Par Slim BEN YOUSSEF
En 1944, les États-Unis d’Amérique inventaient le système financier international – aujourd’hui désuet, obsolète, suranné, archaïque et rococo, bien que toujours en vigueur – en créant le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), première branche de la Banque mondiale (BM) qui naîtra un an plus tard. Le FMI et la BM formeront depuis cette date jusqu’à la fin des années 80, les deux piliers de l’hégémonie américaine non seulement économique et commerciale mais aussi géopolitique sur ce qu’appelaient les USA « le monde libre », entendez un monde comprenant ses alliés de l’Occident et les pays du Tiers monde qui n’appartenaient pas ou ne sympathisaient pas avec le bloc de l’Est.
Après la chute de l’URSS et la fin de la Première Guerre froide, le FMI et la Banque mondiale commenceront à devenir les deux piliers de l’hégémonie US sur toute la planète, en faisant des États-Unis et du dollar les piliers de l’architecture économique du nouveau « monde unipolaire ». Il faut comprendre qu’en 1944, les USA, qui n’avaient pas été touchés par les ravages de la guerre et s’étaient enrichis en vendant des armes aux alliés et en leur prêtant des fonds, disposaient au sortir de la Seconde Guerre mondiale de la plus grande partie des capitaux mondiaux, dominaient la production industrielle mondiale, contrôlaient la majorité des circuits du commerce international et détenaient les deux tiers des réserves mondiales d’or. Rien que cela.
En face, 44 pays meurtris pour ne pas dire détruits par la Guerre se résignaient à se plier, la queue entre les jambes, à la nouvelle configuration financière mondiale imposée par Washington, qui craignait à l’époque que le Japon et les pays européens ayant le plus souffert de la guerre deviennent des terreaux au communisme. Le FMI et la Banque mondiale, créés en vertu d’accords noués entre les USA et les 44 pays meurtris, avaient ainsi pour premier objectif d’aider ces derniers à se « relever » mais aussi de les empêcher de se ruer vers le bloc de l’Est.
Cet épisode historique est connu sous le nom de Bretton Woods, en référence au lieu qui avait abrité la signature de ces accords quelque part dans le New Hampshire aux États-Unis.
La Tunisie fustige régulièrement ce système financier international contrôlé par les « pays riches », qui ne prête pas assez d’argent aux « pays pauvres » et qui impose « beaucoup de conditions » lorsqu’il consent à financer. Bien qu’elle n’a visiblement pas coupé totalement les ponts – en témoigne le récent voyage du ministre de l’Économie et du gouverneur de la Banque centrale pour une « réunion » du FMI (coïncidant pile-poil avec le sommet des Brics) – et malgré notre profond désaccord avec ce Fonds, la Tunisie plaide pour « réformer » ce système et semble croire à la possibilité de cette « réforme ».
À bon entendeur ? Plusieurs autres pays ont pourtant déjà tranché sur cette question : l’émergence du nouveau Sud global – auquel nous appartenons – qui englobe l’ancien bloc de l’Est et l’ancien Tiers monde réunis et dont le groupe Brics est la locomotive, a d’ores et déjà mis fin à l’ordre unipolaire bâti par l’Occident et avec lui son système financier international. Celui-ci n’est pas seulement désuet, il est d’ores et déjà fini. L’avenir appartient aux pays qui s’en rendent compte sans plus attendre.