Le Conseil supérieur de la magistrature dissous a exprimé, dans un communiqué rendu public le 14 février 2022, son « rejet total » du décret présidentiel n°2022-11 portant création d’un Conseil supérieur provisoire de la magistrature, considérant que ses amendements sont une « atteinte à l’indépendance de la magistrature » et une « grave régression » des acquis constitutionnels et législatifs dont ils bénéficient depuis des décennies.
Il dénonce « une violation des droits fondamentaux des magistrats » liés à leurs carrières professionnelles (nominations, avancements, mutations et affectations) et à leurs parcours disciplinaires et aux garanties qui y sont associées comme le droit à la défense et à un procès équitable.
Selon la même source, le CSM rejette « fermement le transfert de cette autorité au pouvoir exécutif », rappelant qu’il est une institution constitutionnelle créée par le législateur constitutionnel « qui seul, parmi les autorités législatives qui lui sont inférieures, a le pouvoir de créer des institutions alternatives ».
« La création du CSM provisoire en vertu du décret n°2022-11 est de ce fait nulle et non avenue parce que contraire au principe de séparation des pouvoirs constituant et législatif », souligne-t-il. Le CSM dissous met en garde contre l’implication d’une partie de ses membres désignés par titre dans la composition du Conseil provisoire, les appelant à ne pas accepter.
Il considère que « la création d’un Conseil provisoire n’a rien à voir avec la réforme judiciaire », mais qu’elle « réduit les magistrats au statut de fonctionnaires soumis au pouvoir exécutif » et viole la Constitution en excluant les membres qui ne sont pas magistrats.
Dans le même contexte, le CSM avertit que tous les textes législatifs, y compris les décrets, restent soumis à l’article 49 de la Constitution qui leur interdit de porter atteinte à l’essence des droits et libertés et empêche la rétractation, considérant que le décret n°2022-11 porte atteinte au droit des magistrats de se former en syndicats et en associations.
Il est à mentionner que l’Union des magistrats administratifs s’est déclarée opposée à la décision du président de la République de remplacer le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par un conseil « provisoire », réaffirmant sa détermination à s’engager dans « toutes les formes de lutte afin de défendre l’indépendance de la justice et faire face à toutes les atteintes au pouvoir judiciaire ».
L’Union des magistrats a indiqué, dans un communiqué rendu public le 13 février 2022, que le décret relatif au Conseil supérieur de la magistrature intérimaire est « nul et non avenu ». Elle a, également, appelé les juges nommés et les magistrats à la retraite à ne pas reconnaître ce conseil et à boycotter ses travaux.
Rappelons que le décret présidentiel portant création du Conseil supérieur provisoire de la magistrature est paru aujourd’hui dimanche 13 février 2022 au Journal officiel de la République tunisienne (JORT). Le Président de la République Kaïs Saïed avait promulgué, très tard dans la soirée du samedi, le décret portant dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), au cours d’une rencontre avec la Cheffe du gouvernement Najla Bouden et la ministre de la Justice Leila Jaffel.
Le décret n° 2022-11 en date du 12 février 2022 énonce, dans l’article 1 de son chapitre premier, que le Conseil supérieur provisoire de la magistrature « jouit d’une indépendance fonctionnelle, administrative et financière. Il supervise les affaires de l’ordre judiciaire, administratif et financier et remplace le Conseil supérieur de la magistrature prévu par la loi organique n° 2016-34 du 28 avril 2016. Son règlement intérieur devra être fixé dans un délai maximal d’un mois à partir de sa première réunion, précise-t-il.
Ghada