Curieux tout de même : ils ont attendu que Kais Saied « ose » le grand coup (constitutionnel) du 25 Juillet pour que l’Occident, avec ses organismes et ses moyens de pression, se saisisse de ce qu’il appelle désormais : « la question tunisienne ». C’est donc maintenant qu’on craint que la démocratie tunisienne ne périclite et que Kais Saied ne s’improvise dictateur. C’est comme si cette démocratie n’était pas instrumentalisée par ceux qui ont tenu les leviers du pays tout le long d’une décennie tumultueuse.
Quand les Américains font pédale douce, le G7 arrive sur ses grands chevaux.
Abdelfattah Essissi n’a pas eu droit à tant d’honneurs. Et personne n’ose fouler ses plates-bandes.
C’est qu’il se trouve que nous sommes trop dépendants des pays et des organismes internationaux. L’UE, la Banque mondiale et le FMI ont leurs propres lois. Mais la Tunisie a, en ce moment, ses lois à elle. Et elles tiennent davantage à l’assainissement du pays qu’à de simples mécanismes systémiques de la gouvernance.
C’est ce moment précis qui nous vaut la compassion de ceux qui tiennent à ce que la Tunisie continue de s’assumer comme déclencheur du Printemps arabe. Où le voit-on ce Printemps ?
Il y a quand même un distinguo à établir : la démocratie tunisienne se porte aujourd’hui mieux qu’elle ne l’était sous le long règne des islamistes et de leurs satellites.
Aujourd’hui, le tout puissant vice-président de la Commission européenne se rendra chez le Président, dans le cadre d’un périple incluant, entre autres étape, l’Irak et la Libye.
Mais sur son chemin vers Tunis, il avait placé ces mots : « Je viens écouter nos amis tunisiens (autorités et Société civile) pour mieux comprendre la situation dans sa complexité et pour soutenir le peuple tunisien dans la construction d’une démocratie durable ».
Il est vrai que la situation a l’air d’être complexe. Pour les Tunisiens, en dehors de ceux que le 25 juillet a desservis, elle est plutôt claire. Il s’agit d’en finir avec un système ayant ruiné le pays, précisément au nom d’une démocratie transfigurée.
Si la survie de cette démocratie-là ne tenait qu’à la réactivation d’une ARP devenue nocive, et que cette survie ne tienne encore qu’à la mise en place d’un gouvernement capable de dévier à tout moment, le 25 Juillet ne se justifierait pas.
Maintenant, il faudra bien aussi que nous écoutions ceux qui nous veulent du bien. Non qu’il s’agisse de subir leur ascendant, ou de se plier à leurs injonctions. Mais davantage de clarté de la part de Carthage doit être de mise. Quand le Président dit que la feuille de route est prête, eh bien autant l’actionner. Quant à la démocratie durable dont parle le vice-président de la commission européenne, il n’y qu’à l’anoblir.
Raouf Khalsi