Par Slim BEN YOUSSEF
Il est des mots qui ne servent plus à parler. Ni à juger. Ni à nommer. « Crime de guerre ». « Justice internationale ». « Droits de l’Homme ». « Non-prolifération des armes nucléaires ». « Droit international ». « Organisation des Nations unies ». Etcetera. La grammaire de l’universel se délite dans une prose d’exception. Et la langue du droit s’effiloche, usée par l’usage, creusée par l’impunité. La langue du droit ? Une langue morte qui survit par automatisme. Elle fait ce que fait la guerre moderne : elle détruit sans fracas.
Pendant qu’en Iran la moindre centrifugeuse est traquée comme une bombe à retardement, pendant que l’AIEA ausculte les soupçons plus que les sites, pendant que l’Occident sermonne d’une main et arme de l’autre – l’entité sioniste, elle, perfectionne l’art du voyoutisme. Elle se tait. Elle ne nie pas. Elle ne dit rien. Elle ne signe rien. Elle possède. Elle menace. Elle viole. Elle détruit. Elle tue.
Aucun traité. Aucune inspection. Aucune question posée. Tel est le génie cynique de l’opacité nucléaire : un secret éventé mais intouchable. Né d’un pacte tacite avec les États-Unis, entretenu par une diplomatie de l’omission, protégé par la loi des forts, sanctuarisé par un ordre international qui fonctionne au gré des puissants.
Israël est une anomalie devenue norme. Un hors-la-loi légal. Une exception rendue permanente. Il n’est pas jugé par le droit : il l’ignore sans sanction, avec la bénédiction muette de ceux qui confondent ordre et hiérarchie.
Hors traité, hors cadre, hors critique ? Rien qu’en 2023, Gaza reçut l’équivalent de deux Hiroshima – en silence, sous les regards. Et aujourd’hui ? Les ruines gisent, le génocide continue.
Il ne reste qu’un goût : celui d’une justice introuvable, d’un mensonge juridique devenu système. Le « droit international » n’est ni droit, ni international, ni universel. C’est une fiction d’ordre, un habillage de force, une rhétorique sans recours. Il est l’alliance froide d’un pouvoir, d’un récit, d’un silence – une architecture d’oubli armé. Et l’Histoire le sait.
La justice globale, aujourd’hui, se résume à ceci : un ordre qui punit les faibles, absout les forts, et enterre les vaincus. Les Palestiniens, comme les Iraniens, savent déjà ce qu’une telle définition scelle d’inutile, de répété, d’irrévocable. Ils en connaissent la sentence – avant même le procès.
Ils savent. Et cela suffit.
C’est la définition même de la résistance.