Le Groupe sur le changement climatique du Groupe de la Banque mondiale a, récemment, publié les risques climatiques profil pour notre pays. Il fait partie d’une série de profils visant à présenter une évaluation de haut niveau des risques climatiques auxquels les pays sont confrontés, y compris les événements à évolution rapide et les changements à évolution lente des conditions climatiques. Le moins que l’on puisse dire au sortir de la lecture de ce document, c’est que c’est chaud pour nous !
Les séries de profils de pays du Groupe sur le changement climatique du Groupe de la Banque mondiale sont conçues comme une source de référence pour les praticiens du développement afin de mieux intégrer les données climatiques détaillées, les risques climatiques physiques et le besoin de résilience dans la planification du développement et l’élaboration des politiques.
Le document Risques climatiques profil Tunisie («Climate risk country profile Tunisia») a, récemment, été publiés.
Dans les messages clés de ce profil, l’on peut lire que le changement climatique chez nous devrait réduire la disponibilité de l’eau, accélérer la désertification et intensifier les phénomènes météorologiques extrêmes, ce qui aura un impact sur l’agriculture et les moyens de subsistance. Les zones côtières sont confrontées à la menace d’une élévation du niveau de la mer, d’une augmentation des inondations et d’une perturbation de la pêche.
Les températures devraient continuer à augmenter de 0,35 °C par décennie jusqu’à 2050 selon le scénario SSP3-7.0 (SSP pour Shared Socio-economic Pathways/Parcours socio-économiques partagés) –qui envisage des tendances de développement pessimistes, dépassant ainsi la moyenne mondiale.
84 jours par an de journées chaudes
Il est noté que les principaux défis liés à la température comprennent une augmentation des journées chaudes. Ce réchauffement devrait atteindre toutes les régions.
D’ici 2040-2059, il y aurait 84 jours chauds par an, au lieu des 57, même si les régions de Tozeur, Kébili et Tataouine connaissent déjà environ 3 mois par an avec des températures dépassant 35°C.
Sur le plan saisonnier, les mois de juillet et août, qui ont connu historiquement environ la moitié du mois avec des températures maximales supérieures à 35°C, connaîtront près de 25 jours par mois à ces températures d’ici le milieu du siècle. En outre, les mois de juin et de septembre devraient connaître une chaleur aussi extrême pendant la moitié du mois. Les températures extrêmement élevées, dépassant 40°C, deviendront également plus fréquentes, avec jusqu’à 10 jours de chaleur de ce type en juillet et août d’ici 2040-2059.
La température moyenne nationale devrait passer à 21,9°C d’ici 2040-2059. Les régions intérieures centrales, y compris Kasserine et Sidi Bouzidi, devraient connaître les taux de réchauffement les plus élevés, avec environ 0,41°C par décennie.
La température moyenne minimale à l’échelle nationale atteindre 16,55°C pour la période 2040-2059.
Le document met en avant que les journées chaudes présentent des risques importants pour la santé humaine et animale, en augmentant la probabilité de maladies liées à la chaleur, tout en augmentant la menace d’incendies de forêt, en endommageant les cultures, en mettant à rude épreuve les réserves d’eau, en augmentant les besoins d’irrigation et en faisant grimper la demande d’énergie, autant de facteurs qui peuvent perturber les infrastructures, les écosystèmes, la sécurité alimentaire, et les moyens de subsistance.
Les nuits chaudes, ça nuit !
Et il ne faudra pas compter sur les nuits pour calmer l’ardeur des journées. En effet, selon les projections, le nombre de nuits chaudes devrait augmenter rapidement. Le nombre de nuits où les températures nocturnes (minimales) dépassent 23°C devrait passer à 88,66 jours par an d’ici 2040-2059 dans le cadre du SSP3-7.0. Notre pays devrait connaître une augmentation de 7,28 nuits chaudes supplémentaires par décennie jusqu’à 2050, en particulier dans les régions méditerranéennes du nord-est : Ariana, Tunis, Ben Arous, Nabeul, Sousse, Monastir et Mahdia. Dans le sud, où les nuits chaudes sont déjà importantes, Kébili devrait connaître 118,52 nuits chaudes par an d’ici 2050.
Les nuits chaudes s’étendront de plus en plus au printemps et à l’automne. Il est noté que ces nuits présentent des risques pour la qualité du sommeil, la santé humaine et les cultures agricoles, car l’absence de refroidissement pendant la nuit peut exacerber le stress thermique des plantes, entraver la croissance et réduire les rendements, tout en augmentant le risque de maladies liées à la chaleur, la consommation d’énergie et la pression sur les réseaux électriques.
Diminution des précipitations
Selon le document, dans le cadre du SSP3-7.0, les précipitations annuelles moyennes devraient diminuer dans tout le pays à un taux projeté de 7,9 % d’ici 2040-2059 par rapport à la période historique 1995-2014, passant de 207,97 mm à 191,54 mm ; les réductions les plus importantes étant observées dans les régions les plus pluvieuses du nord-ouest, ce qui entraîne des sécheresses plus longues et une désertification croissante.
Les précipitations extrêmes devraient également devenir plus fréquentes, la période de retour de 100 ans augmentant de 20 % d’ici à 2050 dans le cadre du scénario SSP3-7.0, ce qui accroît le risque d’inondations et de glissements de terrain.
Le profil indique qu’outre la baisse des précipitations globales, la fréquence et l’intensité des périodes de sécheresse évoluent. Le nombre maximum de jours secs consécutifs devrait augmenter légèrement à l’échelle nationale, pour passer, selon le SSP3-7.0, de 112 jours historiquement à 114 jours d’ici 2040-2059.
L’augmentation de la sécheresse est plus prononcée dans les régions comme Béja, Bizerte et Manouba, où il est prévu plus de 2 jours secs supplémentaires par décennie, ce qui équivaut à 10 jours supplémentaires sur 50 ans. Les autres régions septentrionales devraient connaître environ 1,5 jour de sécheresse supplémentaire par décennie.
Une perte de 40 % de la biomasse animale
La désertification représente l’un des risques les plus importants dans notre pays. L’impact des activités humaines sur les terres a accéléré la dégradation des zones arides et semi-arides, entraînant une perte de sols productifs et une vulnérabilité accrue à l’expansion du désert. Avec le changement climatique, le réchauffement devrait encore intensifier la désertification à travers le pays, exacerbant une situation déjà critique.
Selon le document, la désertification s’étendra aux régions septentrionales, menaçant la sécurité alimentaire, tandis que l’augmentation des températures à la surface des mers, du niveau des mers et des ondes de tempête posera des risques croissants pour les villes côtières et l’économie bleue.
Selon le scénario SSP3-7.0, les températures de surface de la mer devraient augmenter de 0,7°C jusqu’à 2040, de 1,3°C entre 2041 et 2060, et de 2,8°C entre 2081 et 2100.
Toujours selon ce scénario, le niveau de la mer devrait augmenter de 0,23 mètre d’ici à 2050 et de 0,68 mètre d’ici à 2100.
D’autre part, d’ici 2090-2099, la biomasse animale marine le long de notre côte devrait diminuer de 40 %.
Zouhour HARBAOUI