En Libye, pays d’Afrique du Nord, voisin de la Tunisie, les vents tempétueux et les pluies torrentielles liées à l’ouragan Daniel ont laissé derrière eux un bilan très lourd de plus de 5000 morts (jusqu’au 12 septembre 2023) et des milliers de disparus. Cette tempête peut-elle menacer les côtes tunisiennes ? Décryptage avec le climatologue tunisien Zouhaier Hlaoui.
Les changements climatiques ont accru les précipitations associées aux cyclones tropicaux, selon les météorologistes et les climatologues. D’après l’Organisation météorologique mondiale (OMM), le changement climatique a rendu les conditions météorologiques plus intenses de 20 à 50 %. « Il est peu probable qu’une tempête tropicale semblable à celle qui a frappé la Libye, affecte, à court et à moyen termes, la Tunisie », a rassuré le climatologue tunisien, Zouhaier Hlaoui, évoquant des études climatiques menées en Tunisie.
« Ce phénomène, qui s’inscrit dans le cadre d’un système aérologique méditerranéen, ne risque pas de toucher les régions tunisiennes, car il se caractérise par un déplacement de l’ouest vers l’est, et au vu qu’il est arrivé aux côtes libyennes et égyptiennes, il n’est plus possible qu’il reviendra vers les côtes tunisiennes, d’autant plus qu’il s’est affaibli, ces derniers jours », a développé le climatologue.
Toutefois, il est probable d’enregistrer, durant les périodes intermédiaires (entre les saisons- automne et printemps), « le phénomène de retour de l’Est », qui génère plusieurs perturbations, notamment de fortes précipitations, causant des inondations, à l’instar des inondations enregistrées en Tunisie en 1969 et en 1990″, a encore indiqué Hlaoui. « La fréquence accrue des tempêtes comme celle qui est survenue en Libye, ces derniers jours, appelée aussi « Medicane », ou cyclone subtropical méditerranéen, est un système dépressionnaire méditerranéen ayant des propriétés de cyclone intertropical de dépression frontale des latitudes moyennes », a-t-il expliqué.
D’après le spécialiste, « cette tempête très resserrée et qui comporte une structure nuageuse en spirale et génère des vents forts et des pluies diluviennes, se présente comme l’une des principales manifestations du changement climatique ».
La tempête avait déjà touché la Grèce, avant de se diriger vers la région Est du bassin méditerranéen, et plus précisément le nord-est de la Libye.
Pour rendre moins dévastateurs ces phénomènes devenus de plus en plus intenses et extrêmes sous l’effet du changement climatique, Hlaoui a appelé les autorités tunisiennes à contribuer davantage, à l’instar de tous les pays du monde, à l’effort mondial visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement climatique.
« Bien qu’elle ne soit responsable que de 0,07% d’émissions de gaz à effet dans le monde, la Tunisie subit de plein fouet les impacts des changements climatiques, souvent traduits par des sécheresses successives et de plus en plus longues et intenses, des phénomènes extrêmes tel que les fortes pluies et les vagues de chaleur fréquentes et intenses. Les vagues de chaleur exceptionnelles enregistrées au cours des mois de juillet et août 2023 sont l’exemple le plus fréquent », a-t-il souligné.
D’après le climatologue et auteur du livre « climat et bioclimat de la Tunisie », il ne s’agit pas seulement de répercussions immédiates telles que les inondations dévastatrices survenues en Libye, mais aussi de nouveaux problèmes, qui surviendront au futur proche tels que « les perturbations du bilan hydrique et du régime biologique des espèces animales et végétales dans notre région ». Il a ainsi plaidé en faveur de la mise en œuvre de stratégies et de mesures d’adaptation aux effets des changements climatiques et de la mobilisation de la recherche scientifique et des financements importants pour leur réalisation.
A l’échelle mondiale, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a pointé du doigt le lien entre la multiplication et l’intensification des événements climatiques extrêmes et le changement climatique. Selon ces experts du climat de l’ONU, chaque degré supplémentaire de réchauffement équivaut à une augmentation de 7 % des précipitations lors des tempêtes et orages.
Dans plusieurs pays du monde, des dispositifs de suivi des phénomènes climatiques sont mis en place pour en prévenir les risques. Le Centre canadien de prévision des ouragans d’Environnement Canada encourage, par exemple, la population canadienne à se préparer à la saison des ouragans, qui s’étend officiellement de juin jusqu’en novembre.
Pendant cette période, les eaux de l’océan Atlantique sont suffisamment chaudes pour produire un cyclone tropical, une catégorie de systèmes météorologiques qui comprend les dépressions tropicales, les tempêtes tropicales et les ouragans.
Les prévisions de la National Oceanic and Atmospheric Administration des Etats-Unis font état d’une probabilité de 70 % de 13 à 20 tempêtes nommées, dont de sept à 11 pourraient devenir des ouragans, y compris de trois à six ouragans majeurs. Pour rappel, le cyclone Daniel qui a frappé la Libye est le cinquième cyclone tropical, la quatrième tempête tropicale, le deuxième ouragan majeur et le premier ouragan de catégorie 4 de la saison cyclonique 2010 dans l’océan Atlantique Nord.
(avec TAP)