Non seulement on galère encore avec la crise des déchets à Sfax, qui perdure depuis plus d’une année sans solutions, mais aujourd’hui la Fédération générale des municipaux affiliée à l’UGTT, a alerté sur d’autres dangers imminents, qui guettent le Grand-Tunis, notamment la décharge de Borj Chakir. La fédération souligne dans un communiqué que cette unité sera bientôt saturée. Le texte s’en prend au mutisme et à l’indolence des autorités centrales et régionales dans la prise en charge des problèmes que posent les décharges, dont celui de Aguereb à Sfax. Le texte indique que la fédération a pointé, depuis des mois, les difficultés de cette décharge. Aucune réponse sérieuse n’a été apportée, selon le même communiqué.
Rappelons que chaque jour, ce sont plus de 3000 tonnes de déchets qui affluent de 38 municipalités. Nous sommes face à l’immense – 124 hectares – décharge contrôlée de Borj Chakir, dans la commune de Sidi Hassine, à 8 kilomètres de la capitale et située près des cités résidentielles de Séjoumi, Hrairia et El Attar. Ouverte depuis 1999, la décharge à ciel ouvert de Borj Chakir est arrivée à saturation et présente de graves problèmes environnementaux. L’exploitation de cette décharge était initialement prévue pour une quinzaine d’années. Le gouvernement s’est engagé à la fermer définitivement en juin 2021, et des études ont été réalisées pour l’ouverture d’une ou de plusieurs décharges contrôlées dans différents endroits et d’une unité de recyclage dans la délégation de Mhamdia (gouvernorat de Ben Arous), mais aucun projet n’a abouti. « Il y a un blocage au niveau des municipalités », selon le représentant de l’ANGED.
La non-fermeture du dangereux dépotoir de Borj Chakir témoigne des difficultés des autorités concernées à résoudre le problème de la gestion des déchets dans le pays et à mettre fin au calvaire que vivent, environ 180 000 habitants dans les quartiers entourant cette grande décharge, qui est théoriquement « contrôlée » par l’agence nationale de gestion des ordures (Anged), mais qui a toutefois connu plusieurs incidents durant ces dernières années, notamment, un gigantesque incendie en 2019, des infiltrations fréquentes de lixiviats (liquide extrêmement toxique produit par l’eau de pluie traversant les ordures, dans les nappes phréatiques) dans les cours d’eau, la pollution de l’air causé par le tassement des déchets qui provoque la fermentation des matières organiques, créant ainsi des conditions favorables à l’émission de méthane (CH4) dans l’atmosphère…
Face à cette situation, chaque année les autorités réitèrent leurs promesses de couper avec la pratique de l’enfouissement des déchets (qui coûte à l’État des fortunes) et d’aller vers la valorisation et la création d’unités pour produire de l’énergie à partir des déchets. Mais malheureusement, ce ne sont que des promesses en l’air comme parmi tant d’autres pourtant les alternatives existent mais ne voient jamais le jour. C’est pour cela qu’un minimum de sensibilisation auprès des citoyens est primordiale. La crise des ordures est la responsabilité des ministères, municipalités, associations et aussi en grande partie de la société civile afin de réduire, au moins, la masse des ordures ménagères.
Il est urgent de revoir l’intégralité du système des déchets en Tunisie dans le cadre du développement durable de chaque région et penser à la création d’autres alternatives pour le dépotoir de Borj Chaker qui répondent aux normes environnementales internationales et surtout digne de l‘image de la capitale. La décharge de Borj Chaker est désormais une vraie bombe à retardement. Si on ne réagit pas rapidement, les dégâts humains, matériels et environnementaux risquent de s’aggraver encore plus. Rappelons que la production de déchets en Tunisie est estimée à 2,5 millions de tonnes par an, dont 63% sont des déchets organiques, 9,4% plastiques et 8,7% déchets de textile.
Leila SELMI