8% de pauvreté infantile, contribuant significativement aux niveaux nationaux. Les zones rurales sont touchées de manière disproportionnée, avec des taux de pauvreté presque deux fois supérieurs à ceux des zones urbaines.
Par ailleurs, les ménages dont le chef est au chômage ou travaille dans le secteur agricole, en tant qu’ouvrier ou exploitant, sont les plus exposés au risque de pauvreté, soulignant un problème persistant de travail précaire dans le pays.
Le document souligne également que près de la moitié des personnes pauvres vivent dans une pauvreté chronique, un phénomène particulièrement accentué dans les ménages avec enfants, favorisant la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
Concernant la protection sociale, bien que la couverture globale atteigne environ 75%, des lacunes importantes subsistent, notamment chez les enfants : 20,5% des moins de six ans et 26,8% des enfants âgés de 6 à 17 ans ne bénéficient pas d’une couverture sociale adaptée.
L’étude souligne ainsi la nécessité d’étendre la protection sociale, en particulier pour les enfants et les familles vulnérables, et recommande des réformes structurelles visant à promouvoir une croissance inclusive et à améliorer l’accès aux dispositifs sociaux.
Concernant l’accès à l’éducation, l’Enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS) – Tunisie 2023, réalisée par l’Institut National de la Statistique (INS) sous la coordination du ministère de l’Économie et de la Planification, avec l’appui technique et financier de l’UNICEF, ainsi que les contributions de l’Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID) et de la Banque Allemande de Développement (KfW), révèle des chiffres préoccupants.
En effet, seulement 47,2% des enfants âgés de 3 à 4 ans bénéficient des programmes d’éducation préscolaire, contre 50,6% en 2018, ce qui signifie que plus de la moitié des enfants en Tunisie n’ont toujours pas accès à ces services essentiels.
Par ailleurs, le taux net de scolarisation au primaire a connu une baisse progressive au cours de la dernière décennie, passant de 98% en 2012 à 96,9% en 2018, puis à 92,2% en 2023. Ce taux est paradoxalement plus élevé chez les enfants résidant en milieu rural (93,9%) comparé à ceux du milieu urbain (91,3%).
Nouha MAINSI
