L’homosexualité, Al Methlia, est, à ce jour, un grand interdit. Culturellement, un « tabou » ; socialement, « une violation grave de la morale sociale » ; juridiquement, « un crime » ; biologiquement, seuls les spécialistes de la question en connaissent les spécificités, le reste se suffisent de leurs préjugés.
L’homosexualité était et demeure encore très répandue dans beaucoup de sociétés, dont celles arabo-musulmanes. Cette pratique illicite, prise en enclos entre un besoin sexuel vital et un surmoi social, religieusement puissant, a réussi, tant bien que mal dans un silence « sourd muet », à convertir illicitement ce qui est strictement interdit en permis. Ainsi, l’islam d’interdits devient, de surcroit pour certains violeurs, une religion de tolérance, voire même de jouissance.
En 1986, lors des Journées cinématographiques de Carthage, dans une œuvre artistique, le cinéaste Nouri Bouzid a audacieusement osé lever le tabou du tabou, pour que le viol sexuel ainsi que l’homosexualité soient démasqués, vulgarisés et déplacées du seuil des interdits aux champs des sciences humaines, artistiques et biologiques.
A la fin du 20ème siècle, partout dans le monde occidental, et notamment aux USA, depuis, les récits mythologiques et les croyances religieuses ont commencé à être largement balayés, cédant la voie et la priorité à de nouvelles « thèses biologiques » et « des études de genre », faisant de l’homosexualité une identité sexuelle parmi d’autres.
Pendant ce temps, dans les pays arabes et notamment au moyen Orient, un siècle religieux, selon l’expression d’Andrés Malraux, s’installa de plein pied au nom d’une idéologie religieuse, faisant de l’évangélisme sioniste, du sionisme religieux et du salafisme jihadiste, des modes de vie et de survie, au nom de Dieu et pour Dieu.
En Tunisie, pays historiquement avant-gardiste en matière d’actualisation des droits et des libertés individuelles, la polémique autour de l’homosexualité, entre les tenants des interdits socioreligieux et ceux de « tout est innée, tout est acquis, et tout pourrait être reconnu et dépénalisé », a été relancée, avec l’engagement de la COLIBE, dont les suggestions et les revendications mentionnées dans son rapport final, étaient noyées dans des considérations juridiques de type de militantisme sexiste, des revendications souvent dépourvues de profondeur scientifique et juridique.
Il est, aussi, important de noter que l’absence ou la mise à l’écart des spécialistes de la question (les neurobiologistes, les psychanalystes, les psychiatres, les psychologues évolutionnistes, les sociologues, les philosophes, les anthropologues, les historiens, etc…) a mis à nu, de part et d’autre, les dessous pervers d’une manœuvre politique de l’ex président de la république, feu BCE, et la face cachée d’un islam moderne nahdhaoui du Cheikh R. Ghannouchi.
L’homosexualité, cette pratique sexuelle tournée vers les personnes du même sexe, qu’ils soient hommes ou femmes, n’est pas du tout un choix, mais plutôt une fatalité. L’homosexuel (le) est en fin de compte, une créature de Dieu. C’est une identité sexuelle parmi d’autres qui, sans négligence aucune pour son caractère juridique, relève, tout d’abord et essentiellement, du domaine du biologique, du psycho-social et du culturel.
Biologiquement, cette créature subit au cours de sa croissance un fait biologique des sexes (chromosomique, anatomique, hormonal), qui ne convergent pas avec le « genre », c’est-à-dire avec l’identité sociale et statutaire attribuée à chacun des deux sexes. Ce que le psychologue John Money appelle une « Identité intime », différente d’une « identité de genre ».
Dans le livre « Masculin, Féminin , Pluriel », réalisé sous la direction de Martine Fournier, (chapitre : Sexe chromosomique ), on parle d’un « Phénomène génétique rarissime », la translocation (un fragment de l’un des chromosomes X ou Y, vient se loger sur l’autre chromosome, conduit à la formation d’un sexe masculin (des testicules, ou pénis), sur le corps d’un individu (XX) donc une fille génétiquement, ou inversement…).
Cette créature de Dieu, cet homosexuel (le), pourrait être pour nous tous, un fils ou une fille, un frère ou une sœur, un cousin ou une cousine, un voisin ou une voisine, un citoyen ou une citoyenne, ou nous même. L’homosexuel (le) vit parmi nous, avec nous, sous un surmoi social qui n’est pas souvent le sien. Un surmoi social, tel qu’il est fait, punit les uns, et pardonne les autres. Ce surmoi social puise sa force, et son hégémonie, dans une conscience collective (E. Durkheim) de plus en plus aveuglée par un obscurantisme religieux bourré d’interdits.
Si pour certains, l’homosexualité, cette identité sexuelle, si interdite qu’elle soit, est considérée comme une source de jouissance, pour les spécialistes de la question, elle est, aussi, une source de souffrance et un motif de consultation chez les psychiatres. Cette « In-Justice du ciel », continue à allumer le torchant, entre les adeptes des sciences juridiques et religieuses et les spécialistes des sciences neurobiologiques, humaines et médicales.
Dédramatiser et atténuer la souffrance des homosexuels (les), demeure, à mon sens, tributaire de la mise en place d’un programme national en matière d’éducation sexuelle dans le cadre d’une « Culture de différence », Thakafet El Ikhtilef, une culture qui devrait tirer sa détermination et sa puissance d’une génération future, intellectuellement et émotionnellement plus empathique, en dehors des adversités socioculturelles, religieuses et politiques.
Hedi Cherif
(Sociologue)