La mobilisation des enseignants suppléants exerçant dans les collèges et les lycées secondaires se durcit. Soutenus par le syndicat général de l’enseignement de base et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), ces enseignants appelés régulièrement en renfort depuis 2008 pour remplacer des enseignants permanents décédés ou en situation d’invalidité ont entamé un mouvement de boycott des examens pour réclamer la régularisation de leur situation à l’instar de leurs collègues exerçant dans le primaire.
« Cette escalade intervient alors que les professeurs suppléants se sentent exclus de la politique de la régularisation de la situation des salariés exerçant dans des conditions précaires, qui a déjà concerné quelque 22 mille enseignants du primaire et plusieurs milliers d’ouvriers de chantiers », explique le président de la Coordination nationale des professeurs suppléants, Malek Ayari.
« La galère des enseignants suppléants des enseignants du secondaire dure depuis 2008. Alors que l’inflation a atteint des sommets, ces enseignants ne touchent qu’une indemnité mensuelle de 750 dinars, dont 150 dinars sont prélevés chaque mois à titre de couverture sociale et sanitaire », a-t-il ajouté.
Le coordinateur national des professeurs suppléants a également précise que 14% de ces enseignants sont aujourd’hui âgés de plus de 50 ans et qui se trouvent encore obligés d’emprunter de l’argent à des proches pour subvenir aux besoins de leurs familles ou se faire soigner dans le secteur privé.
Selon lui, les enseignants suppléants ont également décidé d’organiser des marches pacifiques qui partiront des sièges des délégations régionales de l’enseignement pour rallier la capitale à pied avant de se diriger vers le palais présidentiel de Carthage dans l’espoir de rencontrer le président Kaïs Saïed.
Quelles négociations ?
Les suppléants, qui avaient déjà boycotté des cours et des examens tout au long du troisième trimestre de l’année scolaire en cours réclament la signature d’un accord avec le ministère de tutelle prévoyant le recrutement de l’ensemble des enseignants temporaires et le suppression des divers mécanismes qui ouvrent la voie à la précarité de l’emploi dans le domaine de l’enseignement, l’établissement d’une deuxième liste regroupant les suppléants ayant exercé entre 2016 et 2023 après celle couvrant la période 2008-2016.
Ils revendiquent également l’adoption du critère de la bonification en fonction de l’âge en ce qui concerne la régularisation de la situation des enseignants suppléants, le lancement de négociations pour trouver des solutions aux diplômés des filières dites « bloquées », la généralisation de la couverture sociale à l’ensemble des enseignants temporaires et le versement des salaires échus et non payés.
Un accord sur le recrutement des enseignants suppléants a été conclu en 2018 entre le ministère de l’Education et le syndicat général de l’enseignement secondaire n’a été appliqué que partiellement. Sur les 4000 professeurs d’enseignement secondaire concernés par l’accord signé en 2018, la moitié seulement ont été intégrés.
Le nombre des professeurs suppléants s’élève aujourd’hui à plus de 8000 enseignants, dont un grand nombre a bouclé plus de dix ans d’exercice dans différents établissements d’enseignement secondaire du pays. Outre la précarité de l’emploi, ces enseignants ne sont souvent payés qu’une fois par an. Et l’injustice qu’ils subissent ne s’arrête pas là : des prélèvements sont effectués sur cette rémunération au profit de la Caisse nationale de retraite de prévoyance sociale (CNRPS) au titre de cotisations sociales alors que les enseignants suppléants ne bénéficient ni de cartes de soins, ni d’allocations familiales.
Les autorités de tutelle ont jusque-là motivé la non-application des accords conclus avec le syndicat de l’enseignement secondaire sur le recrutement des enseignants suppléants par les fortes pressions qui pèsent sur les finances publiques et l’engagement du gouvernement à réduire les effectifs de la fonction publique et à geler les recrutements pour répondre aux exigences des bailleurs des fonds relatives à la réduction de la masse salariale du secteur public alors que le gouvernement négocie le déblocage d’un programme d’aide de 1,9 milliard de dollars avec le Fonds monétaire international (FMI).
Walid KHEFIFI