Par Slim BEN YOUSSEF
Officiellement, l’Iran nie vouloir la bombe. Officieusement, nul ne sait ce qu’il en est. Et fondamentalement, cela n’a plus de poids. L’enjeu réside dans la manière dont le soupçon suffit à déclencher une guerre. Cette agression américano-israélienne marque un tournant majeur : désormais, ne pas avoir la bombe est devenu plus dangereux que l’avoir.
La diplomatie temporise, tergiverse, relativise – et meurt dans le processus. La dissuasion, elle, ne parle qu’en majuscules. Entre les deux, le « droit international » chancelle, et l’équité s’effondre.
Droit international ? Trois nouvelles lois s’imposent – trois vérités arrachées au chaos. Premièrement : l’arme atomique reste, pour les régimes indociles, la seule assurance-vie. Deuxièmement : hésiter est une faute stratégique – qui veut survivre doit s’armer vite, et sans excuse. Troisièmement : l’accès au nucléaire n’obéit à aucune règle – sinon celle du fait accompli. La bombe ne se demande pas. Elle ne se mérite pas. Elle s’arrache – à la science, à la morale, à l’ordre établi. Comme un vol, ou une révolution.
Israël possède la bombe et ne la reconnaît pas. Intouchable. La Corée du Nord la brandit avec fracas. Immunité garantie. L’Inde et le Pakistan ont franchi le seuil à leur manière : en silence et en force. Saddam Hussein, lui, n’avait ni programme ni arme : pendu. Kadhafi avait renoncé : lynché. Conclusion ? Vouloir la bombe est un crime, ne pas l’avoir, une erreur. Une leçon gravée dans les ruines de l’Histoire.
À ce jeu, l’ambiguïté est une témérité funeste. L’Iran a manœuvré avec l’élégance d’un vieux diplomate : elle a cru pouvoir gagner du temps, retarder l’inévitable, jongler entre promesse et menace. Mais l’époque ne tolère plus la nuance. Elle exige des positions nettes, des réponses brutales, des choix définitifs. La patience devient une faiblesse qui s’ignore ; la prudence, une franchise déguisée en provocation ; le dialogue, une reddition.
Ainsi va le nouvel ordre nucléaire : un club sans règles, sans seuil, sans légitimité – mais avec un critère impitoyable : seuls survivent ceux qui transgressent. Un club qui ferme la porte aux prudents, aux lents, aux légalistes, mais reste ouvert à ceux qui forcent la serrure. La bombe y devient une condition d’existence : tout le monde la craint, mais tout le monde en a besoin.