On parle beaucoup aujourd’hui d’une crise des langues en Tunisie et du niveau des élèves et étudiants qui ne cessent de dégringoler. D’aucuns s’inquiètent quant à l’avenir de la langue arabe en particulier. Or, je ne pense pas qu’elle soit vraiment en crise malgré les limites qu’elle a enregistrées jusque-là dans un monde extrêmement digitalisé en constante évolution. Preuve en est les dernières statistiques réalisées le 31 janvier 2020, et actualisées en 2021 pour certaines données, par Internet World Stats (usage and population statistics), qui place l’Arabe, dont le sort inquiète énormément, à la 4ème position (5, 2%) après l’Anglais (1ère 25,9%) le chinois (2ème, 19,4%) et l’Espagnol (3ème, 7,9%) et bien avant le Français qui occupe la 7ème position (avec 3,3%), pourtant la population mondiale parlant la langue française est proche de celle parlant l’arabe (431Millions/447M).
Toutefois, il est légitime de s’interroger sur la place qu’occupe réellement la langue arabe aujourd’hui dans la pratique, notamment dans les matières scientifiques, technologique et même dans la vie quotidienne des Tunisiens. Ce fut un temps où la langue arabe était considérée comme la langue savante par excellence, celle d’une élite recherchée et traduite. Malheureusement, les choses ont bien changé depuis et les rapports de force aussi. D’ailleurs, la langue qui domine est généralement celle de celui qui détient le pouvoir politique, économique et technologique. C’est justement pour cette raison que l’Anglais est actuellement la première langue parlée dans le monde.
Au lieu de parler donc d’une crise de langue arabe, il serait plus judicieux de repenser l’enseignement des langues en général et de repenser l’Arabe avec et en rapport à toutes les autres langues étrangères, suivant une vision stratégique claire pour lui permettre de s’adapter et de trouver sa place dans un monde en perpétuel renouvellement. Et ce n’est certainement pas en recourant à l’arabisation, comme suggéré par certains. D’ailleurs, l’expérience d’arabisation de l’enseignement entreprise au début des années 80 par feu Mohamed Mzali a montré ses limités et a même laissé des séquelles que nous subissons encore aujourd’hui surtout en l’absence aujourd’hui de vraies réformes réfléchie des programmes scolaires et des méthodes d’enseignement. Il faut reconnaitre aussi que rien n’a été fait jusque-là pour faire évoluer la langue arabe pour assimiler et être en harmonie avec les nouvelles technologies. Il suffit de consulter aujourd’hui les cahiers des charges des appels d’offre publiés par l’administration tunisienne où la partie administrative est rédigée en arabe et la partie technique en français, pour se rendre vite compte de la schizophrénie dont elle souffre.