Dans les rangs des juges, la résistance s’organise contre la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature décidée par le président de la République. L’Association tunisienne des jeunes magistrats (ATJM) a tenu hier une Assemblée générale extraordinaire consacrée au vote d’une série de protestation contre la dissolution de cet organe constitutionnel indépendant chargé de nommer le juge et de superviser le bon fonctionnement de la magistrature. « Nous envisageons de défendre l’indépendance du pouvoir judiciaire par tous les moyens. Une grève d’une semaine et même une grève ouverte pourrait être décrétée si le président de la République s’obstine à dissoudre le CSM et à faire main basse sur la justice. La démission collective des magistrats est aussi envisageable », a annoncé le président de l’association, Mourad Messaoudi, à l’ouverture des travaux de l’Assemblée générale.
«Kaïs Saïed a œuvré à ternir l’image du Conseil supérieur de la magistrature pour faire main basse sur la justice à travers un nouveau conseil qu’il nommera et présidera lui-même », a-t-il ajouté.
Pour sa part, l’Association des magistrats tunisiens (AMT) n’en démord pas. Après la grève de deux jours et le rassemblement de protestation qu’elle avait organisé devant le palais de justice de Tunis, l’AMT a appelé les magistrats toutes catégories confondus (ordre judiciaire, ordre financier et ordre administratif) à une Assemblée générale prévu aukjourd’hui (le samedi 12 février) à Tunis pour examiner les moyens de lutte contre la dissolution du CSM et la situation de la magistrature sous l’état d’exception.
Une grève observée mercredi et jeudi derniers à l’appel de l’Association des magistrats tunisiens a été suivie à hauteur de 90%, selon des sources syndicales.
Pétition
« Les juges livrent une bataille pour défendre l’indépendance du pouvoir judiciaire et du Conseil supérieur de la magistrature, qui représente le dernier bastion de la démocratie et le pilier de l’État de droit », a déclaré le président de l’association Anas Hamadi, indiquant que l’AMT a toujours été favorable à une réforme concertée la justice et à un dialogue inclusif sur la situation du pouvoir judiciaire ».
Par ailleurs 34 doyens de faculté de droit et professeurs de droit ont rendu publique jeudi soir une pétition dans laquelle ils expriment leur refus de la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et appeler le président de la République, Kais Saïed, à revenir sur sa décision. Les signataires ont indiqué que la magistrature a, certes, besoin d’une réforme globale et profonde tout en rejetant la démarche unilatérale du chef de l’Etat en la matière surtout que le pays est dans un état d’exception.
Exprimant leur attachement aux principes de l’Etat de droit et aux valeurs du régime républicain et démocratique, qui sont basées sur la séparation des pouvoirs, l’égalité, la liberté et l’indépendance de la magistrature, les signataires de la pétition ont rejeté la décision du président de la République de dissoudre le CSM, la considérant comme étant « une atteinte grave au principe de la séparation des pouvoirs »
Les signataires de la pétition lesquels figurent Yadh Ben achour, Néji Baccouche, Hatem Kotrane, Hamadi Rédissi, Hafidha Chekir, Salsabil Kelibi, Wahid Ferchichi et Neïla Chaâbane ont également fustigé l’annonce de la dissolution du CSM depuis le siège du ministère de l’Intérieur, estimant que le choix de ce lieu est lourd de significations. Ils ont aussi dénoncé la mise sous scellés du siège du CSM en l’absence de tout texte de loi qui le lui permet, tout en appelant à une réforme radicale, inclusive et globale du système judiciaire.
A noter par ailleurs que le barreau soutient la décision du président de la République relative à la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature. L’Ordre national des avocats a en effet estimé dans un communiqué que le CSM « a échoué à garantir l’indépendance de la magistrature et des magistrats et à assurer la bonne marche du service de la justice », tout en jugeant « illégitimes les grève des magistrats ».
Walid KHEFIFI