Par Slim BEN YOUSSEF
Dans le monde unipolaire où nous vivons actuellement, la majorité écrasante des transactions entre les États se font en dollar. Cette monnaie surpuissante, qui « gouverne » actuellement la planète permettant notamment aux USA de consolider son emprise non seulement économique et commerciale mais aussi géopolitique sur le monde, est devenue mille fois beaucoup plus puissante après la fin de la Première Guerre froide et la chute de l’URSS. Hormis le miraculeux yen japonais et l’imperturbable franc suisse, pratiquement toutes les monnaies du monde ont été mises à mal par le dollar après cet événement. Les puissances économiques européennes et à leur tête l’Allemagne et la France, ont été les premières à en pâtir, mais aussi les premières à comprendre qu’elles devaient très vite créer une monnaie plus forte à même de faire face à la suprématie du dollar. Elles ont créé l’euro. Une monnaie qui soit dit en passant n’a pas fait les beaux jours en Grande-Bretagne qui a préféré finalement revenir à son bon vieux sterling. Dans le monde, ce qu’a fait l’Europe occidentale en créant son euro a évidemment ouvert la voie à plusieurs autres tentatives similaires dans d’autres régions du monde, dont les plus notables ont été tentées par les pays « Mercosur » en Amérique latine ou par les « dragons » d’Asie orientale, mais qui ont été finalement avortées, à défaut de « conditions propices », de « consensus préalable » ou plus simplement en des termes moins diplomatiques à cause de conflits géopolitiques exacerbés dans la plupart des cas par les États-Unis.
En Tunisie, la création d’un dinar commun avec la Libye ou l’Algérie voisines, voire avec les deux, pourtant faisable en théorie et ô combien séduisante sur le papier, n’a jamais fait l’objet d’une action politique et diplomatique d’envergure ou ne serait-ce qu’une initiative sérieuse par aucun des trois pays. Beaucoup plus utopique, la création d’une monnaie maghrébine commune n’est même pas permise en songe, à défaut de « conditions propices », on va seulement dire pour en rester là.
Revenons-en à présent au fait : les pays Brics, qui sont actuellement au nombre de neuf, « étudient » la création d’une nouvelle monnaie commune lors du sommet de Kazan qui se tient actuellement en Russie. L’annonce, si elle venait à se concrétiser, provoquerait non seulement un séisme d’envergure planétaire sans précédent mais bouleverserait carrément l’ordre mondial « unipolaire » bâti pendant des décennies durant par les USA. Force est de savoir que ces neuf pays Brics représentent à eux seuls 43% de la population mondiale, 27% du PIB mondial et un cinquième des exportations mondiales. Des chiffres colossaux qui pourraient se gonfler davantage dans les prochaines années avec l’adhésion de nouveaux membres. Plus de 30 pays, dont la Turquie, membre de l’OTAN, ont demandé officiellement à y adhérer cette année, mais les bruits de couloir à Kazan évoquent en ce moment que les Brics envisageraient, pour l’instant, d’accepter des adhésions avec « statut de partenaire » à même d’élargir l’organisation à plus d’une trentaine de pays membres et partenaires.
À défaut de créer, immédiatement, une nouvelle monnaie qui bouleverserait tout de suite l’ordre planétaire, les pays Brics sont tout au moins convenus d’utiliser dorénavant des monnaies locales dans les échanges commerciaux entre les pays membres et partenaires du Groupe. Ce qui représente un séisme en soi puisqu’il déclencherait un processus de dédollarisation des échanges commerciaux pour quasiment la moitié de l’économie mondiale.