Le poète bilingue Jalal El Mokh vient de publier chez « Dar Thakafia », un nouveau recueil de poésie intitulé « Le vers aura le dernier mot ». Il s’agit d’un nouveau recueil au style vif, pur et élégant qui réunit 24 poèmes en vers libres. En taquinant la muse, le poète nous offre à lire des textes poétiques d’un très bon goût qui évoquent la vie, la mort, le passé, le présent, la condition humaine, la révolte. A la manière de tous ses poèmes qui ont précédé, il a effectivement su sublimer ses sentiments et ses sensations avec les mots, mais aussi dénoncer les maux qui rongent notre humanité, notre société.

Le poète reste ainsi fidèle à lui-même puisqu’il ne rompt pas avec son ton lyrique, mais aussi son élan engagé. Il aborde ainsi plusieurs thématiques : la vie, la mort, l’après-mort, mais aussi le temps, le pouvoir, la politique, le sport, la femme…, et la religion.

Dans la poésie de Jalal, on relève souvent des références mythologiques qui constituent un fonds dans lequel il puise son inspiration poétique. Nommément désignés ou implicitement référés, les personnages mythiques sont omniprésents et confèrent à la poésie de Jalal une dimension universelle. En s’appropriant la destinée bouleversante ou tragique de personnages issus de la mythologie, le poète met en scène ses amours et ses tourments, ses joies et ses maux, ses angoisses et ses rêves qui, en fin d’analyse, ne sont que ceux de l’homme en général. C’est ainsi qu’on peut relever maintes références mythologiques à travers les textes de ce recueil, comme « gorgone », « Sindbad », « Sirènes », « l’épée de Damoclès », « le lit de Procuste », « Flavius Claudius Julianus », « Pluton », Poséidon », « Jupiter », « Vénus », « Galiléen », « Panthéon », « Bacchus »…

Un vif hommage est rendu dans ce recueil aux grands artistes qui ont marqué leur temps par leurs merveilles littéraires, artistiques et poétiques. C’est ainsi que dans le poème « Bon anniversaire » (P : 72), on peut lire : « Bonne fête aux penseurs/ Aux poètes, aux artistes/ A Dante, Léonard/ Rimbaud, Gibran, Apollinaire…/ Bon anniversaire Fleurs de Baudelaire/ Madeleine de Proust/ Etranger de Camus : Et Salammbô de Flaubert… »

Une écriture, révolutionnaire et revendicatrice, marquée d’une empreinte d’engagement qui tantôt transporte le lecteur très loin vers des horizons inconnus, tantôt l’invite à s’interroger sur son quotidien, sa réalité et sa condition. Des poèmes qui vacillent entre passé et présent, entre réel et imaginaire, comme on en lit dans ce texte (P : 19) intitulé « La danse des gorgones » : « La nuit a dévoré le monde/ Qui vacille entre l’appât du rêve/ Et la crudité de la réalité… »

Le poète utilise parfois les reprises d’expressions et de structures syntaxiques, propres à persuader et à émouvoir. Lisons cet extrait du poème intitulé « Arrêter d’écrire » (P : 82) où chaque strophe se termine par le refrain « Mais arrêter d’écrire, c’est pire », répété six fois. Cette phrase-anaphore qui rythme le texte et crée un effet musical, est une forme aussi d’insistance sur le fait qu’il ne s’arrêtera jamais d’écrire !  Je ne saurais finir sans citer le poème intitulé « Mon passage sur terre » (P : 43) où le poète exprime ses pensées sur l’absurdité de la vie en ces vers : « Les idées trottent dans ma tête/ Les images galopent dans mon esprit/ Les sensations submergent mon être/ Les doutes hantent mon âme…/ Et plus loin, on peut lire dans le même poème ce qui suit : « Quel est le sens de ton passage sur terre ?/ Vivre un laps de temps et partir/ A quoi ça sert ? / Le sens de ta vie, serait-il tout d’abord une rêverie cosmique ?/ Un rêve métaphysique ?/ Une transgression des voluptés interdites ?…

Hechmi KHALLADI