Par Abbès BEN MAHJOUBA
A la veille du match devant opposer les Aigles de Carthage aux Bleus, Didier Deschamps a fait une déclaration dont il n’a certainement pas mesuré la portée : « Je ne veux pas être à la place de Jalel Kadri, le sélectionneur de la Tunisie. » Didier Deschamps ignorait probablement les critiques assez dures dont Jalel Kadri a fait l’objet à la veille du coup d’envoi du Mondial. D’aucuns estimaient alors que la participation des Aigles de Carthage allait être aux mieux de la figuration. Or à la surprise générale, la prestation des nôtres a été fort appréciable et il s’en est fallu de peu pour que la Tunisie l’emporte sur le Danemark donné largement favori.
Le Onze national a été encensé à l’unisson et Jalel Kadri, précédemment tête de Turc, devient un excellent stratège qui a su piéger les Dynamites danoises. Les Aigles reprennent confiance comme par enchantement ; ils se sentent pousser des ailes entrainant médias, supporteurs et public à caresser l’espoir d’une victoire sur les Australiens (prenables aux yeux de tous). Qu’elle n’a pas été l’ampleur de la désillusion quand les Aigles devaient s’avouer vaincus devant des Socceroos sans génie mais très appliqués. C’est le drame, la catastrophe ! La Tunisie battue, la population abattue ! Vilipendé et dénigré comme il n’est pas permis, le sélectionneur national a été pointé du doigt, rendu seul responsable d’une défaite aux allures de Waterloo aux yeux de douze millions de Tunisiens improvisés en fin connaisseurs es football. Pourtant la Tunisie en seconde période a été très proche de l’égalisation. Le coach n’a pas eu la lucidité pour procéder à un coaching fructueux. Mais c’est ainsi. Qui ne se trompe pas !? Excessif de faire d’une défaite étriquée un drame national !
Restait alors l’infime et hypothétique espoir de gagner contre les Bleus, champions en titre, déjà qualifiés aux huitièmes de finale. Il a été procédé à un grand remaniement du Onze rentrant : les joueurs titularisés ont donné une entière satisfaction : Ghandri, Kechrida, Maâloul, Ben Romdhane, Ben Slimane et Khazri, (l’auteur du but victorieux). Historique victoire certes face à une équipe de France fortement remaniée, mais l’histoire ne prendra pas en compte les circonstances de la rencontre ; elle retiendra seulement le succès amplement mérité des Aigles de Carthage en dépit de l’amertume causée par leur élimination à la suite de la victoire inattendue de l’Australie sur le Danemark.
Et voilà que Jalel Kadri redevient un coach compétent qui a eu l’audace de rectifier de façon significative son Onze rentrant. On a salué sa lecture de l’adversaire et la tactique pour laquelle il a opté. C’est quand même fou ce qu’un résultat peut infléchir notre perception des choses. Le football demeure plus que jamais une affaire qui ne saurait obéir à une logique scientifique. Et c’est heureux.
Quant à Jalel Kadri, il en sort la tête haute, qu’on le veuille ou non. Oublié son comportement lors de la polémique des 26 sélectionnés ! Oublié le drame de la défaite contre les Australiens ! Invraisemblable cette inconstance dans nos jugements. Sa déclaration en revanche nous a paru manquer de pertinence : pourquoi s’excuser auprès du public ? N’a-t-il pas fait de son mieux ? N’a-t-il pas fait ses choix en toute « conscience » et en toute « souveraineté ». Haro sur cette humiliante façon d’expliquer un échec qui n’en est pas un à dire vrai. Et de s’en excuser. La seule décision qui assure la dignité de Jalel Kadri : sa démission.