Les bâtiments menaçant ruine constituent un problème récurrent en Tunisie, particulièrement dans les grandes villes comme Tunis, Sousse ou Sfax. Constructions anciennes, lenteurs administratives et manque de ressources expliquent en grande partie la persistance de ce phénomène qui met en danger aussi bien les occupants que les passants.
Pour y remédier, la loi n°2024-33 a été adoptée, introduisant de nouvelles procédures d’évacuation et de restauration. Elle prévoit notamment la création d’une agence spécialisée et un renforcement des sanctions afin d’accélérer l’exécution des décisions municipales. Dans ce cadre, une réunion de travail s’est tenue récemment au siège du gouvernorat de Tunis, sous la présidence du gouverneur Imed Boukhris.
Cette séance a porté sur la mise en œuvre des décisions d’évacuation émises par la municipalité de Tunis, concernant 248 immeubles identifiés comme présentant un danger imminent. Le gouverneur a insisté sur la nécessité d’agir rapidement pour préserver les vies humaines et les biens matériels. Il a souligné l’urgence de la réhabilitation de certains espaces prioritaires dans certaines rues de la capitale.
Vers une exécution rapide et coordonnée
Au cours de la réunion, il a été mis en exergue la nécessité d’une exécution ordonnée des décisions d’évacuation. Les cas seront classés selon leur niveau de dangerosité, en coordination étroite avec les délégués des arrondissements concernés. Le gouverneur a évoqué l’importance de la création d’une agence spécialisée dans la gestion des bâtiments en état de délabrement, conformément à la loi précitée et ce, dans le but d’apporter une réponse durable à ce problème récurrent. Cette approche vise à accélérer la mise en sécurité et à apporter une réponse concrète à un problème qui perdure depuis plusieurs années. En fait, évacuer des immeubles menaçant ruine ne se limite pas à vider les lieux car c’est tout un ensemble de questions sociales, juridiques et économiques qu’il faut prendre en considération.
Évacuation et relogement
Plusieurs parmi les occupants de ces immeubles paient des loyers modérés, car réglementés ou anciens, un élément à prendre en considération pour les reloger en leur procurant des logements sociaux au même niveau. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, le Président de la République Kaïs Saïed œuvre à accélérer les programmes de logements sociaux et prévoit un fonds spécial d’indemnisation relogement. Par ailleurs, il y a des squatteurs dont la présence complique la situation. D’un point de vue légal, ils doivent être évacués, mais d’un point de vue humain, il est nécessaire d’envisager également des solutions temporaires, notamment pour les familles vulnérables. Il y a par exemple la possibilité de mise en place de centres d’hébergement transitoires dont les bâtiments publics inutilisés et ce, le temps de la réhabilitation.
Problèmes d’évacuation attenant à plusieurs facteurs
Par ailleurs, plusieurs parmi les propriétaires de ces immeubles sont réticents à investir dans les travaux, à cause de problèmes liés à des litiges entre copropriétaires et héritiers ou d’arriérés de loyers et qui sont pour la plupart, modiques concernant ces anciens bâtiments. Outre le fait que nombreux parmi ces propriétaires sont des étrangers qui ont quitté le territoire depuis quelque temps, sans plus jamais donner signe de vie. Et là, se pose un autre problème, à savoir celui des propriétés des étrangers qui a été plus ou moins négligé durant plusieurs années. En fait, si l’État et les municipalités portent une part de responsabilité dans la lenteur des évacuations et la rareté des solutions de relogement, le rôle des propriétaires ne doit pas être occulté. Dans plusieurs cas, les immeubles menacés d’effondrement appartiennent à des particuliers ou à des familles qui, par manque de moyens ou par calcul, refusent d’engager les travaux de restauration nécessaires.
Création d’une agence spécialisée
C’est pour toutes ces raisons que la loi a prévu la création d’une agence spécialisée afin de gérer tous ces problèmes. En outre, la mise en application des sanctions prévues par la loi 2024-33, permettra d’accélérer l’évacuation ou les réparations des immeubles menaçant ruine, sachant que la municipalité, le gouvernorat, le ministère de l’Équipement et le ministère des Affaires sociales doivent se partager les responsabilités et les tâches en vue de mettre fin aux lenteurs et aux confusions, et parer au danger imminent des bâtiments qui menacent ruine. Car derrière chaque immeuble menaçant ruine, il y a un problème urbain et un problème social.
C’est pour cette raison qu’il est urgent d’articuler la question des bâtiments en péril avec une stratégie de rénovation urbaine globale, plutôt que de traiter au cas par cas. Pour cela, il y a trois impératifs à concilier : la sécurité publique, la responsabilisation des propriétaires et le droit au logement. Reloger des familles à faibles revenus, convaincre ou contraindre des propriétaires réticents, encadrer la situation des squatteurs constituent autant de défis qui exigent une stratégie claire et coordonnée. Au-delà des textes de loi et des annonces officielles, ce sont la crédibilité des institutions et la dignité des citoyens qui sont en jeu. L’accélération de l’exécution des résolutions prises par le gouverneur de Tunis en coordination avec toutes les instances administratives concernées va dans ce sens et ce, afin de permettre la réhabilitation et l’aménagement de l’espace urbain et de mettre fin à un problème qui a longtemps été négligé durant des décennies.
Ahmed NEMLAGHI
