Le gouvernement explore de nouvelles pistes pour renflouer les caisses sociales. Un nouveau plan d’action multidimensionnel, qui va au-delà de la recette classique que représente le relèvement de l’âge du départ à la retraite et la révision à la hausse des cotisations salariés et des salariés et des employeurs a été déjà arrêté.
Ce plan qui se présente sous la forme d’un paquet holistique de mesures prévoit en premier lieu le relèvement l’âge du départ à la retraite à 62 ans suivant un accord préalable entre l’employé et son employeur.
« Dans le secteur public, le relèvement de l’âge du départ à la retraite à 62 ans sera obligatoire. Mais dans le secteur privé, il doit faire l’objet d’un accord entre le salarié et son employeur », explique le ministre des Affaires sociales, Malek Ezzahi.
La deuxième mesure consiste à poursuivre le prélèvement de 1% sur les salaires au titre d’une contribution sociale de solidarité (CSS) durant les deux prochaines années.
« Cette contribution sera orientée directement vers les caisses sociales. Ce prélèvement est jusqu’ici effectué au profit des caisses, mais elles n’en bénéficiaient que d’une seule partie, le reste étant affecté au budget de l’Etat », a-t-il précisé, indiquant que la contribution sociale de solidarité sera suspendue d’ici deux ans.
Le ministre a également dévoilé que des redevances « symboliques » seront instituées sur la délivrance de documents administratifs par les trois caisses sociales, estimant que ces nouvelles redevances n’auront pas un impact significatif sur le pouvoir d’achat des citoyens.
Des efforts seront, d’autre part, déployés pour améliorer le recouvrement des créances des caisses auprès des entreprises et des assurés sociaux, grâce notamment à la suspension des pénalités de retard. Ces créances s’élèvent à quelque 6 milliards de dollars, selon les données du ministère des Affaires sociales.
Selon des sources bien informées au sein du ministère, l’intérêt se porte par ailleurs sur l’instauration de taxes sur les produits nocifs comme le tabac et l’alcool ou encore les activités industrielles très polluantes. L’idée de la surtaxation des produits nocifs et polluants s’inspire de l’expérience de la France, où plus de 50% des taxes sur les produits classés nocifs sont reversées aux caisses sociales.
Les diverses mesures envisagées pour diversifier les sources de financement des régimes de sécurité sociale devraient faire l’objet d’un accord avec Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et l’Union Tunisienne de l’Industrie, du commerce et de l’Artisanat (UTICA).
Déficit abyssal
Malgré les réformes annoncées au cours des dernières années, le déficit des caisses sociales demeure abyssal.
Le déficit de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNRPS), qui couvre les salariés du secteur privé et les salariés de certaines entreprises publiques, se situe actuellement à 1440 millions de dinars, selon des statistiques dévoilées par le ministère des Affaires sociales
Le déficit de la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) se situe, quant à lui, à 472 millions de dinars. La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) a, quant à elle, réalisé des bénéfices de 875 millions, mais seulement sur le papier étant donné que les deux autres caisses ne lui reversent pas sa part des cotisations sociales.
Le déficit chronique des caisses sociales s’explique essentiellement par les mutations démographiques et socio-économiques qu’a connues la Tunisie au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, hausse de l’espérance de vie, propagation des emplois précaires, saturation du marché de l’emploi, multiplication des plans sociaux et des départs à la retraite anticipée.
Selon les données du ministère des Affaires sociales, le taux des personnes âgées de plus de 60 ans est passé de 5,5% en 1966 à 12% actuellement, et il devrait atteindre 18,2% en 2030.
L’espérance de vie à la naissance est, quant à elle, passée de 51 ans en 1966 à 75,1 ans en 2015. Elle devrait atteindre 77 ans en 2030.
Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui financent grâce à leurs cotisations les pensions des retraités dans le cadre du de financement basé sur la répartition et la solidarité entre les générations, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, ce ratio est passé de 7 actifs pour 1 retraité en 1991 à 2,5 actifs pour 1 retraité actuellement. Pour la CNSS, ce ratio est de 3 actifs pour 1 retraité.
Walid KHEFIFI