L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a accusé, hier, le pouvoir de créer des « coordinations » dans certains secteurs et de tenter de redonner vie à quelques organisations syndicales qui n’ont aucun poids sur le terrain pour porter atteinte à l’action syndicale et semer la division dans les rangs des travailleurs.
« Le pouvoir en place s’est résolu ces derniers temps à créer des coordinations dans certains secteurs pour porter atteinte à l’action syndicale et semer la division dans les rangs des travailleurs. Il a également fait appel aux méthodes utilisées par ses prédécesseurs les plus autoritaires pour tenter de revivifier certaines organisations syndicales qui n’existent pas sur le terrain et n’ont aucune représentativité dans une vaine tentative de mater l’UGTT », a-t-elle indiqué dans un communiqué publié à l’occasion de la Fête du travail prévue lundi 1er mai.
L’UGTT fait ainsi référence à des « coordinations » créées ces derniers mois par des partisans du président Kaïs Saïed dans certains établissements publics.
Selon des sources syndicales, ces coordinations, qui rappellent les « cellules professionnelles » du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali ont même réussi dans certains cas à doubler les syndicats de base rattachés à l’UGTT pour négocier avec l’administration et obtenir la satisfaction des revendications des salariés.
La centrale syndicale fait par ailleurs allusion à l’audience accordée en janvier dernier par la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, à Ismail Sahbani, le secrétaire général de l’Union des travailleurs de Tunisie (UTT), une organisation syndicale rivale de l’UGTT.
Malgré son faible poids sur le terrain, le dirigeant de l’UTT a eu droit à un entretien exclusif avec Mme Bouden qui n’a pas pourtant accordé, quelques jours auparavant, un tête-à-tête au secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi. Ce dernier avait été reçu au palais du gouvernement à la Kasbah accompagné du président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), Samir Majoul.
Une attaque en règle orchestrée par le pouvoir
Plus récemment, c’était au tour du président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) de rencontrer le secrétaire général de la confédération générale des travailleurs tunisiens (CGTT), Habib Guiza. Ce syndicat, qui ne compte des adhérents que dans une poignée de secteurs, compte lancer une initiative visant à améliorer la situation économique et sociale à l’occasion de la fête du travail.
Selon un communiqué de l’ARP, l’initiative porte notamment sur « le respect des libertés, la promotion des activités des établissements publics et la diversification des relations économiques de la Tunisie ».
Le président de l’ARP avait souligné, à cette occasion, que « liberté du travail syndical doit être exploitée pour présenter des propositions constructives au service du pays ».
Ces rencontres entre la cheffe du gouvernement et le président de l’ARP d’un côté et des dirigeants des deux principales organisations rivales de l’UGTT sonnent comme un message subliminal selon lequel l’exécutif pourrait exploiter le pluralisme syndical instauré après ma révolution pour affaiblir et isoler l’organisation dirigée par le très remuant Noureddine Taboubi.
L’UGTT, qui semble avoir mis en veilleuse son initiative de sauvetage concoctée avec d’autres organisations nationales dont l’Ordre national des avocats et la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme pour proposer une feuille de route de réformes politiques, économiques et sociales, a d’autre part estimé qu’elle fait l’objet d’une « attaque en règle », en raison de ses positons hostiles aux tentations autoritaires du pouvoir et au programme des réformes économiques soumis par le gouvernement au Fonds monétaire international (FMI).
L’organisation a souligné que les attaques du pouvoir à son encontre se sont notamment matérialisées par les plaintes introduites contre des syndicalistes et les campagnes de dénigrement visant les dirigeants de l’UGTT sur les réseaux sociaux.
Elle a également affirmé son attachement à appliquer les conventions sectorielles conclues avec le gouvernement et à tenir une séance d’évaluation des situations économique et sociale ainsi que le suivi des indices d’inflation et de taux de pauvreté afin de réexaminer la grille des salaires.
La centrale syndicale a par ailleurs réclamé le lancement des négociations sur l’épineux dossier de la levée des subventions aux produits de base, tout en rejetant les mesures annoncées par le gouvernement dans ce chapitre.
Walid KHEFIFI