La fédération générale de l’enseignement de base a estimé, hier, que la révocation des directeurs des écoles primaires attachés à la rétention des notes des élèves, qui a été décidée par le ministère de l’Education, constitue une « mesure abusive » et une « atteinte au droit syndical », tout en annonçant le lancement immédiat de plusieurs actions de protestation.
« En décidant la révocation d’environ 150 directeurs d’écoles, dont une quarantaine de syndicalistes, le ministère vise à couper l’herbe sous les pieds de notre syndicat et à porter atteinte au droit syndical. Mais les directeurs et les enseignants ne baisseront pas les bras », a souligné le secrétaire général de la fédération, Nabil Haouachi, lors d’une conférence de presse tenue hier à Tunis.
« Le ministère a également évoqué des prélèvements sur les salaires des enseignements ayant adhéré massivement au mouvement de rétention des notes lancé par la fédération afin de semer la peur et de tenter des disloquer l’union dont font preuve les instituteurs. Cette mesure est bien évidemment illégale, étant donné que les cours ont été assurés et les notes ont été remises aux élèves et aux parents », a-t-il ajouté.
De son côté le secrétaire général adjoint de la fédération générale de l’enseignement de base, Taoufik Chebbi, a rappelé que les récentes déclarations du ministre de l’Education, Mohamed Ali Boughdiri, concernant la rétention des notes sont contradictoires avec ses propres propos datant de 2018 lors qu’il occupait le poste de secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Selon lui, l’ex-responsable syndical avait alors jugé publiquement que le prélèvement sur les salaires des enseignants constituait une « mesure illégale ».
M.Chebbi a également indiqué que des sit-in et des rassemblements de protestation ont déjà démarré dans plusieurs régions du pays pour dénoncer la « politique vindicative » du ministère.
« L’été sera très chaud, tout comme la rentrée scolaire. Une réunion de la commission administrative de la fédération se tiendra le 14 juillet pour planifier de nouvelles actions de protestation », a-t-il affirmé, sans exclure la possibilité du boycott de la prochaine rentrée scolaire.
Le ministre de l’Education avait annoncé, mercredi, soir la révocation de plusieurs dizaines de directeurs d’écoles ayant rechigné à transmettre les notes remises par les enseignants aux services du ministère, tant en brandissant la menace de retenue sur les salaires des enseignants qui refusent toujours de remettre les notes relatives aux trois trimestres de l’année scolaire 2022/2023.
« Nous n’avions pas souhaité en arriver là, mais nous ne pouvons pas rester pas les bras croisés alors que les élèves sont pris en otage. L’État doit assumer sa responsabilité », avait-il martelé sur le plateau de la chaîne publique Al-Watania 1.
Accords en suspens
Quelques jours auparavant, le ministère avait appelé les enseignants à remettre les notes sur les espaces numériques avant le 4 juillet afin d’éviter le recours au passage de classe automatique. Si un nombre important d’enseignants ont répondu à cet appel, de nombreux directeurs d’écoles ont refusé de transmettre les notes au ministère alors que la partie syndicale a annoncé unilatéralement la fin de l’année scolaire le 30 juin.
La fédération générale de l’enseignement de base avait décidé la rétention des notes relatives aux trois semestres l’année scolaire 2022/2023, en signe de protestation contre le refus du ministère de satisfaire les revendications des enseignants. Plusieurs séances de dialogue tenues entre les deux parties se sont révélées infructueuses.
Arguant de la situation peu envieuse des finances publiques, le ministère avait proposé une augmentation de l’indemnité pédagogique de 300 dinars entre 2026 et 2028, mais cette offre a été jugé « très en deçà des attentes » par la fédération rattachée à l’UGTT.
Outre la rétention des notes, la fédération générale de l’enseignement de base organisé plusieurs rassemblements de protestation dans les régions ainsi qu’une « journée nationale de colère » à la Place du gouvernement à la Kasbah.
La fédération réclame l’application de plusieurs accords en suspens conclus ces dernières années avec le ministère de tutelle. Ces accords portent notamment sur des augmentations salariales conséquentes pour compenser la détérioration du pouvoir d’achat des enseignants au cours des dernières années. Dans ce cadre, la partie syndicale a précisé que 75% des instituteurs ne disposent pas de voitures personnelles et 58% ne sont pas propriétaires de leurs logements alors que plus de 90% sont lourdement endettés auprès des banques.
La fédération réclame également l’amélioration du montant de plusieurs indemnités, dont celles liées à l’affectation, au travail dans les zones rurales, au transport et à l’effort pédagogique.
Elle revendique aussi la révision à la hausse de la contrepartie financière des échelles et des échelons accordés dans le cadre de l’avancement professionnel et le décaissement d’une indemnité de fin de service en faveur des instituteurs qui partent à la retraite.
La généralisation de l’octroi de bourses universitaires et du droit au logement universitaire aux descendants des enseignants, la suppression de toutes les formes d’emploi précaire (contrats à durée déterminée, suppléants etc.), l’augmentation du budget alloué à la rénovation des infrastructures scolaires et la promulgation d’une loi incriminant les agressions contre le corps enseignant figurent aussi parmi les revendications du syndicat.
Walid KHEFIFI