Quelles solutions pour mieux financer les caisses sociales en Tunisie ? Car il faut le dire, leur situation financière est de plus en plus inquiétante. Qu’il s’agisse de la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) ou de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), elles inquiètent aussi bien les affiliés que les responsables. Selon les dernières statistiques, réalisées en 2024, plus de 700 millions de dinars de déficit du côté de la CNRPS et qui atteindrait le milliard en 2025.Même constat en ce qui concerne la CNSS dont le déficit est aussi inquiétant.
C’est la raison pour laquelle, le Président de la République, Kaïs Saïed, a appelé récemment, lors de sa rencontre avec le ministre des Affaires sociales Issam Lahmar, à trouver des solutions efficaces pour financer les caisses sociales et ce, dans le cadre de la politique de justice sociale à laquelle il ne cesse d’œuvrer.
En effet, face à ce grave déficit, les caisses n’arrivent plus à couvrir toutes les prestations qui sont pourtant régies par la loi depuis des décennies. La Tunisie est pourtant, parmi les premiers pays arabes à avoir mis en place un système de couverture sociale pour les employés, tant dans le secteur public que privé. Un système qui est en conformité avec la convention internationale de travail n°102 de 1956, relative à la couverture des risques, pouvant survenir aux employés au cours de leur vie professionnelle. Toutefois au fil du temps, les caisses affichent de plus en plus de réticence à couvrir ces risques, notamment auprès de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) créée en 2004, en vertu de la loi n° 2004-71 du 2 août 2004. Une caisse qui rencontre de plus en plus de difficultés pour couvrir certains risques, notamment en raison de l’évolution des risques professionnels, des déserts médicaux, et des difficultés à évaluer l’impact des aides à la prévention. Certains affiliés se plaignent soit du refus de couverture de certains frais tels que les traitements pour des maladies chroniques graves, à l’instar de l’immunothérapie, traitement consistant à traiter les molécules responsables de la prolifération des cellules cancéreuses, soit du retard de plus en plus flagrant, pour le remboursement de frais médicaux en général.
Aider les caisses à se reconvertir
Pour sortir de cette spirale déficitaire, il devient impératif d’aider les caisses sociales à se reconvertir. Elles ne doivent plus être perçues uniquement comme de simples organismes de collecte et de redistribution, mais comme de véritables leviers de réinvestissement et de création de valeur économique et sociale. C’est d’ailleurs la tendance dans de nombreux pays à travers le monde, où les caisses sociales jouent un rôle actif dans le financement de projets structurants, l’investissement dans des secteurs stratégiques comme la santé, le logement social ou les énergies renouvelables, ou encore la constitution de fonds souverains à long terme. En Tunisie, cette reconversion exige un cadre juridique et institutionnel clair, une gouvernance renforcée, ainsi qu’une montée en compétence des organes de gestion. Mais elle offre aussi une formidable opportunité de redonner souffle au modèle social tunisien, en transformant la sécurité sociale en acteur dynamique du développement durable plutôt qu’en charge budgétaire chronique.
Quelles solutions pour mieux financer les caisses sociales
Des solutions ont été proposées lors d’un conseil de ministres présidé par le Chef de l’Etat le 29 mai 2025, afin d’œuvrer au mieux à équilibrer la situation financière de ces caisses. Parmi ces solutions, il s’est avéré opportun d’élargir la base d’affiliation de manière à inclure des secteurs qui continuent, jusque-là, à fuir le devoir social, avec une réticence volontaire à cotiser. Il y a également le marché informel qu’il faut éradiquer par tous les moyens. Le marché informel continue de priver les caisses sociales de ressources considérables. Des mesures concrètes sont attendues pour inciter à la formalisation de l’emploi et à l’enregistrement des travailleurs non déclarés. Il faut également une meilleure gestion des dépenses et des prestations.
La rationalisation des remboursements, la révision de certains tarifs et la mise en place d’outils de contrôle plus rigoureux, sont indispensables pour assurer la pérennité du système sans en compromettre l’universalité. Par ailleurs, il faut penser à l’investissement des excédents là où ils existent encore et la création de mécanismes de financement innovants dont le fonds de réserve, les obligations sociales, les partenariats avec les banques publiques, voire l’introduction d’une TVA sociale pour diversifier les sources de financement.
Les caisses sociales, véritables leviers de réinvestissement
Pour sortir de cette spirale déficitaire, il devient impératif d’aider les caisses sociales à se reconvertir. Elles ne doivent plus être perçues uniquement comme de simples organismes de collecte et de redistribution, mais comme de véritables leviers de réinvestissement et de création de valeur économique et sociale.
C’est d’ailleurs la tendance dans de nombreux pays à travers le monde, où les caisses sociales jouent un rôle actif dans le financement de projets structurants, l’investissement dans des secteurs stratégiques comme la santé, le logement social ou les énergies renouvelables, ou encore la constitution de fonds souverains à long terme. En Tunisie, cette reconversion exige un cadre juridique et institutionnel clair, une gouvernance renforcée, ainsi qu’une montée en compétence des organes de gestion. Mais elle offre aussi une formidable opportunité de redonner souffle au modèle social tunisien, en transformant la sécurité sociale en acteur dynamique du développement durable plutôt qu’en charge budgétaire chronique.
Une volonté politique indispensable
L’avenir des caisses sociales tunisiennes dépend d’abord d’une volonté politique forte. Le cadre légal existe, les constats sont clairs, et les pistes sont sur la table. Ce qu’il manque, c’est un passage rapide à l’action, avec un plan global, concerté et assorti d’un calendrier de mise en œuvre réaliste. Comme l’a affirmé le Président de la République Kaïs Saïed, « un texte de loi ne tire pas sa valeur de sa seule existence, mais surtout de l’engagement de ceux qui sont chargés de veiller à sa mise en œuvre ». Le redressement des caisses sociales ne se fera pas par décret, mais par la responsabilisation de tous les acteurs, publics comme privés, et par un retour à l’esprit de solidarité qui a fondé le système social tunisien.
Ahmed NEMLAGHI