La Tunisie intéresse-t-elle Valérie Pécresse ? Pas tant que ça, à priori, si l’on se réfère à son programme électoral, dévoilé récemment. N’empêche, c’est Bernard Carayon, maire de Lavaur et membre de son comité de soutien, qui se déplace à Tunis pour appuyer la candidate LR (Les Républicains) et étayer sa campagne. Intriguant ? Nous sommes allé à la rencontre du politicien de droite pour échanger, surtout, autour des thèmes qui, opportunément, nous ont semblé pertinents. Vue sur mer à Carthage, causette autour d’un petit déjeuner, sur fond de présidentielle en France. Edifiant ? Trop prévisible.
Douze « mesures phares » condensées dans un document de synthèse, c’est ce que Valérie Pécresse tente, tant bien que mal, de diffuser partout où elle passe, depuis le lundi 14 mars, date de l’annonce officielle de son projet présidentiel. Des mesures que Bernard Carayon connait, bien entendu, par cœur : recrutements dans la justice, hausse des salaires, priorité aux mathématiques à l’école, maisons de santé, transition écologique, pragmatisme économique et l’on en passe. Autant de thèmes qui intéressent indéniablement les contribuables français. Beaucoup moins les Tunisiens…
« L’immigration est un problème »
Allons droit au but : que propose Pécresse en matière d’immigration ? Bernard Carayon, en bon politicien de droite, qualifie ce sujet de « problème ». L’un des nombreux points faibles du macronisme, appuie-t-il. Si elle gagne à la présidentielle, Valérie Pécresse apportera des « solutions » : fin du droit du sol automatique, restrictions sur l’obtention de la carte de séjour, renforcement des conditions pour la naturalisation.
« Solution » phare : un projet de loi constitutionnelle sera proposé en urgence. Il s’agit d’instaurer un système de quotas d’accueil par métiers et par pays qui permettra de limiter les flux migratoires. Des détails ? Un test de français sera exigé et les quotas seront votés chaque année au Parlement.
Parallèlement, une politique d’exclusion sera mise en place « immédiatement » sur le terrain : renvoi des clandestins, affrètement d’avions charters, suspension de délivrance de nouveaux visas aux pays refusant le retour de leurs ressortissants. « Aucun pays ne peut accepter d’avoir des délinquants et des criminels sur son sol », argumente Carayon.
Pourtant, une grande majorité des ressortissants tunisiens sont médecins, ingénieurs, universitaires, étudiants, n’est-ce pas ? Carayon tempère : on peut dire qu’il y a parfois de la qualité. On a évoqué le sujet récemment avec Michel Barnier, membre du QG de Pécresse. A l’occurrence, la chambre tuniso-française de l’industrie et du commerce est présidée par un Tunisien, fait-il mine de s’emballer.
Nous avons insisté : la Tunisie compte une grande communauté estudiantine parmi ses ressortissants en France ; que pense Valérie Pécresse sur ce point ? Il esquive : si elle devient présidente, les sciences, la médecine et le numérique seront replacés au cœur des priorités de l’enseignement supérieur. Voilà qui a du moins le mérite d’être clair : tout est question de priorités, en effet.
Environnement géostratégique local
Alors, où se situe la Tunisie, au fait, dans la cartographie des priorités de la France de Pécresse ? Relations bilatérales, coopération économique, balance commerciale, échange culturel, Sommet de la Francophonie et l’on en passe : la Tunisie et la France sont partenaires historiques, cela va de soi. Mais pour Pécresse, nous confie Carayon, la Tunisie devrait s’intégrer davantage dans son environnement géostratégique local, pour augmenter ses chances, dit-il, de développer sa coopération avec les pays du Nord.
En plus concret, constituer avec l’Algérie, le Maroc, la Libye et d’autres pays de la région, une « agglomération » de pays, à même « d’optimiser les discussions » avec les pays européens, eux-mêmes regroupés, rappelle-t-il. Autrement dit, c’est à la Tunisie, mais aussi aux autres pays de la région, de revoir au plus vite leur modus operandi en termes de coopération, et constituer ensemble un interlocuteur commun, plus « solide » et donc capable d’engager des actions multilatérales avec une entité telle que l’union européenne, dont fait partie la France.
Héritage gaulliste et chiraquien
Par ailleurs, et à moins d’un mois de l’élection présidentielle française, on ne peut naturellement pas échapper à l’actualité internationale. Le fait est là : sur fond de guerre en Ukraine, la scène géopolitique mondiale est en pleine transformation. Où en est la France, ou du moins celle de Pécresse, par rapport à la remontée en puissance de l’ancien « bloc de l’Est » qui semblent redessiner les contours de la scène politique et économique internationale ?
Appelé à répondre sans ambages à cette question, Bernard Carayon s’est contenté dans un premier temps de fustiger la politique extérieure du macronisme, qualifiée « d’arrogante », assurant que Pécresse proposera plutôt une politique étrangère qualifiée de « traditionnelle », autrement dit fondée sur des « relations d’intérêts ». L’Etat s’effondre avec Macron, renchérit-il, rappelant que la France reste malgré tout la sixième puissance du monde.
Le politicien de droite tient tout de même à évoquer l’héritage gaulliste et surtout chiraquien revendiqué par Pécresse. Sourire aux lèvres, il rappelle que Chirac entretenait des relations « normales » avec la Syrie et que De Gaulle était ami avec la Chine. Pécresse, insiste-t-il, envisage de mener une politique étrangère beaucoup plus « pragmatique », conclut-il. Soit, mais, vu sa chute libre dans les sondages, pas sûr qu’elle parvienne à la concrétiser, serions-nous tentés de répondre.
Slim BEN YOUSSEF