Encore aujourd’hui, les troubles alimentaires sont principalement associés au monde féminin. Pourtant, les hommes, même ceux qui semblent à première vue en parfaite santé, peuvent aussi souffrir d’un trouble alimentaire. Bien qu’il soit vrai de dire que les femmes sont plus à risque de souffrir de troubles alimentaires, on estime que les hommes représentent de 10 à 25 % des cas d’anorexie et de boulimie ainsi que 40% des cas d’hyperphagie. Afin de mieux comprendre les différents types de troubles alimentaires qui existent chez l’homme, Nihel Beji , Spécialiste en nutrition, nous explique chacun de ces différents troubles et leurs traitements
Nihel Béji (spécialiste en nutrition) : « Les traitements des troubles alimentaires chez l’homme doivent être pris au sérieux et traités le plus rapidement possible »
Le Temps News : Quels sont les troubles alimentaires chez l’homme ?
Nihel Béji : Les troubles alimentaires ne sont pas qu’une affaire de femmes. Les hommes aussi souffrent d’anorexie, de boulimie ou d’hyperphagie. Les troubles de la conduite alimentaire, les distorsions de l’image corporelle, les problèmes d’exercices à outrance et l’obésité ont pris des proportions endémiques chez les hommes depuis quelques années. Les troubles alimentaires commencent plus tard que chez les femmes et présentent plus d’antécédents de surpoids et d’obésité. Les hommes souffriraient davantage d’obésité, d’hyperphagie, de boulimie que d’anorexie. Des études montrent que les troubles alimentaires progressent plus vite chez les hommes que chez les femmes. Alors que les femmes souhaitent perdre du poids et du volume, les hommes quant à eux cherchent à paraître plus musclés, plus larges, mais pas forcément plus minces.
L’anorexie nerveuse (de type restrictif ou associée à une hyperphagie) se caractérise par une peur intense d’être ou de devenir gros(se), et donc une forte volonté de perdre du poids, une restriction alimentaire excessive (allant jusqu’à un refus de s’alimenter), et une déformation de l’image corporelle. La boulimie mentale et l’hyperphagie boulimique se définissent par la consommation d’une grande quantité de nourriture sur une courte période de temps, accompagnée d’une perte de contrôle sur la prise alimentaire. Les troubles des conduites alimentaires sont fréquemment associés à un manque de flexibilité cognitive, à une perturbation du système de la récompense, ou à un trouble obsessionnel-compulsif. Un nouveau phénomène majoritairement masculin connu sous les termes de bigorexie ou de dysmorphie musculaire est apparu ces dernières années. Les hommes souffrant de ce trouble ne se trouvent jamais suffisamment musclés ou imposants, accordent beaucoup de temps à l’entraînement, suivent des diètes très restrictives dans le but d’augmenter leur masse musculaire et de diminuer leur masse grasse. Ils s’entraînent et surveillent leur alimentation, deux aspects qui sont couramment encouragés dans notre société.
Comment traiter ces troubles alimentaires chez l’homme ?
Les traitements des troubles alimentaires chez l’homme doivent être pris au sérieux et traités le plus rapidement possible, car ils sont associés à une détresse psychologique importante. La prise en charge des troubles du comportement alimentaire (TCA) repose sur des interventions psychologiques (individuelles, familiales ou de groupe) qui ciblent le comportement anormal, mais qui doivent aussi permettre d’améliorer l’estime de soi. Chez les jeunes, l’implication de la famille est souvent nécessaire. Il est possible de guérir complètement, surtout si le diagnostic et la prise en charge sont faits rapidement. Les objectifs du traitement diffèrent selon la maladie. En cas d’anorexie mentale, l’urgence est de retrouver un poids normal et de le stabiliser (l’indice de masse corporelle recommandé est de 18,5 kg/m au moins). Dans tous les cas, le traitement vise à normaliser le comportement alimentaire. Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) Les psychothérapies cognitivo- comportementales ont démontré leur efficacité dans la plupart des troubles des comportements alimentaires. Elles ne visent pas à comprendre les causes du trouble, mais plutôt à instaurer de nouvelles habitudes alimentaires et à modifier les croyances à propos du poids et de la nourriture. En confrontant le patient aux situations qui l’angoissent, notamment par des exercices pratiques de mises en situation ou des jeux de rôle, les TCC permettent petit à petit de désensibiliser la personne à ses propres craintes et à restaurer un comportement alimentaire centré sur les sensations physiologiques (faim, rassasiement, satiété). La thérapie interpersonnelle (TIP) est une forme de psychothérapie initialement développée pour traiter la dépression. Plusieurs études montrent qu’elle est aussi efficace chez certaines personnes atteintes de TCA. Ce type de thérapie s’attache à identifier les conflits sociaux et les relations interpersonnelles actuelles de la personne, plutôt que de se focaliser sur les troubles alimentaires
La psychothérapie a -t-elle un intérêt dans le traitement des troubles alimentaires ?
La psychothérapie a un intérêt dans le traitement des TCA, généralement en complément des thérapies citées ci-dessus. Le suivi psychothérapeutique permet de travailler sur le ‘Comment’ et le ‘Pourquoi’ de la maladie. Le thérapeute réalise un état des lieux de ce qui s’est passé, et de ce qui peut aider à aller mieux tant sur le plan psychique que nutritionnel. S’effectuant sur une longue période, elle permet de mieux comprendre les causes du trouble, et donc de modifier en profondeur les croyances et les peurs qui peuvent alimenter le problème alimentaire. Il est important de choisir un thérapeute qui connaît bien ce type de pathologie. Les thérapies de groupe et les groupes d’entraide encadrés par un thérapeute ont démontré leur efficacité, surtout si l’atteinte n’est pas trop sévère, ou alors en complément d’une thérapie personnelle. La thérapie familiale est efficace lorsque le trouble alimentaire concerne un enfant ou un adolescent, une thérapie familiale est fortement recommandée. Ce type de trouble a des répercussions sur tous les membres de la famille, les parents peinant à comprendre et à communiquer avec leur enfant. L’objectif de ce type de thérapie est de mobiliser toute la famille et d’optimiser les chances de guérison, et d’augmenter la vigilance face aux éventuelles rechutes. D’autres approches thérapeutiques sont recommandées, comme l’art-thérapie, la musicothérapie, peuvent être proposées en association à la thérapie principale. Elles représentent souvent une source de motivation et augmentent l’adhésion au traitement. L’hospitalisation s’impose dans les cas graves d’anorexie ou de boulimie, lorsque la personne est en état de malnutrition sévère ou qu’elle présente des risques de suicide ou d’auto-agression, une hospitalisation est parfois nécessaire. La prise en charge serait pluridisciplinaire (psychiatre, nutritionniste, psychologue)
Kamel Bouaouina