De notre correspondant particulier à Paris : Jamel BENJEMIA
La Tunisie a participé au 26ème Spring meetings de la Banque Mondiale et le FMI qui s’est déroulé à Washington DC du 18 au 24 Avril 2022. Les Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale et du FMI se déroulent essentiellement à Washington et, tous les trois ans, dans un pays membre autre que les États-Unis, afin d’accentuer le caractère international des deux institutions. En 2023, l’assemblée annuelle se tiendra au Maroc. Différentes réunions sont organisées pendant ce grand forum annuel du Printemps et qui comprennent : le Conseil des gouverneurs, le Comité du développement et le Comité monétaire et financier.
La délégation tunisienne était présente sur place avec le Gouverneur de la Banque Centrale, le Ministre de l’économie mais sans la présence de Madame Nemsia, la Ministre des Finances.
La Tunisie est confrontée à des déséquilibres macroéconomiques structurels avec une croissance atone, un endettement abyssal, un chômage en forte augmentation, un investissement chimérique et des inégalités sociales criantes.
A cela s’ajoute l’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie à cause de la guerre en Ukraine.
Le FMI considère que le redressement de la Tunisie passe par la réduction du déficit budgétaire, par l’adoption d’une fiscalité juste et équitable, le contrôle de la masse salariale, et la restructuration des entreprises publiques déficitaires : c’est le passage obligé pour améliorer la compétitivité et résorber les déséquilibres macroéconomiques.
Selon le FMI, 60 % des pays à faible revenu sont surendettés et qu’une restructuration de la dette sera primordiale. Les sommets de G20 semblent être le cadre idéal pour mettre en place le nouveau pacte de confiance entre les débiteurs et les créanciers. Mais les pays du G20 peuvent faire aussi un geste louable en cédant leur part des droits de tirage spéciaux (DTS) en faveur des pays vulnérables.
La confiance
La phrase de la directrice générale Georgieva Kristalina : « On va s’asseoir avec les représentants de la Tunisie pour vérifier tous les paramètres » dénote un manque de confiance dans les chiffres présentés par la délégation tunisienne.
De l’avis de quelques universitaires présents sur place, la délégation tunisienne souffre d’un manque de leadership, avec une vision alambiquée pour convaincre les créanciers hésitants.
Que la présentation du dossier tunisien par la délégation tunisienne est jugée à tors ou à raison comme moins musclée.
Le capital confiance a été dilapidé depuis des années avec le FMI. L’absence de communicants chevronnés pour expliquer l’après 25 juillet 2021 et convaincre les créanciers que la Tunisie essaie de sortir d’un système simple et bancal de transition démocratique vers l’Etat de droit n’a pas trouvé un défenseur farouche à cette cause.
Au contraire, les discussions ont été brouillées par la modification apportée de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE) par Kaïs Saïed
Certains adversaires acharnés du Président ont profité de l’occasion pour dénoncer le pouvoir personnel du chef de l’Etat, sur les antennes des médias étrangers, oubliant au passage qu’il joue contre les intérêts de leur pays.
Les hommes politiques de bon aloi ont toujours adopté une discipline de ne pas parler de politique intérieure de leur pays à l’étranger.
Car un homme d’Etat se distingue à sa capacité de défendre les intérêts de son propre pays avant les calculs politiques malséants.
Je suggère au Président de la république de désigner Monsieur Radhi Meddeb comme chef de la mission tunisienne pour les négociations avec le FMI.
Monsieur Radhi Meddeb est un homme affable qui a une grande expérience internationale.
Radhi Meddeb a côtoyé Heidi Nouira et Mansour Moalla et sera un atout majeur pour la Tunisie dans les pourparlers avec le FMI.
Les compétences tunisiennes
La délégation tunisienne n’a pas su s’entourer de l’avis et de l’expertise des cadres tunisiens travaillant au sein de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI).
Une occasion ratée pour affiner les stratégies et construire un réseau de tunisiens patriotes au service du dossier tunisien.
L’ambassade tunisienne à Washington aurait du être plus dynamique et œuvrer dans ce sens surtout que le point faible de la délégation tunisienne est la non-maitrise de la langue anglaise par les intervenants à quelques exceptions près.
Car « dans toute négociation, mieux vaut être la solution que le problème » et « trop ériger en négociateur n’est pas toujours la meilleure qualité pour la négociation ».
Perspectives
Dans sa note du 19 Avril 2022, le FMI table sur une croissance du PIB tunisien de 2.2% en 2022 et une inflation qui va culminer à 7.7%.
Pour les perspectives du FMI sur la période 2023-2027 : la Tunisie, le Liban, l’Afghanistan, le Turkménistan et la Syrie sont exclus du champ des prévisions de croissance pour la période concernée par le FMI.
C’est une très mauvaise nouvelle pour les pays concernés car l’incertitude politique et économique qui pèse sur eux est plus forte que dans le passé.
Pour la dette, le rapport du FMI dit :
« La dette, en revanche, devrait augmenter modérément en Égypte, en Géorgie et au Maroc, tandis que, pour l’Arménie et la Tunisie, la hausse par rapport à 2021 est plus notable (environ 4 points de pourcentage), reflétant
l’incidence de la dépréciation sur la dette en devises ».
La dette tunisienne est passée de 74.2% du PIB en 2019, 89.7% en 2020 et qu’elle dépasse les 100% du PIB à fin décembre 2021.
A cette dette incommensurable, il faudra ajouter l’endettement des entreprises publiques qui avoisine les 40% du PIB et dont 15% sont garantis par l’Etat.
La dette tunisienne est insoutenable et la crise ukrainienne a aggravé la situation des finances publiques.
Le besoin d’un financement annuel autour de 4 milliards de dollars minimum pour l’année 2022 met le gouvernement tunisien dans l’ardente obligation de conclure un accord avec le FMI.
Selon l’OCDE : Des projections économiques démontrent que des reformes levant les obstacles réglementaires, améliorant la digitalisation de l’administration, et la lutte contre la corruption auront un effet sur le revenu par habitant de plus 15% .
Pour paraphraser Helmut Schmidt. Nous disons que les reformes d’aujourd’hui généreront la croissance de demain qui mettra la dette sur une trajectoire soutenable et les revenus sur la voie de la convergence souhaitable.