Par Samia Harrar
Nous étions si heureux…. Et fiers, que le pèlerinage de la Ghriba se soit très bien passé. Et que l’île de Djerba, ainsi que toute la Tunisie, aujourd’hui sous le choc, ait pu renvoyer cette image-là, de coexistence et de paix. Ce à quoi elle aspire de toute son âme parce que c’est ce qui la représente, et c’est ce qui en caractérise l’ADN en profondeur. Jusqu’à ce qu’un ignoble acte terroriste ne la frappe de plein fouet, mardi 9 mai au soir, alors que les festivités tiraient à leur fin. Et que, fort heureusement du reste, la majorité des pèlerins avaient déjà quitté la synagogue.
Oui nous n’étions pas peu fiers : que nos compatriotes juifs, et tous nos invités juifs, venus du monde entier, aient pu accomplir leur pèlerinage, dans la quiétude et la sérénité, tout en profitant de la beauté de l’île, pour se ressourcer. Et passer de bons moments, en famille ou avec des amis, avant de retourner chez eux en emportant dans leurs bagages, quelques rayons de soleil et de beaux souvenirs.
Nous ne savions pas, et nous n’imaginions même pas, que la « fête » allait virer au drame. Et qu’un agent de la garde nationale, en réalité un terroriste, allait assassiner son collègue : un agent de la garde maritime à Aghir, pour lui voler sa Kalachnikov et toutes ses munitions, avant de se diriger vers les alentours de la synagogue La Ghriba, dans l’intention d’y pénétrer, et sûrement d’y commettre un carnage. Non, personne ne pouvait augurer de l’issue puisque la fête était dans les esprits et dans les cœurs. Et aujourd’hui, alors que cinq victimes sont tombées : deux civils et trois sécuritaires, et qu’au moins neuf blessés sont encore hospitalisés, nous ne pouvons penser qu’à une seule chose : la douleur des familles, frappées dans leur « chair ».
Et qui n’auront peut-être pas assez de toute une vie, pour faire le deuil des « leurs ». C’est injuste. Injuste que toute cette joie se soit si vite transformée en tristesse. Une tristesse pour tout un pays. Qui a certes su, grâce au professionnalisme affirmé, des sécuritaires ayant protégé la Ghriba en s’opposant au terroriste et en l’empêchant d’accéder à l’intérieur de la synagogue, avant de l’abattre, éviter un drame qui aurait pu être de plus grande ampleur, n’était-ce leur courage et leur célérité.
Mais il est de fait, qu’il ne sera pas évident, lors-même que la Tunisie, lutte de toutes ses forces, pour s’en sortir, en menant son plus grand combat : celui qu’elle n’a de cesse de mener, depuis des années, contre le terrorisme, ramené, en « grandes pompes » dans le sillage d’un « printemps » autrement vénéneux, de faire comprendre à ceux, qui ne veulent pas comprendre, tout simplement parce qu’ils la veulent à « genoux », qu’elle ne mérite pas, que l’on se détourne d’elle, à présent qu’elle aura besoin de tous ses amis pour remonter la pente ; parce que c’est « elle » qui a été touchée dans sa « chair » et dans son coeur. Ce sont ses enfants, de confession « mosaïque » qui sont tombés ensemble : Aviel Haddad, Tunisien de Djerba, Benjamin Haddad, son cousin, Tuniso-Français, sont les victimes civiles de cette horrible fusillade. Charfeddine Lafi, Abedelmajud Atig, et Maher Arbi : ce sont nos sécuritaires tombés au « champ d’honneur », et dont nous ne devrons pas oublier les noms. Tout comme nous ne pourrons oublier les noms de nos compatriotes juifs, qui accomplissaient leur pèlerinage, sans savoir que ça serait la dernière fois. Pour eux, et par respect pour leur souvenir, nous devrons désormais être beaucoup plus vigilants.
Et veiller à ce que, plus jamais, il n’y ait d’amalgame, comme l’a si bien dit René Trabelsi : l’enfant de l’île et de la Tunisie, qui lui, n’acceptera jamais que l’on stigmatise la Tunisie, pour ce qui peut se passer, de la même façon, et peut-être bien pire, partout dans le monde : les « grandes puissances » elles-mêmes, n’étant jamais à l’abri, lorsque s’exprime la violence, la bêtise, et la brutalité des Hommes, que rien, jamais, ne saurait justifier. Ni ici en Tunisie justement, ni ailleurs. Mais il est vrai qu’il faut prendre garde aux amalgames, même si les « raccourcis » s’invitent bien souvent, là où on ne devrait pas les attendre, qui mêlent allègrement, la Palestine, pour les opposer, à nos compatriotes juifs, qui sont autant Tunisiens que nous le sommes. Et parfois même : la grande Histoire en atteste, encore plus Tunisiens, chronologiquement sur le « sol » de ce pays, que nous ne pourrons le prétendre nous-mêmes. Au soir du 9 mai 2023, c’est toute la Tunisie qui a pleuré ses enfants. Paix à leurs âmes…