Le président algérien s’est exprimé, dimanche, pour la première fois publiquement sur les propos critiques du président français.
Un éventuel retour de l’ambassadeur d’Algérie en France est « conditionné au respect total de l’Etat algérien » par Paris, a déclaré le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, dimanche 10 octobre. L’ambassadeur avait été rappelé au début du mois après des propos critiques du président français, Emmanuel Macron – rapportés en exclusivité par Le Monde, samedi 2 octobre – contre un « système politico-militaire » algérien « fatigué », qu’il accusait d’entretenir une « rente mémorielle » en servant à son peuple une « histoire officielle » qui « ne s’appuie pas sur des vérités ».
Le président français avait également affirmé que « la construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question (…) ». Ces déclarations ont particulièrement heurté l’opinion algérienne.
« L’histoire ne doit pas être falsifiée », a déclaré M. Tebboune à des médias algériens dimanche, dans sa première déclaration publique en réaction aux propos du président français. Le gouvernement algérien avait dénoncé des « propos irresponsables » et une « ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures ».
« Agressés dans notre chair, notre histoire, nos martyrs »
Le survol de son espace aérien aux avions militaires français participant à l’opération « Barkhane », au Mali, avait également été interdit. Interrogé pour savoir si cette fermeture était « définitive », M. Tebboune a expliqué que « dans les relations diplomatiques, il n’y a rien d’irréversible ». Mais « actuellement, nous sommes agressés dans notre chair, notre histoire, dans nos martyrs, nous nous défendons comme nous pouvons », a-t-il dit.
« L’Etat est debout avec tous ses piliers, avec sa puissance, la puissance de son armée et son vaillant peuple », a ajouté le président Tebboune dimanche. Il a aussi rappelé, à propos de l’histoire algérienne et de la colonisation française, qu’« on ne peut pas faire comme si de rien n’était ».
Pour « le reste, il s’agit de leurs affaires internes », a-t-il dit dans une allusion à de possibles visées électoralistes des propos critiques de M. Macron. Ce dernier a dit, mardi, souhaiter un « apaisement » sur le sujet mémoriel entre la France et l’Algérie, appelant à « cheminer ensemble » et à « reconnaître toutes les mémoires ».
Gérald Darmanin accusé de « gros mensonge »
En outre, M. Tebboune a visé, dimanche soir, Gérald Darmanin quant au nombre d’immigrés clandestins algériens à rapatrier depuis la France. « Moussa Darmanin a bâti un gros mensonge », a accusé le président algérien, à l’adresse du ministre de l’intérieur français, dont Moussa est le deuxième prénom, donné en hommage à son grand-père, un tirailleur algérien de la deuxième guerre mondiale.
La France a annoncé le 28 septembre une réduction de moitié des visas pour l’Algérie et le Maroc et d’un tiers pour la Tunisie, invoquant comme raison le « refus » de ces pays de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés expulsés de France.
« Il n’y a jamais eu 7 000 [Algériens à expulser]. La France a évoqué avec nous plus de 94 [Algériens]. Jamais il n’y en a eu 7 000 », a déclaré M. Tebboune, qui a souligné que la France ne devrait pas traiter l’Algérie comme la Tunisie et le Maroc dans sa décision de réduire de façon draconienne le nombre de visas accordés aux ressortissants de ces pays.
« La réduction des visas est une question qui relève de la souveraineté de tous les Etats, y compris pour l’Algérie, à condition qu’elle respecte les accords d’Evian et les accords de 1968, qui dictent certaines mesures », a-t-il fait valoir. En vertu de ces accords, les Algériens bénéficient d’un régime spécifique qui facilite leur entrée en France, leur octroie une liberté d’établissement comme commerçant ou indépendant et un accès plus rapide à des titres de séjours valables dix ans.
« Ne nous mélangez pas avec d’autres pays (…). L’Algérie est un pays spécial » pour la France, a-t-il ajouté, en répétant : « Il y a des accords qui nous lient. »
D’aprés Le Monde et AFP