Alors que l’été approche à grands pas, de nombreux Tunisiens voient leurs projets de vacances bouleversés par un contexte économique de plus en plus difficile. Si auparavant, les familles pouvaient envisager de voyager grâce à des facilités de paiement offertes par les agences de voyages, la suppression des carnets de chèques change la donne. Le rêve estival devient pour beaucoup un luxe difficilement accessible, et les alternatives sont limitées.
Pendant des années, les carnets de chèques ont permis à des milliers de familles tunisiennes de planifier leurs vacances avec un minimum de pression financière. En réglant leur séjour en plusieurs mensualités, elles pouvaient profiter d’une pause estivale sans déséquilibrer leur budget.
Désormais, avec la disparition de ces moyens de paiement, les agences exigent des règlements immédiats ou des solutions de financement plus complexes, souvent hors de portée pour les classes moyennes. Ce changement intervient dans un contexte marqué par la baisse du pouvoir d’achat, l’inflation et la précarisation de nombreuses catégories sociales. Le résultat est sans appel : de nombreux foyers doivent reconsidérer leurs priorités et mettre de côté leurs envies d’évasion.
Des vacances en Tunisie… mais à quel prix ?
Face à l’impossibilité de voyager à l’étranger, l’option de vacances locales pourrait sembler une alternative logique. Pourtant, là aussi, les obstacles sont nombreux. Les prix pratiqués par les hôtels tunisiens pendant la haute saison sont de plus en plus élevés, rendant difficile l’accès à un séjour confortable même à l’intérieur du pays. Cette réalité crée un paradoxe : alors que le tourisme local pourrait représenter une bouffée d’oxygène pour l’économie, il reste largement inaccessible aux citoyens.
Pour les familles nombreuses, le calcul est rapidement dissuasif. Entre le coût de l’hébergement, de la restauration et des activités, une semaine de vacances peut représenter plusieurs mois de salaire pour un ménage moyen. Dès lors, beaucoup renoncent simplement à tout projet de voyage, choisissant de passer l’été à la maison, sans autre activité qu’un court déplacement à la plage ou dans un parc.
Ce déséquilibre soulève une question plus profonde : les vacances sont-elles encore un droit pour les Tunisiens, ou deviennent-elles un privilège réservé à une minorité ? Derrière ce débat, se cache une réalité sociale préoccupante. Les vacances ne sont pas seulement une pause bien méritée ; elles sont aussi essentielles à l’équilibre psychologique, à la santé mentale et au renforcement des liens familiaux. Leur absence contribue à la fatigue chronique, à la frustration sociale et à l’accroissement des inégalités.
Quelles solutions ?
Pour faire face à cette nouvelle donne, plusieurs pistes peuvent être envisagées. Tout d’abord, les professionnels du tourisme pourraient proposer des formules adaptées aux budgets modestes, avec des séjours plus courts, des promotions ciblées ou encore des partenariats avec les collectivités locales. Les hôtels pourraient également mettre en place des offres « familles » ou « allégées », avec des services à la carte.
Ensuite, l’État pourrait intervenir en créant un dispositif de soutien aux vacances pour les ménages à revenus limités, à l’image de ce qui se fait dans d’autres pays. Cela pourrait prendre la forme de bons de vacances, de subventions ou de partenariats publics-privés pour faciliter l’accès aux loisirs.
Enfin, il est peut-être temps de repenser le modèle touristique tunisien dans une optique plus inclusive. Le tourisme ne doit pas seulement viser les visiteurs étrangers à fort pouvoir d’achat ; il doit aussi prendre en compte les besoins de la population locale. En favorisant un tourisme communautaire, écoresponsable et réparti sur toute l’année, on pourrait élargir l’offre et lisser les tarifs.
Il appartient maintenant aux acteurs économiques, aux pouvoirs publics et à la société civile de travailler ensemble pour éviter que l’été ne devienne une saison d’exclusion. Dans un pays en quête de stabilité et de justice sociale, garantir à chacun l’accès à un moment de répit et de bien-être devrait être une priorité. Si des efforts concertés sont mis en œuvre, alors, peut-être, les Tunisiens pourront-ils retrouver la possibilité de rêver à des vacances dignes de ce nom, même sans carnet de chèques.
Leila SELMI