Depuis le déclenchement de la pandémie, la majorité des pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE-5) ont pu mieux surmonter ses effets que le reste du monde en 2020, grâce à des mesures efficaces de distanciation sociale et de contrôle des frontières. Néanmoins, en raison de la lenteur du démarrage et de la progression du déploiement de la vaccination, cette région était plus vulnérable aux nouvelles variantes du virus en 2021.
Après la découverte de vaccins efficaces à la fin de 2020, le rythme de la vaccination a été très rapide dans les économies avancées (AE), tandis que le déploiement des vaccins a été beaucoup plus lent en Asie. Cette situation, associée à une moindre marge de manœuvre des politiques monétaire et budgétaire pour stimuler leurs économies, a provoqué des effets négatifs sur la croissance économique des pays de l’ANASE-5 au cours de l’année 2021. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE-5) regroupe l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, les Philippines et le Vietnam, représentant les principales économies émergentes de l’Asie du Sud-Est.
La survenue de la variante Delta a entraîné une forte augmentation des nouveaux cas de Covid-19 dans les pays de l’ANASE-5. Cette augmentation a toutefois contraint les pays de l’ANASE-5 à intensifier considérablement leurs campagnes de vaccination. Ces mesures, combinées à des mesures de confinement et de distanciation sociale, ont permis de réduire le nombre de nouveaux cas dans les pays de l’ANASE-5, qui est passé d’un pic de 153 par million d’habitants en août à moins de 40 aujourd’hui (graphique 1).
Graphique 1 : Nouveaux cas de Covid-19 dans l’ANASE-5
(Moyenne mobile sur 7 jours par million de personnes)
Cette analyse se penche sur trois obstacles aux perspectives de croissance économique des pays de l’ANASE-5 : apparition de la nouvelle variante Omicron, retombées du ralentissement de l’économie en Chine et contraintes persistantes de la chaîne d’approvisionnement.
De prime abord, le nombre de nouveaux cas est susceptible d’augmenter, compte tenu des faibles niveaux de vaccination dans certains pays et de l’émergence de la nouvelle variante Omicron. Bien que les pays de l’ANASE-5 aient fait des progrès significatifs dans leurs campagnes de vaccination depuis juillet 2021, la région a administré beaucoup moins de vaccins que les pays du G7 (graphique 2). En effet, depuis l’identification de la nouvelle variante Omicron à la fin du mois dernier, tous les pays de l’ANASE-5 ont réintroduit des mesures de distanciation sociale plus strictes et renforcé les conditions d’entrée à l’étranger. Les mesures ont été davantage renforcées en Indonésie et aux Philippines qu’en Malaisie et en Thaïlande, probablement parce que les niveaux de vaccination y sont moins élevés (graphique 2). Une recrudescence des nouveaux cas aurait un effet négatif sur la croissance économique des pays de l’ANASE-5. Les pays pourraient devoir maintenir plus longtemps des mesures de distanciation sociale plus strictes et/ou des conditions d’entrée plus rigoureuses. Nous prévoyons que les pays où les taux de vaccination sont faibles, comme l’Indonésie et les Philippines, seront plus vulnérables au plus récent vent adverse de la Covid-19.
Graphique 2 : Doses de vaccins
(pour 100 personnes)
Ensuite, le ralentissement de l’économie chinoise se répercute sur les pays de l’ANASE-5, car la réduction des exportations vers la Chine a des répercussions négatives sur l’économie de la région. Malgré l’assouplissement récent de la politique monétaire, la croissance économique chinoise continue de ralentir après le retrait des mesures de relance budgétaire par les autorités chinoises en fin de l’année de 2020 et en début de l’année 2021. Le désendettement des grands promoteurs immobiliers contribue également au ralentissement économique. Il en résulte une faible demande en Chine pour les importations en provenance des pays de la zone ANASE-5. Les exportations de la Malaisie et du Vietnam sont les plus touchées, car ces deux pays exportent davantage vers la Chine que leurs Pays voisins, par rapport à la taille de leurs économies. Les exportations de la Malaisie et du Vietnam vers la Chine représentent respectivement 11 % et 14 % du PIB, contre seulement 3 à 6 % dans les trois autres pays de l’ANASE-5.
In fine, les contraintes persistantes en matière d’approvisionnement constituent un frein à la croissance dans le secteur manufacturier, qui est un secteur important pour les pays de l’ANASE-5. Les longs délais de livraison, les pénuries de main-d’œuvre dans les usines et les fermetures d’usines contribuent aux problèmes persistants du secteur dans la région. Malgré le début d’une reprise progressive des chaînes d’approvisionnement mondiales, cette perturbation de l’activité industrielle de l’ANASE-5 agira comme un vent contraire sur l’économie au sens large. Cela se traduira par une baisse des investissements et de la consommation via une réduction des bénéfices et des salaires.
Dans l’ensemble, les turbulences liées à l’augmentation probable des nouveaux cas causés par la variante Omicron, les retombées du ralentissement de l’économie chinoise et les contraintes d’approvisionnement persistantes assombrissent les perspectives de croissance des pays de l’ANASE-5. En conséquence, nous nous attendons à ce que la croissance de ces économies soit plus lente que celle prévue par le Fonds Monétaire International dans ses Perspectives de l’économie mondiale d’octobre (2,9 % en 2021 et 5,8 % en 2022).