Payer les taxes municipales est devenu le dernier souci d’une majorité écrasante des citoyens. Or ces mêmes citoyens n’hésitent pas à rouspéter en cas d’une chaussée défoncée ou non goudronnée, ou une rue mal ou non éclairée ou encore en cas d’une plage polluée ou d’un jardin public mal entretenu. On oublie souvent que la source majeure des revenus de la municipalité provient de ces taxes pour pouvoir financer une partie ou la totalité du coût de prestation des services municipaux.
Pourtant, il y eut souvent une amnistie décidée par l’Etat qui accorde un allègement des charges fiscales des assujettis à la taxe sur terrain bâti, autrement dit, une amnistie sur la taxe d’habitation ou dans notre dialecte la fameuse « Zebla et Kharrouba ». Cette amnistie porte sur l’abandon des taxes impayées relatives aux années précédentes, à condition de payer le montant due au titre de l’année. Cette mesure est de temps en temps prise par l’Etat afin de créer de nouveaux rapports entre les citoyens et leurs municipalités respectives et de mobiliser des fonds pour les caisses des autorités locales. Mais en vain, presque toutes les municipalités souffrent de ce problème et ne parviennent pas à offrir les services adéquats aux habitants.
Il est vrai que dès qu’une amnistie est annoncée, un bon nombre d’habitants répondent à l’appel des autorités vont exercer leur devoir de bon citoyen en payant leurs impôts, arriérés compris. Mais, aussitôt, on constate une sorte de relâchement ou un renoncement des contribuables à payer leurs impôts.
Payer ses impôts : un acte de citoyenneté
Selon la loi, chaque année, tout citoyen propriétaire d’un local doit payer la taxe d’habitation à la municipalité. C’est un impôt qui va aux collectivités locales, notamment à la commune où se situe la maison, l’appartement ou l’immeuble de l’intéressé. Le rôle de cet impôt est de financer les équipements collectifs et les services municipaux. Le montant de cette taxe municipale varie selon l’emplacement du local, sa superficie, son état, sa vocation (habitation, commerce…) D’ailleurs, tout cela est inclus lors du calcul du montant à payer par le citoyen. Selon la loi, c’est l’occupant de ces lieux (propriétaire ou locataire) qui doit déposer une déclaration auprès de la municipalité où se trouve le local concerné. Que ce soit pour une résidence principale ou secondaire, le bénéficiaire du logement est redevable de la taxe. Les formalités de cette déclaration sont fixées par la loi n° 2007-53 du 8 août 2007, parue au JORT N° 64 du 10 août 2007.
Néanmoins, les taux de recouvrement des ressources fiscales demeurent modestes dans pas mal de municipalités. Cette situation s’explique notamment par le peu d’empressement des contribuables au paiement spontané des taxes municipales ainsi qu’à l’absence quasi totale des poursuites judiciaires contre ceux qui ne payent pas leurs taxes ou ceux qui accusent un retard accumulé. Les comptables qui détiennent la direction générale des impôts se limitent à la phase de règlement à l’amiable, sans pousser jusqu’à l’engagement des procédures de recouvrement forcé.
Payer ses impôts est un acte citoyen, car la citoyenneté se définit d’un point de vue juridique par la possession de la nationalité tunisienne et de ses droits civiques et politiques mais aussi comme une participation à la vie de la cité. Et pourtant, pas mal de citoyens ne sont pas en règle avec les autorités communales en matière d’impôts.
Nul n’est censé ignorer la loi
Une grande majorité de citoyens ne déclarent pas leurs biens immobiliers aux autorités, soit par ignorance de la loi, soit par négligence, soit encore pour fuir les impôts. Il y a actuellement des milliers de logements servant d’habitation ou de commerce qui ne sont pas déclarés et dont les occupants (propriétaires ou locataires) ne payent pas de taxes. Côté municipalité, il existe pourtant une certaine souplesse dans l’exécution des règlements en vigueur. D’ailleurs, certains citoyens, ayant déjà déclaré leurs biens immobiliers, ne sont pas ponctuels quant au payement des redevances annuelles et ce, malgré l’envoi par la municipalité des mises en demeure. Il y a ceux qui n’ont pas payé durant plusieurs années, espérant bénéficier d’une amnistie fiscale accordée par l’Etat en faveur des contribuables qui ne se sont pas acquittés de leurs impôts à temps. D’autres encore ignorent carrément qu’il y a une loi qui régit cette taxe d’habitation et n’ont jamais déclaré leurs revenus fonciers et sont surpris un jour d’être appelés par les autorités municipales à payer leurs redevances. D’ailleurs, certains citoyens n’apprennent l’existence d’une telle loi que le jour où ils se présentent au guichet pour procéder à une légalisation de signature d’un contrat de location ou de vente. A ce moment-là, l’agent exige une justification du payement de la taxe municipale, sans quoi on ne peut prétendre à aucune légalisation de signature. Cependant, cette procédure n’est pas appliquée dans toutes les municipalités du territoire tunisien, de telle sorte que le citoyen pourrait faire sa légalisation de signature là où la déclaration des biens fonciers n’est pas exigée. Pourtant la loi n° 2007-53 du 8 août 2007 fixe dans son article 19 que « toute infraction par le propriétaire ou le locataire ou l’occupant à quelque titre que ce soit à l’obligation de déclaration prévue par l’article 17 bis du présent code ou toute déclaration insuffisante ou inexacte donne lieu à l’application d’une amende égale à trois fois le prix de référence maximum du mètre carré de la catégorie supérieure des catégories d’immeubles prévues par le paragraphe II de l’article 4 du présent code. »
Une déclaration des biens immobiliers…Et puis ?
Selon la loi, la déclaration des biens immobiliers est donc une obligation pour tout citoyen occupant un logement. Il doit le faire de son plein gré, faute de quoi, il s’expose à une amende. N’empêche qu’il y a des propriétaires qui continuent à contourner la loi en faisant une fausse déclaration ou en louant leurs logements sans signer de contrats avec leurs locataires. Là, le rôle des agents municipaux ne doit pas se borner aux seuls renseignements fournis par le propriétaire, mais une visite effectuée sur les lieux est toujours souhaitable pour s’enquérir de la véracité des données.
Sans doute, les sommes perçues participent au développement des équipements et des services publics. Pourtant, certaines gens pensent encore que l’argent payé par les contribuables à la municipalité ne semble pas servir à quelque chose et qu’il n’est pas toujours employé à bon escient par les responsables municipaux, tant qu’on voit souvent des chaussées pleines de nids-de-poule, des rues sans éclairage, des jardins laissés à l’abandon, parfois mêmes des ordures ménagers un peu partout et un manque d’hygiène qui nuit beaucoup à l’environnement. Certes, tout cela est vrai ! Mais, la plupart du temps cela est dû au fait que la majorité des citoyens ne font pas leur devoir envers les taxes municipales, source majeure du budget de la municipalité. N’empêche que la participation à l’effort commun est nécessaire, sinon aucun service public (police, justice, éducation, hôpitaux, ramassage des ordures, éclairage public,…) ne pourrait être financé.
Hechmi KHALLADI