Passionné de photographie et de films-documentaires, le réalisateur Anis Lassoued, a à son actif une dizaine de films qui constituent la matrice de ses premiers projets. Son dernier long métrage « Ghadeha » ‘’Une seconde vie’’, dont la première mondiale était en Egypte, a eu le prix du jury, ‘’La mention spéciale’’ à la 43e édition du Festival du Caire. Ses documentaires s’intéressent particulièrement à l’enfance et le sujet de l’enfant tunisien. Le Temps a pris plaisir à interviewer cet artiste qui ambitionne déjà à réaliser un cycle de films documentaires autour de sujets aussi bien intéressants que choquants. Entretien.
Le Temps NEWS : Comment présentez-vous Anis Lassoued, pourquoi avez-vous choisi de faire des films documentaires ?
Anis Lassoued : Anis Lassoued réalisateur tunisien, formé à l’Institut maghrébin de cinéma (IMC) de Tunis. J’ai assisté à une série de stages en Belgique, puis j’ai participé à un stage à la FEMIS (Paris) qui porte sur le film documentaire. J’ai assisté pendant 4 ans au ‘’Cinéma des arts de spectacle’’ à Rome.
Cette formation m’a permis de pencher vers le film documentaire. Mon travail en tant qu’assistant réalisateur sur une période à peu près de 30 ans et celui de directeur de casting m’a permis de voir de près les gens et de découvrir une catégorie de gens très pauvres, et de voir de près l’inégalité sociale, la souffrance des enfants en Tunisie chose qui m’a trop touché. C’est la raison pour laquelle j’ai réalisé mon premier film documentaire « puzzle » en 1998.
* Le choix de ce genre cinématographique. Tout d’abord mon amour du documentaire s’est développé grâce aux écoles de documentaires, comme le cinéma d’Alain Cavalier qui m’a beaucoup inspiré et m’a donné l’envie de faire des films documentaires. Et aussi le documentaire c’est la réalité, il décrit la vie les faits comme ils sont sans maquillage. D’ailleurs, j’ai enchaîné avec une série de documentaires. Au début, c’était Le Pendule (2000), court-métrage-documentaire, le stage Femis, puis « La Moisson magique (2006), La Montgolfière (2007), tourné au Japon pour la chaîne NHK, Kairouan 1428 (2007), Aljazeera Documentary. Un été à Sidi Bouzekri (2009),Fille-Garçon (2010), tourné au Yémen, Demain… Boutheina (2010), tourné en Algérie…Yacoub l’enfant de la mer (2010), tourné en Mauritanie, etc
L’enfance est votre thème favori, pourquoi donc ce choix ?
L’enfance s’est imposée sur mon chemin. La souffrance des enfants en Tunisie, la pauvreté, l’inégalité sociale la faille qui s’est élargie entre les classes sociales m’a poussé à mettre en exergue le thème de l’enfance et à pointer du doigt leurs problèmes. 40% des enfants sont touchés par la migration clandestine, 304 enfants tentent de se suicider, 100 mille enfants ont quitté l’école, le terrorisme qui s’est répandu à un moment donné en Tunisie, l’extrémisme religieux, moral, la prostitution tout cela, m’a poussé à donner plus d’importance à l’enfance et c’est pour cette raison que l’enfance occupe une place très importante dans tous mes documentaires … C’est une fenêtre qui s’est ouverte et c’est très difficile de la fermer. Tous mes documentaires ou fictions parlent de l’enfant de point de vue de l’enfant lui-même.
Votre nouveau long métrage ‘’Ghadeha’’ (Une seconde vie), traite du même thème. Parlez-nous de votre film primé au Festival international du Caire et pourtant non programmé aux JCC.
Ghadeha ( Une seconde vie) , c’est un long métrage de fiction d’une 1h,30’. C’est une sorte de balade visuelle qu’il fallait vivre comme un enfant et à travers les yeux d’un enfant de 12 ans. Ce film a été sélectionné et a eu le prix du jury, la mention spéciale, à la 43 e édition du Festival du Caire. Malheureusement, il n’a pas eu la même chance en Tunisie. Ghadeha a rencontré son public au Caire, c’est malheureux que Carthage le grand festival et la fenêtre du film tunisien refuse de le projeter. J’aurai aimé que la première mondiale de mon film soit tenue en Tunisie, et pour cela je dirai qu’il faut sauver Carthage !
De quel genre de films avons-nous besoin pour avancer, aujourd’hui?
Aujourd’hui, on a besoin des films qui ouvrent le dialogue peu importe le genre, qu’il soit un documentaire, une fiction, une animation, un court ou un long métrage, l’essentiel, c’est de faire un film qui arrive à son spectateur, à travers les chaines de télévision, les salles de cinéma , les centres culturels , et cela ne peut se faire qu’avec un cinéma libre et sincère.
Un des traits marquants du cinéma tunisien d’aujourd’hui, serait peut-être les scènes de violence, qu’en pensez-vous ?
Personnellement, je suis contre les scènes de violence dans le cinéma, qu’elles soient verbales ou physiques. Le vrai cinématographe doit être intelligent et sait comment véhiculer une idée jusqu’au bout sans mépris. Il faut suggérer et non pas montrer.
Parlez-nous de vos prochains projets ?
J’ai commencé une trilogie de court-métrages de fiction intitulée « Lounding », qui traite du sujet de la corruption de la police. La première partie sera sur la corruption dans le secteur de la sécurité et la police, la deuxième partie sur la corruption dans le secteur de d’éducation nationale, et la troisième partie sur la corruption dans le secteur de la santé… Les trois secteurs stratégiques, les plus importants qui nous ont protégés pendant notre enfance sont devenus infectes et corrompus…
Le deuxième projet est un documentaire qui traite de l’adoption des enfants qui n’ont pas de soutien familial.
Un troisième projet intitulé « Les limites de Dieu » est un nouveau long-métrage, qui sera tourné en dehors de la Tunisie, et qui sera présenté prochainement.
Propos recueillis par Lamia CHERIF