Avoir des enfants est le rêve suprême de tout couple partout dans le monde. En Tunisie, les couples qui sont privés d’enfants pour des raisons diverses, notamment la stérilité, recourent à des moyens médicaux, dont la fécondation in vitro, et sont parfois prêts à dépenser des fortunes pour retrouver cette fertilité qui leur fait défaut. Aujourd’hui, de nouvelles pratiques et technologies rendent cette opération encore plus productive, à condition de s’en tenir à certaines règles éthiques strictes…
Les centres d’assistance médicale à la procréation étaient peu nombreux dans les années 1990, et quasiment discrets. Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus nombreux, notamment dans le secteur médical privé. Ce qui fait dire à l’un des spécialistes que c’est l’un des rares domaines relativement épargnés par les tourments économiques postrévolutionnaires tunisiens.
De nos jours, des centres hautement équipés avec d’éminents spécialistes prennent place dans la capitale et dans d’autres grandes villes du pays. Il s’agit d’un secteur où les investissements se chiffrent par dizaines ou par centaines de millions de dinars.
Pour preuve, l’une des cliniques de renommée dans la capitale en a fait son activité de choix. Avant de subir une plus vive concurrence de la part d’autres cliniques, elle a quasiment atteint un taux record de réussite dans ce domaine avec, en une seule année, 2 360 cycles de fécondation in vitro (FIV), par la méthode classique ou par micro-injection (ICSI), qui ont débouché sur un peu plus de 900 naissances.
Toutefois, il ne s’agit pas d’un jeu d’enfants car cette spécialité médicale a été lancée sans véritable référence. La Tunisie ne possédait pas de loi sur la bioéthique [elle s’en est dotée le 7 août 2001]. L’accès à ces pratiques a été limité aux seuls couples légalement mariés et le don de gamètes, qu’il s’agisse d’ovocytes ou de spermatozoïdes, est proscrit.
De même, pour éviter toute polémique, il fallait bénéficier du feu vert des autorités religieuses et le mufti de la République a fait savoir, à l’époque, que rien ne s’opposait à leur entreprise du point de vue de la doctrine islamique.
Du coup, cette spécialité a pris progressivement de l’ampleur. Il existe maintenant des dizaines de centres d’assistance à la procréation dans le secteur privé, avec une forte concentration dans la capitale et sa banlieue, et trois centres publics, à l’hôpital Aziza Othmana (Tunis), à l’Hôpital militaire et au CHU de Sousse, en plus de deux nouveaux centres en cours d’ouverture à Monastir et Sfax, alors qu’un troisième est prévu à Bizerte. D’autant plus que le nombre de couples désireux de tenter leur chance à travers l’assistance à la procréation a vite grimpé grâce à une vulgarisation qui a changé les mentalités. Pour preuve, vingt ans en arrière, on pouvait voir en consultation des patientes âgées de 46 ou 47 ans, ménopausées, pour lesquelles plus rien n’était envisageable. Aujourd’hui, ce phénomène a pratiquement disparu. L’âge moyen des femmes qui viennent consulter est de 35-36 ans. On compte environ 12 000 à 15 000 ponctions d’ovocytes qui sont réalisées chaque année, tous secteurs confondus.
Des causes à explorer davantage
En Tunisie, comme ailleurs dans le monde, la fertilité, un phénomène naturel, peut parfois manquer à un couple. Selon ce même spécialiste, l’infertilité toucherait 10 à 15% des couples. Elle frappe autant les hommes que les femmes. Les causes dites «mécaniques» ont beaucoup régressé grâce à une meilleure prise en charge médicale de la population et on voit beaucoup moins d’infertilités tubaires [causées par l’obstruction des trompes], qui sont, la plupart du temps, des séquelles de maladies sexuellement transmissibles mal soignées ou d’infections bactériennes.
En revanche, précise notre interlocuteur, la dégradation de la qualité du sperme est une réalité empirique. L’exposition aux produits chimiques perturbateurs endocriniens est sans doute la cause principale du phénomène, mais le tabac et le diabète sont aussi des facteurs de risque. La science, en dépit de ses progrès, ne permet pas encore de tout comprendre, ni de réaliser des miracles : environ 30% des infertilités demeurent inexpliquées.
De même, l’élévation de l’âge du mariage, aujourd’hui, qui dépasse les 30 ans chez les femmes, contribue également à doper l’activité des centres d’assistance médicale à la procréation. La fécondité chute sévèrement après 35-36 ans. Plus on avance dans l’âge, plus le risque de grossesses multiples croît, car les équipes soignantes, afin d’augmenter les chances de réussite d’un cycle d’insémination, transféreront davantage d’embryons.
Un taux moyen de réussite et une prise en charge encourageante
Quel est le coût d’une FIV en Tunisie ? Pour les hôpitaux publics, un couple paie uniquement 65 dinars pour la ponction et la réimplantation. Quant aux médicaments, la CNAM prend en charge une grande partie de leur coût, quel que soit le régime d’assurance. D’ailleurs, la CNAM couvre jusqu’à trois tentatives par couple, ce qui est appréciable et encourageant.
Dans le secteur privé, le coût d’une FIV se situe entre 2 000 et 3 000 dinars, en fonction du centre, avec possibilité également de bénéficier d’un remboursement partiel pour les médicaments via la CNAM.
Reste à savoir si le taux de réussite de cette assistance est important. Selon les spécialistes, le taux de réussite de la FIV n’est pas de 100%, il varie entre 20 et 40%, selon les cas. Plus on tente, plus on augmente les chances. Il n’y a pas de limite du nombre de tentatives, tant que les conditions sont réunies. Cela est valable dans le public comme dans le privé. Cependant, l’âge est un facteur crucial, aussi bien pour les femmes que pour les hommes. Après 43 ans, la qualité des ovocytes diminue fortement. Le taux de réussite chute à 2% – 5% après 43 ans, et 5% – 10% entre 42 et 45 ans. C’est pourquoi la loi tunisienne interdit la FIV pour les femmes de plus de 43 ans.
Kamel ZAIEM
